Lors de la première journée de consultation sur le tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale qui se tiendra ce mardi, l’auteure et documentariste Léa Clermont-Dion déposera un mémoire où elle exposera ses recommandations.

« C’est une discussion publique, et je trouvais que c’était mon devoir de citoyenne de contribuer à la discussion et de faire partager les réflexions qui découlent de mon expérience, parce qu’on entend très peu les victimes lors des consultations », a indiqué à La Presse Léa Clermont-Dion, qui a elle-même vécu un processus judiciaire pour une plainte d’agression sexuelle.

La consultation sur le projet de loi 92 aura lieu ce mardi et mercredi, et donnera la parole à une quinzaine d’intervenants. On pourra entendre notamment des organismes de défense ou d’hébergement des victimes, des services de police, le Barreau du Québec et le Directeur des poursuites criminelles et pénales.

Léa Clermont-Dion exposera ses principales recommandations. Elle propose que tous les intervenants du système judiciaire, notamment les juges, les avocats et les enquêteurs, suivent une formation sur les répercussions sociales et psychologiques des agressions sexuelles sur les victimes dans les différentes sphères de leur vie.

Elle recommande également que les intervenants soient soumis à trois rencontres d’une heure avec des ex-plaignants, pour qu’ils leur fassent partager leur expérience du processus judiciaire et qu’ils suivent une formation axée sur les mythes et les stéréotypes relatifs aux violences sexuelles.

Enfin, elle suggère que tous les intervenants participent à une formation sur les effets négatifs potentiels des différentes étapes du processus judiciaire sur la victime. Ces étapes comprennent la réception de la plainte, les interrogatoires menés par les enquêteurs ainsi que les interrogatoires et les contre-interrogatoires menés lors des enquêtes préliminaires et des procès.

« Une formation est fondamentale parce que ce n’est pas parce qu’on est procureur, avocat de la défense ou juge qu’on est au-dessus des autres », a-t-elle soutenu.

À son avis, la formation devrait être élaborée en collaboration avec des spécialistes issus de différents champs, tels que la sociologie, la psychologie, la traumatologie et la criminologie, des intervenants du système judiciaire et d’ex-plaignants.

« Je me suis rendu compte à travers mes expériences et mes recherches que ce n’était pas tout le monde qui connaissait l’impact traumatique sur le cerveau des victimes », a-t-elle ajouté.

Spécialisation « fondamentale »

Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a déposé le 15 septembre dernier le projet de loi 92, visant à mettre sur pied un tribunal destiné à traiter les causes impliquant de la violence sexuelle ou conjugale.

« La spécialisation des intervenants est fondamentale, parce que plus les acteurs et les actrices sont formés, plus ils seront outillés pour répondre avec délicatesse, sans pour autant bafouer la présomption d’innocence », a expliqué Mme Clermont-Dion.

Traditionnellement, il a été démontré que les victimes de ce type d’agressions ont tendance à renoncer à porter plainte. Le ministre Jolin-Barrette avait reconnu en septembre la difficulté pour les victimes de témoigner devant la cour.

Avec La Presse Canadienne