L’anglais est omniprésent dans le Quartier latin de Montréal, pourtant désigné « quartier de la francophonie » cette semaine par l’administration de Valérie Plante.

Ce qu’il faut savoir

  • Les enseignes commerciales où l’anglais domine abondent dans le Quartier latin.
  • Le secteur a pourtant été désigné « quartier de la francophonie » par Valérie Plante, cette semaine.
  • Des commerçants s’indignent, mais la majorité de ces enseignes sont tout à fait légales, selon un avocat.

Une rapide tournée dans la rue Saint-Denis et ses environs, jeudi, a permis à La Presse de constater qu’une proportion importante des commerces du secteur – une bonne vingtaine d’entre eux – ont des enseignes où l’anglais domine.

Les affamés peuvent se sustenter chez Loaded Pierogi, Poke Monster, Little Bangkok, Grill N Burger ou Hinnawi Bros, entre autres. Besoin d’une coupe de cheveux ? Upcuts Barbershop, Au Barbershop Coiffeur ou A&A Barbers pourront vous aider, même « without appointment », dixit une affiche installée sur le trottoir (version française au verso) par un autre commerce. Pour envoyer un colis, vous pouvez faire confiance à The UPS Store ou encore à Expert Shipping, puis siroter une boisson chaude au Café Big Trouble ou chez Kung Fu Tea. Vous êtes plutôt bière ? Le Red Room et le Meltdown vous attendent.

« On est envahis », dénonce en entrevue Jacques Boisseau, propriétaire depuis 40 ans du Café Cherrier, une institution du secteur. « Le français est en recul », même dans le Quartier latin, à son avis.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Éric Simard, propriétaire de la Librairie du Square

Un peu au sud, Éric Simard, de la Librairie du Square, voit lui aussi les choses se dégrader. « J’ai vécu à Montréal dans les années 1990, je suis parti 15 ans et je suis revenu quand j’ai acheté la librairie. J’ai vu que l’anglais avait progressé », dit-il, derrière le comptoir de son commerce. « Avant, c’était beaucoup dans l’Ouest, maintenant c’est un peu partout. »

M. Simard aimerait que les règles entourant la langue d’affichage soient plus strictement appliquées. « Ça a rarement été respecté », selon lui. « Ils laissent ça aller, depuis quelques années. Ça me dérange. »

La Presse a tenté de joindre la majorité des commerçants, sans succès.

Montréal est « une ville francophone », réitère Plante

C’est mardi que l’administration de la mairesse Valérie Plante a annoncé son intention de désigner le Quartier latin « quartier de la francophonie » afin de souligner son rôle historique dans la perpétuation du fait français dans la métropole.

« Le Quartier latin, c’est le Quartier latin. Il ne changera pas de nom, a assuré la mairesse en conférence de presse, au moment de l’annonce. Mais on a envie de réaffirmer à quel point il contribue à l’identité francophone forte de Montréal, tant au niveau du savoir que de la culture, de la vie nocturne et des grandes institutions québécoises. »

Depuis, une controverse a émergé sur l’opportunité d’associer la francophonie à un quartier en particulier, alors que Montréal dans son ensemble est une ville francophone.

Mme Plante, qui s’est réservé le dossier de la langue française au sein de son comité exécutif, n’a pas accordé d’entrevue à La Presse.

« Le respect de la Charte de la langue française dans l’affichage relève de l’Office de la langue française. Ceci dit, notre administration assume sa responsabilité de poser des gestes concrets pour valoriser le français partout à Montréal, qui est une ville francophone », a indiqué son cabinet, par écrit. « Le respect des normes de l’Office nécessite une vigie constante et nous partageons la ferme volonté que tous les établissements se conforment à celles-ci. »

« En aucun cas, ces cas ne doivent remettre en question la contribution exceptionnelle des institutions phares du Quartier latin, qui ont contribué à faire rayonner la francophonie au Québec et dans le monde », a-t-il ajouté.

Le cabinet du ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, n’a pas rappelé La Presse.

La plupart des enseignes seraient légales

La majorité des commerces identifiés par La Presse semblent à première vue respecter la législation actuelle en matière d’affichage commercial, souligne Yann Canneva, avocat et agent de marques de commerce au cabinet Langlois.

« À partir du moment où on a une marque de commerce qui est reconnue […] dans une langue autre que le français, c’est une exception à l’obligation d’avoir un affichage tout en français », a-t-il expliqué en entrevue téléphonique.

La loi dit toutefois qu’une marque de commerce en anglais (ou dans une autre langue) doit être accompagnée d’un nom générique ou descriptif dans son affichage, comme « restaurant », « boutique » ou autre.

Un nouveau règlement doit toutefois entrer en vigueur en juin 2025, exigeant qu’une marque de commerce en anglais soit visuellement deux fois plus petite sur les enseignes que les mots français qui l’accompagnent.

« Il n’y a aucune de vos photos qui respecte la nouvelle mouture » de la loi, a évalué MCanneva. Mais « il reste encore du temps ».

Lisez « Affichage commercial : le français devra occuper les deux tiers des façades et des vitrines »