(Burlington, Vermont) « Notre sirop d’érable est meilleur que le vôtre ! », scandaient les Green Mountain Bhoys, mercredi soir à Burlington, pendant le match de la Coupe d’Érable opposant le Green du Vermont au CS Saint-Laurent.

Une affirmation cavalière de la part du groupe de supporters du Green, à n’en point douter. Qu’en ont pensé les joueurs québécois portant le maillot de l’équipe américaine ?

C’est qu’après avoir remporté le match amical de façon convaincante par la marque de 5-0, non seulement les porte-couleurs du Green ont perpétué la tradition locale consistant à boire une bonne gorgée de sirop d’érable coulant d’un petit contenant, mais ils ont aussi fait de la Coupe un gobelet pour se sucrer le bec.

PHOTO JESSICA BECKER, FOURNIE PAR VERMONT GREEN FC

Un joueur du Green se verse une gorgée de sirop d’érable après la victoire des siens.

« Ça reste au Québec ! », nous a lancé Nathan Siméon, arrivé au Vermont pour cette saison de l’été 2024 après deux ans à San Francisco. « Même si je joue ici, le Québec aura toujours le meilleur sirop d’érable pour moi. »

L’ancien de l’Académie de l’Impact, Daniel Pacella, est plus prudent. « Les deux sont vraiment bons, convient le milieu défensif titulaire du Green. Mais quand tu gagnes quelque chose, ça goûte meilleur. »

Le match s’est joué sous un soleil radieux et devant 2500 partisans heureux. Le Virtue Field de l’Université du Vermont (UVM) était ainsi bondé. Les salles combles sont une norme pour le Green, mais elles sont loin de l’être en USL2, essentiellement la troisième division américaine, circuit où évolue habituellement l’équipe.

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Il y avait une salle comble de 2500 personnes pour la rencontre de mercredi entre le Green du Vermont et le CS Saint-Laurent.

« C’était une soirée fantastique », s’est réjoui Patrick Infurna, l’un des trois cofondateurs du club, sur le terrain après le match. Le soleil ne brillait plus, le temps, venteux, s’était quelque peu refroidi. Mais les jeunes partisans abondaient sur la surface de jeu, tous à la recherche d’autographes de ces joueurs semi-professionnels qui font la fierté d’un État par ailleurs assez discret, sur le plan sportif.

« Au-delà du résultat, ça s’est passé exactement comme on le voulait, continue Infurna. Une salle comble, des gens qui apprécient le match. Il y avait un peu de cette intensité de match de Coupe, mais c’était aussi amical. »

C’était la première édition de cette Coupe d’Érable, mais le but est d’en faire un évènement annuel contre le champion de la Ligue 1 de l’année précédente. C’était déjà le cas mercredi, le CS Saint-Laurent ayant remporté les grands honneurs du circuit québécois en 2023. Déjà, on parle d’en faire un évènement plus gros l’an prochain, en ramenant éventuellement un deuxième match au Québec.

Après la « fierté », la « déception »

La marque a été sévère, mais a reflété l’allure du match. Malgré quelques percées montréalaises intéressantes, la domination a été toute vermontoise. Les cinq buts sont venus des pieds de Xavi O’Neil (9e sur pénalty, 54e), de Jacob Labovitz (25e, 43e) et de Yaniz Bazini (73e, sur pénalty).

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Jacob Labovitz, au premier plan, à droite

À l’évidence, la perte de quatre des meilleurs joueurs de Saint-Laurent dans les dernières semaines a eu son impact sur la qualité de son jeu sur le terrain. Loïc Kwemi, Safwane Mlah (Valour FC) et Jefferson Alphonse (Wanderers d’Halifax) ont tous trouvé du boulot en Première Ligue canadienne, tandis que l’attaquant Yann Toualy… s’est entendu avec le Green, au début du mois dernier.

Sur le deuxième filet de Labovitz, c’est justement Yann Toualy qui a exécuté la passe décisive. Le Québécois n’a pas célébré devant son ancien club… ce qui ne l’a pas empêché d’être à la chasse de son propre but pendant toute la rencontre !

« J’ai essayé de ne pas trop célébrer, de ne pas trop montrer ma joie, par respect, a avoué Toualy, l’un des meilleurs joueurs du Green mercredi. Saint-Laurent représente beaucoup pour moi. En plus, le club est dans une mauvaise passe. Ça me fait un peu mal de le voir comme ça. Je ne souhaite que du bien à ce club-là. »

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Yann Toualy

Pour l’entraîneur-chef Nicholas Razzaghi, « il n’y a pas d’excuses pour cette performance décevante ». Son club a éveillé bien des esprits lorsqu’il a battu Halifax en Championnat canadien, ce qui lui a permis d’avoir rendez-vous avec le Toronto FC en quarts de finale, en mai dernier.

« En Championnat canadien, on a rendu notre province fière, rappelle-t-il. Aujourd’hui, on l’a rendue très, très déçue. »

Razzaghi convient que la volonté du club de pousser ses joueurs vers le niveau supérieur afin d’atteindre les niveaux professionnels est un « couteau à double tranchant ».

« On a toujours voulu ça. On a beaucoup de bons joueurs. Il faut trouver une chimie qui fonctionne. Loïc a été notre référence pendant deux ans et demi. Safwane, l’an dernier, a été le meilleur joueur de la ligue. Ça prend un ajustement. »

L’homologue de Razzaghi chez le Green, Adam Pfeifer, n’avait que de bons mots pour le CS Saint-Laurent.

« On ne voulait pas que le trophée se retrouve de l’autre côté de la frontière, a-t-il assuré devant notre micro et quelques caméras de médias locaux. Ça a fait partie de la conversation cette semaine. On sait ce dont Saint-Laurent est capable, le genre de joueurs qu’il a. On a vu les joueurs qui ont signé des contrats pros juste cette semaine. C’est un club top. On est contents de pouvoir partager [le terrain]. »

« As-tu pu goûter au sirop d’érable toi aussi, Adam ?

— Oui, il était excellent !

— Lequel est le meilleur ?

— Pas de commentaire. »