La Banque Royale a fermé les comptes d’une associée de James William Awad, au moment où l’organisateur du voyage controversé vers le Mexique se retrouve « sur le radar » d’au moins deux entités réglementaires. Le mystérieux homme d’affaires de 28 ans se défend et affirme avoir récolté ses millions en toute légalité, lors d’une rencontre avec La Presse dans son « monde mystique » de Bois-des-Filion.

Voitures de luxe et tsunami médiatique

Samedi matin. James William Awad surgit de son imposante demeure qui domine la place du Coteau, un secteur discret et cossu de Bois-des-Filion. Il se tient les mains dans les poches à côté d’une limousine recouverte de neige décorée du logo de TripleOne, qui se targue d’être la « première compagnie décentralisée au monde ».

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L’imposante demeure de James William Awad domine la place du Coteau, un secteur discret et cossu de Bois-des-Filion.

Une Lamborghini Aventador blanche, une Rolls-Royce et une Cadillac classique sont garées dans le garage de la spacieuse résidence, où il vit depuis quelques mois en attendant la fin des rénovations de sa demeure principale.

Éventuellement, ici, ce sera la maison des invités. Quand des célébrités ou des amis viendront me visiter.

James William Awad

Dans ce stationnement qui ferait pâlir d’envie bien des amateurs d’autos de luxe, une voiturette de golf détonne. Les occupants du « domaine » – ses amis et associés qui habitent la demi-douzaine de maisons qu’il possède dans ce petit bout de rue – l’utilisent pour sillonner le secteur.

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La limousine ornée du logo TripleOne garée près de la demeure de James William Awad

L’évènement qui a tout changé

James William Awad était inconnu du grand public il y a un mois à peine. Tout a changé début janvier, quand les images d’une fête déjantée dans un vol Montréal-Cancún de Sunwing – organisée par 111 Private Club, l’une de ses nombreuses entreprises – ont fait les manchettes dans le monde entier. Transports Canada a ouvert une enquête sur les évènements et l’Agence de la santé publique du Canada a sanctionné au moins 12 voyageurs pour violation des règles sanitaires.

Au fil de plusieurs entretiens avec La Presse, James William Awad a tenté d’expliquer comment il avait réussi à faire assez d’argent pour acheter plus de 17 millions de dollars en immobilier – au comptant – et mener un train de vie princier ces dernières années. Ses explications ont fluctué au fil des discussions.

IMAGE TIRÉE DE LA PAGE INSTAGRAM OD SCOOP

Des vidéos du vol de Sunwing du 30 décembre montrent des passagers le visage découvert, chantant et dansant dans l’allée et sur des sièges, certains se passant des bouteilles d’alcool ou vapotant.

M. Awad a d’abord dit avoir commencé à empocher des revenus à l’âge de 14 ans grâce à des méthodes révolutionnaires de programmation en langage informatique C++. Des prétentions jugées peu vraisemblables par un expert qu’a retenu La Presse et qui n’a jamais entendu parler de ces innovations. Il a ensuite affirmé avoir démarré son empire grâce à la vente de codes qui permettent à des joueurs de tricher dans des jeux vidéo en ligne. Il dit avoir « tout perdu » au casino à l’âge de 18 ans, avant de réaliser l’essentiel de sa fortune sur les marchés boursiers.

Toute l’attention des dernières semaines a d’abord déstabilisé l’homme de 28 ans.

Je n’ai pas d’ennemis, j’ai juste des amis. C’est la première fois dans ma vie que je ressens autant de haine envers moi : je suis surpris.

James William Awad

Il espère maintenant profiter de sa nouvelle visibilité et doit tenir une conférence de presse jeudi matin. « L’attention des médias en ce moment va être bonne pour mes compagnies, avance-t-il. Les ventes de mes compagnies ont monté. Les gens me demandent des conseils sur comment réussir. »

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À l’intérieur de la maison qu’habite temporairement James William Awad, des articles de journaux laminés parus peu après l’épopée Sunwing traînent sur une table de ping-pong.

* * *

Il n’y a cependant pas que les médias qui s’intéressent aux affaires de M. Awad ces jours-ci.

La Banque Royale a fermé le compte d’une de ses entreprises, Astrofit Gym, et les comptes personnels de sa directrice responsable de l’entreprise, Sarah Anton. En entrevue avec La Presse, elle explique qu’un membre du service des enquêtes corporatives lui a annoncé qu’à la suite d’une enquête, l’institution financière « ne veut plus faire affaire avec aucun des associés de James William Awad ». Le lendemain, elle ne pouvait plus faire de transactions personnelles.

Au moins deux entités réglementaires provinciale et fédérale ont aussi lancé des vérifications au sujet de M. Awad, a appris La Presse, en surplus de l’enquête déclenchée par Transports Canada au sujet du vol Montréal-Cancún de Sunwing. « Il est sur notre radar », a confirmé une source de l’une de ces deux entités qui n’est pas autorisée à parler publiquement du dossier.

Les autorités chercheraient notamment à déterminer si M. Awad ou l’une de ses entreprises auraient pu exercer certaines activités illégales, après les nombreuses informations non vérifiées qui ont circulé sur les réseaux sociaux. Aucune enquête formelle n’a été lancée à ce stade-ci et rien ne permet de dire qu’une enquête en bonne et due forme aura lieu.

Mis en garde par l’AMF

Le jeune homme avait déjà attiré l’attention de l’Autorité des marchés financiers (AMF) en 2015. James William Awad, qui se prénommait à l’époque Kevin, a fait l’objet d’une « mise en garde » formelle de l’AMF pour des sollicitations d’investissement sur Facebook.

L’enquête de l’AMF a permis de démontrer qu’il avait mis sur pied un club d’investissement avec sa firme KJVRS Inc. en 2012 sans détenir ni les compétences ni les licences en règle pour exercer une telle activité. Le Tribunal administratif des marchés financiers lui a interdit « toute activité en vue d’effectuer, directement ou indirectement, toute opération sur valeurs », sauf pour son propre compte.

L’AMF vient de mettre à jour son avertissement officiel sur son site web pour aviser les consommateurs du changement de prénom de M. Awad, officialisé en 2019 après deux ans de démarches judiciaires. En entrevue, celui-ci soutient à ce jour n’avoir « rien fait de mal » dans cette affaire.

La tape sur les doigts que lui a donnée l’AMF a pris de trop grosses proportions, plaide-t-il. « Ça paraît comme une grosse affaire, car les gens ne lisent pas tout le document. Après, quand on cherchait mon nom, cette histoire ressortait. »

Son « malentendu » avec l’AMF n’a rien à voir avec son changement de prénom, affirme-t-il.

Démêlés avec Bell et la RBC

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TripleOne vient de déménager dans un immeuble qu’elle a acheté en juillet dernier dans l’arrondissement de Saint-Laurent.

L’entreprise principale de James William Awad, TripleOne, détient à son tour huit autres entreprises plus ou moins actives. Leurs activités ratissent large : pizza, gyms, salon de coiffure pour enfants… Il assure que la société « génère plus d’un million par année ».

À la tête de TripleOne se trouve un board of directors qui ne compte qu’un seul membre : James William Awad, seul actionnaire de l’entreprise. Il travaille avec six executives, qui dirigent les filiales.

Pour le jeune homme d’affaires, cette société qui détient les autres entreprises n’a pourtant rien d’un conglomérat. C’est plutôt un « concept décentralisé, dont tous les gens dans le monde entier peuvent faire partie, pour construire des entreprises et des marques », explique-t-il en anglais dans une vidéo sur le compte Instagram de TripleOne.

À terme, n’importe quel consommateur pourra voter pour obtenir des changements dans tel ou tel produit, en échange de rabais, voire de cryptomonnaies, selon les explications offertes sur le compte.

Comptes fermés

Au moins une des institutions financières qu’utilisent les dirigeants de TripleOne éprouverait toutefois de sérieux doutes, surtout depuis la médiatisation du fameux vol des influenceurs que James Awad a invités au Mexique sur les ailes de Sunwing. Le 19 janvier, Sarah Anton, son executive qui dirige les gyms Astrofit, a reçu un appel d’un membre du service des enquêtes corporatives de la Banque Royale. Il lui a annoncé que son compte personnel et celui de l’entreprise seraient fermés.

La raison ?

Il a dit qu’ils ne veulent plus faire affaire avec aucun associé de James Awad.

Sarah Anton, executive de James William Awad qui dirige les gyms Astrofit, en entrevue avec La Presse

Dès le lendemain de l’appel, son compte personnel et ses quatre cartes de crédit avec la Royale étaient bloqués.

Une porte-parole de la Banque Royale a refusé de donner des détails sur ces « situations particulières » par respect pour « la vie privée et la confidentialité de ses relations avec ses clients ».

Entente résiliée

Certaines entreprises du groupe semblaient déjà avoir du plomb dans l’aile bien avant le vol des influenceurs en folie. En novembre 2020, par exemple, Bell résiliait déjà son entente avec les cinq boutiques Intelcell – renommées Coconut – que détient TripleOne.

Le géant des télécommunications se serait séparé de James Awad pour plusieurs raisons. La plus importante : une enquête que Bell a déclenchée aurait révélé de nombreuses activations de lignes et de forfaits internet illicites, qui ne respectaient pas les politiques de vérification de la clientèle de la société et sa grille tarifaire. Les deux sources de ces informations, proches du dossier, ont requis l’anonymat pour éviter les poursuites et parce qu’elles n’ont pas l’autorisation d’en parler.

Bell s’était aussi plainte de publicités non autorisées avec son logo sur les réseaux sociaux. Selon les messages échangés entre James Awad et l’entreprise que La Presse a pu consulter, Intelcell en a notamment diffusé en avril 2020, alors que la société de télécommunications avait décidé de « mettre en pause toutes ses activités publicitaires » pour respecter l’esprit du confinement pandémique.

Bell aurait également soulevé des préoccupations au sujet du propriétaire ultime des boutiques, la « maison-mère » de TripleOne au Delaware, un État américain reconnu pour l’opacité de son régime d’entreprises.

Au service des communications de Bell, la porte-parole Caroline Audet confirme que l’entreprise a « résilié » son entente avec James Awad, mais ne détaille pas les raisons de cette décision. « Nous avons un processus de sélection très rigoureux pour tous nos distributeurs autorisés, incluant des vérifications des antécédents criminels et de crédit. »

Tout incident suspect est pris très au sérieux et fait l’objet d’une enquête par notre équipe de sécurité d’entreprise.

Caroline Audet, porte-parole de Bell

Alors que leur relation tirait à sa fin à l’automne 2020, James Awad a adopté le ton de la menace avec le géant des télécommunications, qui vaut près de 60 milliards en Bourse. « Notre réponse précédente était un message amical pour éviter d’entreprendre des recours légaux contre Bell », écrit-il dans un courriel.

Dans un autre message, il adresse des reproches à l’entreprise en ajoutant : « Ce n’est pas la façon dont je fonctionne dans mes 54 compagnies à travers le monde. »

Aujourd’hui, James Awad assure que c’est lui qui a mis fin à sa relation avec Bell, et non l’inverse. « On a quitté Bell, dit-il. J’ai les preuves. » Il assure qu’il veut ouvrir « son propre réseau ». « On travaille sur une technologie satellite internet. »

Vol, fraude et complot

En 2011, l’executive responsable de Coconut, Tarek Bou-Raad, a plaidé coupable à 11 accusations de vol, fraude, fraude à la carte de crédit, production de faux documents et complot. Il a obtenu une peine de 12 mois de prison avec sursis.

Rebaptisées Coconut, les boutiques Intelcell ont migré en ligne et n’offrent plus de téléphones cellulaires ni de forfaits pour des lignes ou des données. Les seuls produits en vente sont des « Coco Crates » (caisses Coco) : des boîtes « surprises » contenant des accessoires non définis pour appareils électroniques, qualifiés de « haut de gamme » et censés être vendus avec un important rabais.

TripleOne détient aussi une « agence de publicité », Cranberry, dont l’ancien joueur de l’Impact de Montréal Anthony Jackson-Hamel est président. Sur le site de l’entreprise – uniquement en anglais –, les seuls clients mentionnés sont d’autres entreprises du groupe : Astrofit, les pizzérias Crusty Crust, Coconut… Le numéro de téléphone qu’affiche l’entreprise, lancée en octobre 2020, n’est pas en service.

Anthony Jackson-Hamel n’a pas répondu aux multiples appels de La Presse.

Si son agence semble avoir peu de clients, du moins à l’extérieur de TripleOne, James Awad collectionne néanmoins les noms de domaine demandés, comme en témoignent les adresses web de ses entreprises : cranberry.com, coconut.com… En mai 2021, il déboursait même 533 000 $ en bitcoins pour mettre la main sur le site james.com.

Tricheries payantes

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« J’ai appris à programmer et j’ai créé un jeu vidéo à 12 ans », affirme James William Awad.

Le point de départ de son impressionnant magot provient des tricheries dans les jeux vidéo, raconte James Awad. Il avait dans un premier temps affirmé avoir commencé à accumuler sa fortune après avoir créé une nouvelle méthode de programmation en langage informatique C++.

« J’ai appris à programmer et j’ai créé un jeu vidéo à 12 ans, dit-il en entrevue. Je vivais dans un autre monde, je pensais que j’allais créer un jeu et pouvoir le vendre. »

Depuis l’âge de 14 ans, il fait « 2000-3000 $ par jour », insiste-t-il. Comment ? « J’ai découvert un bogue dans un jeu vidéo, Maple Story. J’avais fait des petits cheats [tricheries] dans le jeu en ligne. J’ai généré de l’argent virtuel dans le jeu que je vendais à des compagnies chinoises. Ce n’est pas de la fraude, ce n’est rien de criminel », explique-t-il avec une pointe d’excitation dans la voix.

Il est ensuite question d’un jeu conçu par Eonic Games, Turf Battles.

Comme je suis programmeur, des fois, je trichais dans les jeux. Je ne vais pas te mentir. J’avais créé un programme où je pouvais me téléporter dans le jeu, faire plein de trucs.

James Awad 

Les administrateurs sont venus le voir dans le jeu pour l’avertir de ne plus tricher, affirme James Awad. Quand la société à l’origine de Turf Battles a cessé ses activités, les créateurs du jeu lui auraient demandé de l’aide, avance-t-il. « Je suis allé les voir à Toronto. J’ai fait 15 000 $ avec ça. »

« À certains moments de l’entrevue, M. Awad peine à se souvenir des nombreuses entreprises fondées au cours des années. « Parfois, j’ai des trous de mémoire », admet-il.

Prétentions « invraisemblables »

Quand La Presse l’a questionné sur l’origine de sa fortune au début de janvier, il a d’abord affirmé qu’il avait vendu à « plusieurs compagnies nationales et internationales » une façon de simplifier la programmation de serveurs web en C++. Ce langage informatique, inventé il y a plus de 30 ans, est utilisé dans une large palette d’applications, des logiciels grand public aux jeux vidéo en passant par les serveurs.

La Presse a voulu savoir quelles étaient ces fameuses sociétés qui lui auraient payé des licences pour utiliser son programme.

Je vends déjà C++ en privé à des clients. Je ne peux pas préciser quels clients. Des compagnies qui font des centaines de millions de dollars. Mais j’ai fait de l’argent avec la programmation, puis je l’ai investi dans la Bourse à l’âge de 17 ans.

James Awad 

Jean-François Brousseau, consultant et développeur familier avec plusieurs langages informatiques, a accompagné notre journaliste chez lui. Le jeune homme d’affaires lui a montré quelques lignes de code dans des programmes qu’il dit avoir inventés et commercialisés.

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Le consultant et développeur Jean-François Brousseau avec James William Awad

Pour M. Brousseau, qui a 25 ans d’expérience, ses prétentions sont « invraisemblables ». « Il n’y a rien de particulièrement original », dit-il. Les explications de James Awad sur ses innovations informatiques démontreraient même une mauvaise compréhension de la programmation. Il ne voit pas pourquoi de grandes entreprises auraient besoin de ses services.

« Les grosses compagnies ont les moyens d’engager des programmeurs de première classe, donc des gens probablement qui ont une très bonne formation sur la façon d’éviter les trous de sécurité dans ces langages-là », dit-il.

James Awad défend la pertinence de son travail de programmation. « C++ est un langage très populaire. Mon but est de créer des technologies qui ne sont pas seulement pour les grosses compagnies, mais pour le public. Le système d’intelligence artificielle que j’ai créé pourra être utilisé par tout le monde grâce à sa facilité. »

« Monde mystique » dans la banlieue nord

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James William Awad parle de « son domaine » de Bois-des-Filion comme d’un petit royaume.

James Awad est entouré de partenaires d’affaires qui habitent dans son domaine de Bois-des-Filion, une demi-douzaine de maisons et de terrains qu’il a achetés au comptant depuis 2019. Entre 13 et 15 voitures de luxe meublent ses garages. « Je dois recalculer, je ne suis plus sûr », ajoute le jeune homme en énumérant ses acquisitions automobiles des dernières années.

L’argent lui a permis de créer l’univers dont il rêvait tout jeune, affirme M. Awad.

L’endroit où je vis, je le vois comme un monde mystique inspiré des jeux vidéo. Je vois un peu la vie comme un jeu vidéo, je ne prends pas ça au sérieux.

James Awad

Près d’une de ses maisons aux allures de château, des entrepreneurs le saluent, surpris d’avoir des visiteurs. M. Awad estime avoir déboursé environ 1 million en rénovations pour ce mini-palace calqué sur celui du film Edward aux mains d’argent.

Il nous fait visiter, l’air avenant et enthousiaste.

« Ici, ce sera le walk-in de ma femme. Ici, c’est le jacuzzi. Ici, ça va être le sex dungeon », dit le jeune célibataire en pointant une pièce exiguë au troisième étage.

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Dans le domaine de James William Awad à Bois-des-Filion, des statues qui lui ressemblent accueillent les visiteurs.

Album et biographie en chantier

Il parle de « son domaine » de Bois-des-Filion comme d’un petit royaume. Des statues lui ressemblant accueillent les visiteurs. « Les gens pensent que je suis narcissique à cause des statues, mais elles représentent en fait des features [caractéristiques] du domaine. »

L’une d’entre elles symbolise la musique, explique M. Awad, qui a aussi lancé une carrière musicale sous le nom d’artiste de Senior. Il mentionne avec enthousiasme son prochain album offert en février, qui contiendrait des collaborations avec Gucci Mane, Rick Ross et Lil’Uzi Vert, rien de moins. Comment est-il entré en contact avec ces grands noms du rap américain ? « J’aimerais tellement ça vous le dire, mais je vais vous en parler dans mon livre », dit-il en référence à une biographie qu’il affirme vouloir publier en 2025.

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James William Awad dans son studio d’enregistrement

C’est d’ailleurs dans une petite maison reconvertie en studio qu’il enregistre ses albums. Car chaque demeure occupe une fonction spécifique dans ce petit écosystème.

Un studio de calibre professionnel est installé au sous-sol de « la maison de la musique », où de multiples guitares sont accrochées aux murs feutrés.

Devant la maison voisine, la statue blanche d’un homme vêtu d’une robe de chambre. « Ça, ce sera la maison du spa. Je vais la transformer en spa personnel. »

Constats d’infraction

L’acquisition par M. Awad d’une série de maisons dans ce paisible quartier résidentiel depuis trois ans n’est pas passée inaperçue. La Ville de Bois-des-Filion lui a remis au moins une demi-douzaine de constats d’infraction pour des travaux effectués sans permis, l’abattage illégal d’une « mini-forêt » ou encore le dépôt illégal de déchets.

Le maire Gilles Blanchette a récemment dénoncé à La Presse toute la « publicité négative » causée par ses déboires. La Ville de Terrebonne, limitrophe, lui a aussi remis des constats. La police a dû intervenir à plusieurs reprises pour des fêtes trop bruyantes.

Qu’à cela ne tienne, James Awad semble bien déterminé à étendre encore davantage son domaine dans la petite ville de la banlieue nord de Montréal. Plusieurs de ses amis et associés habitent ses maisons de la rue du Coteau. « Mon but, c’est que tout le monde de Triple One vive ici dans mon domaine. »

Un domaine acquis entièrement sans hypothèque. « Je n’ai jamais eu de crédit, car je n’ai jamais eu de job ni de salaire. J’ai eu ma première carte de crédit à 25 ans », affirme M. Awad.

« Mon argent, je le dépense »

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James William Awad se décrit comme un investisseur compulsif à l’esprit entrepreneurial aiguisé.

Le train de vie luxueux du jeune homme de 28 ans contraste avec son enfance. Jusqu’à l’âge de 10 ans, Kevin Awad vit dans un modeste édifice de la rue Jules-Poitras, non loin du métro Côte-Vertu, avec ses parents, deux coiffeurs d’origine libanaise. Quand ses parents divorcent, le père déménage à Laval avec ses trois fils.

Il raconte avoir quitté le domicile familial à 16 ans et avoir commencé à investir sur les marchés boursiers à l’âge de 18 ans.

« Mon main gain d’argent, c’était la Bourse. Je vais pas te mentir. »

Une longue pause.

En fait, je ne peux pas donner trop de détails. En 2025, je vais sortir ma biographie pour expliquer ma vie.

James Awad

M. Awad se décrit comme un investisseur compulsif à l’esprit entrepreneurial aiguisé. Dans certains reportages publicitaires publiés sur des sites web comme Ocean Drive, il se décrit aussi comme un « génie technologique depuis l’âge de 12 ans ». Il ne cherche pas nécessairement à faire de l’argent avec ses entreprises, a-t-il admis à La Presse. « Je ne vois pas l’argent comme les autres. Moi, mon argent, je le dépense, je l’investis. Je ne veux pas garder de l’argent », explique-t-il.

L’une de ses entreprises, le 111 Private Club, organise des évènements destinés à des membres triés sur le volet, dit M. Awad. Pour le périple à Tulum qui a fait jaser, quelques membres ont profité d’un vol et d’un séjour à l’hôtel gratuits.

Anecdotes rocambolesques

Conscient des interrogations autour de sa fortune, il nie en bloc les allégations qui courent sur les réseaux sociaux. « C’est de la diffamation. Les gens essayent de me take down. »

Il est piqué au vif quand on mentionne qu’il possède plus de 17 millions en immobilier. « Les gens se trompent. C’est beaucoup plus », avance le jeune homme, qui dit aussi avoir acheté impulsivement un terrain au Panamá.

Il a créé tellement d’entreprises qu’il en perd le fil.

Les projets sont variés. Souvent éphémères.

Une fois, je voulais ouvrir une animalerie. J’ai donné de l’argent à un gars pour qu’il aille acheter des chihuahuas. Mais finalement, il a ramené des huskies, donc la compagnie a duré genre une semaine. Les huskies, c’était trop intense, j’ai annulé le projet.

James Awad

Le parcours financier du jeune millionnaire est truffé d’anecdotes rocambolesques qu’il raconte sans gêne. « Une fois, à 18 ans, je suis allé au casino et j’ai perdu tout mon argent », dit-il.

« J’avais payé l’hypothèque de mes parents presque au complet, donc je n’avais plus vraiment d’argent », ajoute-t-il.

Un immeuble de 6,3 millions

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TripleOne occupe un immeuble de deux étages et 32 000 pieds carrés dans l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal.

TripleOne vient de déménager dans un immeuble qu’elle a acheté en juillet dernier, directement sur l’autoroute Transcanadienne, dans l’arrondissement de Saint-Laurent. C’est le plus gros achat de James Awad. Coût de la transaction : 6,3 millions, toujours sans aucun financement bancaire.

L’immeuble de deux étages et 32 000 pieds carrés ne compte aucun locataire : ce sera seulement pour TripleOne et ses entreprises, dit James Awad. « On attend l’installation de l’internet et on commence les rénovations bientôt. »

Au passage de La Presse le 12 janvier, les portes de l’immeuble étaient verrouillées. Sur sa place de stationnement réservée en face de l’immeuble se trouvait un gros camion Brabus. Ce constructeur produit des véhicules Mercedes modifiés pour être encore plus performants. Son modèle se vend plus d’un demi-million de dollars.