Costco veut visiblement permettre à ses membres de trinquer avec des vins d’ici. Depuis trois mois, des produits de l’Orpailleur, l’un des plus importants vignobles du Québec, sont offerts sur les tablettes de tous les entrepôts de l’enseigne de la province. D’autres vins québécois pourraient s’ajouter à l’offre majoritairement composée de produits étrangers.

Il s’agit du plus important contrat au détail obtenu par le vignoble de Dunham, confirme son copropriétaire Charles-Henri de Coussergues. L’idée est venue de ses filles qui magasinent régulièrement des couches pour leurs enfants chez Costco. En voyant la section des vins, elles se sont demandé : pourquoi l’Orpailleur ne tenterait-il pas sa chance ?

Sans grandes attentes, le principal intéressé est donc allé au cours de l’hiver rencontrer les dirigeants de Costco à Ottawa. « Finalement ça s’est très bien passé. Ils étaient très ouverts à essayer de l’Orpailleur », raconte le vigneron qui produit annuellement 360 000 bouteilles avec des vignes cultivées sur 47 hectares dans les Cantons-de-l’Est.

Mais Charles-Henri de Coussergues, dont les vins – un rouge, un blanc et un mousseux – sont en vente dans les 21 entrepôts du Québec, sait qu’il doit trimer pour que ceux-ci ne soient pas oubliés sur les tablettes. « Chez Costco, de la poussière sur les produits, on n’en voit pas beaucoup, illustre-t-il. Il faut que le pouce carré soit hyper rentable. Il faut que ça tourne. C’est un enjeu que j’ai. Mais il y a une opportunité, donc on l’essaie », ajoute celui dont les vins sont également offerts à la SAQ ainsi que chez Metro et IGA.

Pour le moment, le producteur affirme que ses vins trouvent rapidement preneur chez Costco. Le porte-parole de l’enseigne, Martin Groleau, assure lui aussi que « pour le moment, les ventes sont au rendez-vous ».

À Saint-Eustache, le vignoble Rivière du Chêne fait aussi une brève incursion chez Costco afin « d’écouler » les stocks d’une gamme qu’il ne produira plus par la suite et qui n’est plus offerte en supermarché.

« Cette gamme avait besoin d’un beaucoup trop gros coup de pouce marketing pour qu’il y ait un certain succès à la fois financier et commercial », explique le propriétaire Daniel Lalande, qui vend d’autres gammes de produits dans les succursales de la société d’État et en épicerie.

Chez Costco, il parle donc d’un « positionnement éphémère ». Comme l’expérience est concluante, M. Lalande ne ferme pas la porte à un retour éventuel d’autres produits dans les entrepôts du géant américain. Mais pour le moment, il veut se concentrer sur le réseau des supermarchés où il vend dans quelques magasins ses produits La Cantina.

« En équipe, on a plutôt fait le choix d’élargir la distribution à travers Metro et IGA avant de poursuivre dans cette chaîne. Mais il est possible qu’on y retourne. J’aurai fait un essai. Je vois que ça peut fonctionner. Je ne couperai pas les ponts. »

Par ailleurs, l’Orpailleur et Rivière du Chêne risquent de ne pas être les seuls représentants de la province au rayon des vins chez Costco. D’autres bouteilles québécoises pourraient également faire leur entrée dans la section des vins de l’enseigne. « C’est toujours une possibilité selon l’intérêt de nos membres québécois, a indiqué par courriel Martin Groleau. Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux produits qui correspondent à notre stratégie d’entreprise. »

Selon Charles-Henri de Coussergues, « c’est dans l’intérêt de Costco de montrer que l’entreprise est réceptive à l’achat local ».

« C’est fou comme il y en a, des membres chez Costco, ajoute pour sa part M. Lalande. Ce n’est pas tout le monde qui achète son vin à la SAQ. Le client qui achète chez Costco, il en achète, du vin. »

« J’ose espérer que cette chaîne-là va faire ses devoirs pour avoir des vins d’origine d’indication géographique protégée (IGP) du Québec sur ses tablettes, poursuit-il. Avoir un logo bleu sur des vins qui viennent d’ailleurs, mais qui sont embouteillés au Québec, je trouve que ça sème la confusion. Un vin du Québec, ce sont nos terres, notre terroir, notre savoir-faire. »

Au Québec, les vins français, italiens ou australiens vendus en épicerie sont embouteillés ici. Il en va de même pour des vins mis de l’avant par des gens connus comme le restaurateur Stefano Faita ou Bob le Chef. Bien qu’ils accolent leur nom à ces vins, ceux-ci ne sont pas produits ici.

Vins québécois : baisse de l’engouement ?

Par ailleurs, en 2023, les ventes de vin d’ici sont demeurées stables avec une augmentation de 0,3 % par rapport à 2022, selon les données fournies par le Conseil des vins du Québec. À la SAQ, les ventes des vins d’ici en litres ont diminué de 8,5 % au cours de la dernière année.

L’engouement est-il en train de s’essouffler ? « Je pense que c’est une fausse lecture, soutient Charles-Henri de Coussergues. Il faut faire attention. Il y a eu un engouement à cause de la COVID-19. Tous les producteurs de boissons alcoolisées du Québec ont manqué de stock. Ça crée un espoir disproportionné. Après la COVID, on est revenus à la normale. C’est sûr qu’il y a des vignerons qui sont très déçus parce qu’ils n’arrivent pas à maintenir le même rythme de ventes que pendant la COVID. Oui, c’est plus tranquille, mais ce n’est pas dramatique. »

« Je vends un peu moins que pendant la pandémie, mais je vends la même chose qu’avant la COVID. Mais c’est sûr et certain que le consommateur en redemande », affirme-t-il, convaincu.