Je veux parler de la montée des droites en vous entraînant d’abord, chers lecteurs, dans un détour. Admirez le paysage dans le pare-brise de ma Ford Pinto 1978. Désolé, je n’ai pas la clim.

Là-bas, à votre droite, donc, le 3lien invisible entre Québec et Lévis. Se fera, se fera pas ? On verra, comme l’a dit le chef de la Nation.

Il y a cependant quelque chose comme un symbole de l’incurie gouvernementale moderne dans cette saga de lien autoroutier. Et par « gouvernementale », j’inclus les oppositions.

Le 3e lien est né dans le giron libéral. Il a été promis par la CAQ dans l’opposition. Les partis de l’opposition s’opposent et promettent, généralement bruyamment et ostentatoirement. Ça les pousse à proposer des singeries semblables : un 3e lien.

Je ne dis pas « singerie » parce que c’est un lien autoroutier. Je ne suis pas de ceux qui souhaitent un embargo sur les ponts et chaussées au nom du climat. Pas forcément, en tout cas.

Mais c’est une patente politique, le 3e lien. Aucune donnée connue n’a jamais appuyé ce projet de 8-9-10 milliards (on verra). Et pourtant, des données, en transports, il en existe à la tonne.

Pas grave. La CAQ l’a promis quand même. Élue, elle fut pognée avec. La pandémie du premier mandat l’a dispensée de tenir sa promesse. Élue une seconde fois post-pandémie après l’avoir encore promis, la CAQ a soudainement pris acte du réel : oups, désolé, ça ne marchera pas… 

Puis, la CAQ a été battue dans une partielle à Québec, le premier ministre Legault a relancé le projet dans un coup de sang sans en parler à personne, ni même à son ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, qui l’a appris des journalistes.

Quand ils sont dans l’opposition, les partis promettent de ne pas niaiser avec le puck, une fois au gouvernement. Ça va rentrer au poste, citoyens !

Une fois élus, c’est drôle : de comités en commissions, ils trouvent toutes sortes de façons de niaiser avec le puck.

Ainsi, l’arrivée dans le décor de la Caisse de dépôt et placement : la CAQ a confié à CDPQ Infra le mandat de statuer sur les besoins de la région de Québec en matière de transports. Traduction : le 3e lien, le tramway, on fait quoi ?

Il y a pourtant une vaste expertise existante là-dessus. Au ministère des Transports. Dans nos universités. Pas grave, on donne le mandat à CDPQ Infra, on gagne du temps…

Et CDPQ Infra dit exactement ce que les experts en transports disent depuis longtemps : ça prend du transport en commun dans la région de Québec. Et le 3e lien ? Pas nécessaire.

Que fait le gouvernement Legault ?

Il félicite la Caisse pour son travail, il promet le feu vert au tramway…

Et il dit vouloir un 3e lien !

Je vous ai dit que c’est une chronique sur les droites, qui montent un peu partout. De diverses façons, sous plusieurs formes. J’y arrive, continuez à admirer la vue dans ma chronique Pinto…

Mettez-vous à la place du citoyen lambda, ici. Il regarde cette saga. Il voit clair dans le jeu du gouvernement Legault. Il sait bien que ce 3e lien n’a rien à voir avec la « mobilité » et tout à voir avec la consolidation de la base électorale de la CAQ dans le 418.

Il regarde cette saga, le citoyen. Il se gratte la tête.

Parallèlement, il attend, le citoyen. Il attend depuis un an l’appel de l’hôpital pour sa chirurgie de l’épaule (il sait que pour 20 000 $, son épaule sera réparée au privé la semaine prochaine par le même chirurgien qui ne peut l’opérer tout de suite au public). Il a mal.

Concurremment (il est multiple, le citoyen), il est un peu tanné que sa fille de 25 ans habite le sous-sol de son bungalow, mais au prix des loyers et des condos, il comprend que, pour l’instant, le titre du film de la vie de sa fille, c’est Tanguy.

Il sait que la crise du logement n’a pas qu’une cause, le citoyen. Il sait que c’est complexe. Mais là, il regarde les nouvelles et il entend Marc Miller, le ministre fédéral de l’Immigration, lui dire qu’il n’y a pas de problème avec l’explosion phénoménale des immigrants admis au pays. Il entend même M. Miller dire que si on formait tout ce monde, ça ferait des bras pour construire des maisons…

Et là, le même citoyen qui a mal à l’épaule et qui est légèrement irrité par le bruit du séchoir de sa fille de 25 ans, il entend un autre ministre fédéral, Jean-Yves Duclos, dire qu’il suffirait d’abaisser le tablier du pont de Québec (un pont fédéral) pour y faire passer la circulation lourde (ce qui est impossible présentement), ce qui bifferait le seul argument caquiste pour un 3e lien, la « sécurité économique » de la région…

Il se dit : Ils ont pas pensé à ça avant ?

Il trouve que ce sont tous des cons. Il trouve que les cons le prennent, lui, pour un con. Il trouve que c’est peut-être pas les cons, le problème, c’est plutôt le système qui accouche de ces conneries… 

Je ne dis pas que nos politiciens sont des cons. Je sais qu’ils ne le sont pas. Enfin, la plupart. Mais je me mets à la place du citoyen raisonnablement informé qui constate les ratés des politiques et des services publics, pis je ne peux pas le blâmer de se fâcher.

Et de penser, en termes crus, que ce sont tous des cons et que le système est une connerie.

Mon détour est terminé, ma Pinto arrive à destination : les droites qui montent, le populisme qui monte, ici et en France, c’est exactement ce qu’elles disent : on vous prend pour des cons, votez pour nous, on va le casser, le système, qu’avez-vous à perdre… 

Et ces droites disent ce que ce citoyen pense, dans les mêmes mots.

C’est ainsi que Trump pogne aux États-Unis comme un pompier à Occupation double, que le parti de Marine Le Pen est à un souffle de former le gouvernement en France et que Pierre Poilievre formerait un gouvernement à la majorité décoiffante si des élections avaient lieu demain.