Affronter le passé. Rêver l’avenir. Des projets porteurs d’espoir sont menés dans plusieurs communautés autochtones pour rétablir les liens avec des traditions mises à mal par des politiques d’assimilation. Dans le cadre de la Journée nationale des peuples autochtones, La Presse vous en présente trois.

Sabryna Godbout, 26 ans, se souvient d’avoir eu du mal avec son identité durant son adolescence. Elle a grandi à Wendake avec un père sensible à sa culture, qui lui avait appris des mots de wendat et l’amenait aux cérémonies à la maison longue.

« Mais de 11 ans à 16 ans, j’ai comme un peu renié mes racines wendates », raconte la jeune femme. Elle se souvient d’avoir entendu son lot de commentaires racistes lors de son passage dans une école secondaire allochtone.

PHOTO FOURNIE PAR JEAN-LOUIS RÉGIS

Sabryna Godbout renoue avec sa culture wendate grâce à la danse.

Puis à 16 ans, elle est allée au pow-wow de Wendake. Le son du tambour ce jour-là est venu la chercher. Elle s’est souvenue que, jeune, elle aimait danser avec son père et ses frères.

Elle a renoué avec la tradition. Elle a suivi des cours de perlage auprès d’une aînée, Hélène Gros-Louis. Elle a commencé à confectionner ses régalias, ces tenues de danse. Elle a même commencé à enseigner le wendat – une langue qui revit grâce à des efforts soutenus depuis les années 1990 – à l’école primaire.

Je me suis rendu compte qu’il me fallait ma culture pour vivre. Ça faisait partie de moi et je ne pouvais pas changer ça. J’ai eu le sentiment de revivre.

Sabryna Godbout

Depuis ce jour, Sabryna Godbout est plongée dans la culture wendate. Elle danse, perle et a été chargée cette année par les organisateurs du pow-wow de Wendake d’inclure davantage la culture wendate à cette tradition venue de l’ouest.

« Les aînés n’ont pas pu vivre leur culture pleinement comme nous on la vit. Notre langue a longtemps été en dormance à partir des années 1850. C’est un mouvement identitaire et revendicateur », explique celle qui est désormais agente de développement culturel au Centre de développement de la formation et de la main-d’œuvre (CDFM).

« Moi, je mets fin à la colonisation en pratiquant ma culture. C’est comme si je faisais un pont entre moi et mes ancêtres », dit Mme Godbout.

À force de perler, elle a désormais trois régalias. Mais elle va bientôt en donner une à une plus jeune, qui elle aussi veut danser, pour que la culture subsiste, de génération en génération.

Le Pow Wow international de Wendake aura lieu du 17 au 19 septembre prochain.

La langue du territoire sur l’internet

Comment dire « souris d’ordinateur » en atikamekw ? C’est la question que s’est posée cette nation située au cœur du territoire québécois au cours des dernières années.

C’est que les Atikamekw portent un projet ambitieux depuis 2013 : transcrire leur langue sur l’internet, une entrée Wikipédia à la fois.

Leur langue est bien vivante, alors qu’environ 95 % des Atikamekw la parlent. Mais il y a tout juste 10 ans, elle était quasiment absente en ligne.

PHOTO FOURNIE PAR THÉRÈSE OTTAWA

Thérèse Ottawa est coordinatrice du projet Wikipédia atikamekw de Manawan.

« Ç’a été dur au début, parce qu’il a fallu traduire toute l’interface de Wikipédia. On a fait appel au linguiste au conseil de la nation atikamekw », raconte Thérèse Ottawa, coordinatrice du projet Wikipédia atikamekw de Manawan.

Elle donne en exemple cette fameuse souris d’ordinateur. Les Atikamekw avaient un mot pour le petit rongeur (« apikocic »). Mais ils n’en avaient pas pour cet outil informatique. Ils ont créé « makonakan ».

Conserver la langue écrite

Le projet a notamment été porté par un enseignant du secondaire. Ses élèves étaient chargés de créer de nouvelles entrées sur le populaire portail. Il travaillait par thèmes : les animaux, la forêt, les parties du corps.

« Aujourd’hui, les jeunes parlent beaucoup anglais et français, avec la télé et l’internet. On voulait conserver la langue écrite aussi. Parce que l’atikamekw est beaucoup une langue parlée, une langue de territoire », dit Thérèse Ottawa.

Le portail a été officiellement lancé le 21 juin 2017. Le mouvement n’a fait que grandir depuis. À Manawan, avant la pandémie, la communauté organisait deux fois par mois des soirées Wikiclub, pour apprendre aux gens comment eux-mêmes pouvaient confectionner une entrée dans leur langue.

La fierté de la différence

Le successeur de Carey Price sera-t-il innu ? Dans un atelier avec des jeunes de la communauté, un garçon a décrit, en montagnais, son désir d’être un jour un joueur de la LNH.

Si ce rêve est commun à bien des enfants, l’activité s’inscrivait dans le cadre d’un camp pour favoriser l’estime de soi des jeunes autochtones, tout en leur inculquant des notions sur leur propre culture.

PHOTO FOURNIE PAR LIETTE ISHPATAO

Liette Ishpatao

« Un jeune apprend par le jeu, par expérience, par observation, remarque Liette Ishpatao. Par exemple, il y a un aîné qui prépare le pain traditionnel, on observe et on met en pratique. »

La femme de 33 ans de la communauté de Nutashkuan, sur la Côte-Nord, travaille avec les jeunes autochtones depuis près de 15 ans.

Il faut les aider à voir le positif des choses et leur montrer que leur culture, c’est une fierté qu’ils doivent avoir.

Liette Ishpatao

Depuis deux ans, elle organise des activités dans le cadre du camp de leadership des Premières Nations de la Fondation Nouveaux Sentiers.

Celle-ci offre plusieurs activités pour les jeunes autochtones, axées notamment sur la nature – même si, COVID-19 oblige, les camps nationaux réunissant des enfants de différentes nations ont été remplacés par des activités plus locales cet été.

« Quand on a l’occasion d’avoir des invités culturels issus des communautés, qui viennent faire partager leur culture, leur fierté, leur chemin, leur vision, les jeunes répondent, ils ont un appétit immense pour leur culture », confie Alessia De Salis, conseillère stratégique et animatrice en chef à la Fondation.

Les participants au camp de leadership à Nutashkuan ont autour de 11 ans.

C’est l’âge qu’avait Liette Ishpatao lorsqu’elle a déménagé à Québec.

« C’est là que je me suis rendu compte que j’étais une personne différente et qu’il y avait d’autres personnes différentes de moi, explique-t-elle. J’aurais aimé ça qu’on me donne des ateliers sur la différence, savoir qu’il n’y a pas juste une sorte d’autochtones, qu’il y en a plein à découvrir, et qu’il y a des allochtones, de la diversité. J’aurais aimé qu’on m’apprenne que je suis différente, et que j’ai des forces. »