(Québec) Un professeur d’université de Québec propalestinien affirme s’être vu interdit par sa synagogue de participer à la Pâque juive en raison de ses prises de positions politiques critiques d’Israël.

Jesse Greener, qui est de confession juive, a mis en demeure la synagogue Beth Israel Ohev Sholem CBIOS de Québec. Il affirme que l’établissement religieux lui a écrit qu’il n’était pas le bienvenu lors de la célébration de la Pâque juive, qui avait lieu le 23 avril.

M. Greener est formel : la synagogue lui a fait savoir que la décision découlait de ses prises de position critiques envers Israël.

« C’est ma femme qui a planifié ça avec un membre du comité exécutif, et autour du 5 avril on nous a dit qu’on était barrés, et c’était mentionné explicitement que c’était à cause de notre implication avec les manifestations pour un cessez-le-feu à Gaza », explique en entrevue ce professeur titulaire de chimie à l’Université Laval.

« C’est notre existence comme famille juive progressiste qui est niée. On voit un peu partout l’idée que les Juifs sont uniformes dans leur opinion en ce qui concerne Israël, mais c’est faux, il y a beaucoup de diversité dans la communauté, dit-il. C’est inacceptable d’effacer notre présence dans la synagogue pour maintenir l’apparence que nous sommes tous d’accord avec Israël. »

Le professeur Greener se décrit comme peu pratiquant. Mais il indique qu’il avait participé à des activités de cette synagogue dans le passé et qu’il est important pour lui d’élever ses enfants dans la culture juive. La participation à la Pâque juive revêtait donc une importance particulière pour lui.

« Imaginez des catholiques qui se font barrer de la messe de minuit à cause de leurs positions sur X ou Y », indique le père de famille.

M. Greener note que la mise en demeure exige des excuses de la synagogue et l’assurance que la famille ne sera plus exclue de ses évènements.

L’avocat de M. Greener, Julius Grey, indique qu’il aimerait rencontrer les gens de la synagogue pour discuter. Mais il n’exclut pas une poursuite à défaut d’une entente.

« Je trouve ça insolite de refuser des services religieux pour motif politique », note MGrey. « Les gens sont inconfortables de critiquer Israël dans certains milieux et c’est regrettable, ajoute-t-il. Il faut pouvoir discuter. Les deux côtés doivent pouvoir s’exprimer. Et maintenant il y a une forte pression. »

La synagogue réplique

De son côté, la synagogue Beth Israel Ohev Sholem CBIOS de Québec a nié avoir exclu la famille pour des raisons politiques.

« À l’instant, il n’y a aucun élément qui m’amène à soutenir la thèse de ces gens-là. La congrégation est composée de gens très respectueux », fait valoir MSarto Landry, l’avocat qui représente la congrégation.

« D’aucune façon mes clients n’ont eu un comportement semblable à l’égard de ces gens-là. On conteste de façon très sévère les propos tenus ou qui semblent avoir été tenus », ajoute MLandry, qui n’exclut pas une action en diffamation.

En entrevue à Radio-Canada, qui a révélé la mise en demeure, une administratrice de la synagogue semblait pourtant confirmer les dires de M. Greener.

« Il a été demandé [aux membres de cette] famille (qui ne sont pas des membres […] payeurs de notre congrégation) de ne pas assister à l’évènement le 23 avril [puisque] certains membres payeurs n’auraient pas participé à l’évènement, car ils ont des points de vue opposés à [ceux de] [cette] famille », indiquait à Radio-Canada Debbie Rootman, vice-présidente et trésorière pour la congrégation Beth Israel Ohev Sholem CBIOS.

Jesse Greener explique qu’il n’avait jamais parlé de ses positions politiques dans la synagogue. Mais puisque lui et sa conjointe militent activement pour un cessez-le-feu à Gaza, des membres ont pu en prendre connaissance ailleurs.

Selon lui, la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza « est un génocide, point final ».

La question de savoir si la riposte d’Israël aux massacres du 7 octobre constitue un génocide est vivement débattue. La rapporteuse spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens a affirmé en mars qu’il « existe des motifs raisonnables » de croire qu’Israël a commis plusieurs « actes de génocide ».

Israël a « totalement rejeté le rapport » et déclaré, dans un communiqué de sa représentation auprès des Nations unies à Genève, qu’il fait partie « d’une campagne visant à saper l’établissement même de l’État juif ». « La guerre d’Israël est contre le Hamas, pas contre les civils palestiniens », a assuré l’État.