Un refuge pour itinérants de Longueuil sera relocalisé d’ici août, mais les ressources débordent

Le refuge La halte du coin, autour duquel s’était développé un campement dans les dernières semaines à Longueuil, sera relocalisé d’ici le mois d’août. Entre les résidants inquiets et les personnes itinérantes qui lancent un appel à l’aide, la mairesse Catherine Fournier prévient que les ressources sont pleines à craquer et peinent à répondre aux besoins.

Ce qu’il faut savoir

  • La mairesse de Longueuil a annoncé que le refuge La halte du coin serait déplacé d’ici août, pour ensuite y construire à proximité un complexe de quelque 80 logements sociaux.
  • Ces derniers mois, des campeurs avaient commencé à s’installer près du refuge, arrivé à pleine capacité. De plus en plus d’incidents avec le voisinage ont été rapportés.
  • Les campeurs et les travailleurs de rue demandent plus de ressources et des solutions pour le logement, le nouveau refuge n’ayant pas prévu accueillir plus de personnes.

« Ça ne changera rien. C’est juste un plaster sur la blessure, ce n’est même pas un point de suture », lâche François, un travailleur de rue que La Presse a rencontré au campement.

Un peu plus tôt dans la journée, lundi, la mairesse de Longueuil avait annoncé que La halte du coin allait être relocalisée.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Le refuge est situé dans l’église Notre-Dame-de-Grâces.

Ouvert dans l’église Notre-Dame-de-Grâces en pleine pandémie, au printemps 2020, l’organisme accueille quotidiennement environ 35 personnes dans le besoin.

Une situation tendue avec le voisinage

Ces derniers mois, un campement de personnes itinérantes s’est installé à proximité de l’église et continue de grandir chaque jour, alors qu’un chantier visant à livrer un complexe d’habitation avec quelque 80 unités de logement social s’est mis en branle à proximité du lieu. « Ça a commencé avec quelques tentes au début de l’année. Maintenant, c’est quasiment un village », décrit une mère de deux enfants, rencontrée à la sortie des classes devant une école située au coin de la rue.

Elle raconte que les incidents se sont multipliés, jusqu’à des seringues retrouvées dans la cour de l’école.

On sensibilise nos enfants aux enjeux actuels, à la pauvreté. Mais trop, c’est comme pas assez.

Une mère de deux enfants

La surveillance policière a été augmentée et plusieurs arrestations ont eu lieu ces derniers jours.

De leur côté, les campeurs rencontrés par La Presse déplorent que la situation soit si tendue. Assane, qui a planté sa tente à proximité de l’église depuis un mois et demi, explique que pour lui, les troubles avec le voisinage sont le fait de quelques individus aux prises avec des problèmes de dépendance et de santé mentale. « J’entends souvent ’’tous les itinérants sont des animaux’’. Ça me met en colère, mais qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? », lance-t-il.

Des places insuffisantes

« Je lance le message pour les personnes de Montréal qui penseraient peut-être venir chercher de l’aide ou un appui chez nous à Longueuil. On est pleins, on ne peut pas en prendre davantage », a fait valoir la mairesse Catherine Fournier en annonçant la nouvelle lors d’une mêlée de presse.

La halte du coin sera déplacée dans le Centre Jeanne-Dufresnoy, à environ un kilomètre de l’emplacement actuel. « C’était le bâtiment municipal qu’on pouvait trouver le plus loin d’une école possible. On a tellement reviré toutes les pierres qu’on a même pensé à démobiliser un aréna au complet », a-t-elle avoué.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

François, travailleur de rue

Plusieurs campeurs ont souligné que cela ne fera que déplacer le problème ailleurs. « Il n’y a personne qui est ici parce que ça lui tente. Ils sont même plus nombreux dehors qu’à l’intérieur [de l’église] », dit François.

A priori, La halte du coin conservera la même capacité après sa relocalisation. Faute de places supplémentaires, les campeurs nous ont confié qu’ils resteront probablement là où ils sont.

Des besoins « difficiles à mesurer »

« La mairesse, ça se voit qu’elle est de bonne foi et qu’elle fait de son mieux avec ce qu’elle a », indique Pat Dupuis, qui est également travailleur de rue. Il souligne être conscient que pour ouvrir des bâtiments qui accueilleraient plus de monde, « ça prend des assurances, des subventions… Mais est-ce qu’on pourrait, juste, pouvoir ? », lance-t-il.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Pat Dupuis, travailleur de rue

Le directeur général de La halte du coin, Pierre Rousseau, demeure prudent lorsque questionné sur une augmentation de la capacité de la ressource. « On pourrait faire plus […], mais même si on avait plus de places, on se demande si des gens seraient quand même là, à l’extérieur, avec des besoins. C’est tellement difficile à mesurer », a-t-il dit.

« On va porter une attention aux campements », a promis la mairesse, en ajoutant être consciente que ceux-ci se mettent en place « quand on n’a pas de places dans les ressources ». Dès le départ, a-t-elle ajouté, « c’était déjà assez clair que la halte ne pouvait pas rester à long terme dans le secteur ». « On savait qu’il y avait un enjeu déjà de cohabitation sociale, avec la présence d’une école à côté. »

Tout cela survient alors qu’à Montréal, deux voisins de deux importants refuges pour sans-abri se sont adressés à la justice, la semaine dernière, pour recevoir un dédommagement d’au moins 25 000 $ chacun pour leurs désagréments. Les demandes déposées à la Cour supérieure concernent les résidants des environs de l’Hôtel-Dieu, rue Saint-Urbain, et du refuge The Open Door, dans Milton-Parc.

Dans les Laurentides, la Clinique juridique itinérante, un organisme de défense des droits des sans-abri, conteste devant les tribunaux un règlement de Saint-Jérôme visant à interdire la mise sur pied de campements pour personnes itinérantes dans l’espace public.