(Atlanta) « Ce gardien est en train de virer fou ! », nous lance ce journaliste américain, assis à notre côté sur la tribune de presse, quelque part en deuxième mi-temps. Ce gardien, c’était Maxime Crépeau. Et ce qu’il était en train de faire, c’était protéger brillamment la cage du Canada devant l’Argentine, en lever de rideau de la Copa América, à Atlanta.

Il n’a rien pu faire sur les deux frappes qui ont mené à la victoire de 2-0 de l’Albiceleste, venues des pieds de Julián Álvarez (49e) et Lautaro Martínez (88e). Mais sinon, le gardien québécois s’est signalé à six reprises, notamment sur des échappées des légendes Lionel Messi et Ángel Di María, faisant du même coup crier d’exaspération la grande majorité des 70 564 partisans du Mercedes-Benz Stadium.

« Max est toujours là pour les grands moments, a soutenu l’entraîneur adjoint Mauro Biello, accroché après la rencontre dans la populeuse zone mixte. C’est un grand gardien. Il a fait ce qu’il devait faire ce soir. »

La vérité, c’est que les prouesses de Crépeau ont permis au Canada d’y croire pendant une bonne partie de cette rencontre. Parce que l’unifolié a joué sans complexe offensivement, s’offrant de très belles occasions, tant en première période qu’en deuxième. Des attaquants un peu plus efficaces ou en confiance les auraient peut-être concrétisées.

Sinon, les hommes de Jesse Marsch ont été généralement organisés défensivement. Sauf quand ils ne l’ont pas été.

« Parce qu’on commet trop d’erreurs faciles à l’arrière, des erreurs qu’on ne devrait jamais faire, comme de longs ballons qu’on ne gère pas bien, on leur donne des échappées, a analysé Marsch en conférence de presse. On a mis Max dans des situations où il devait faire une multitude d’arrêts qu’il ne devrait pas avoir à faire. »

« J’étais un peu émotif… »

Dans un tournoi comme celui-ci, bonne performance égale intérêt en zone mixte. On attrape le gardien dès son arrivée devant nos micros, après la folie Messi quelques minutes auparavant. Nous y reviendrons.

On se permet un petit retour en arrière, lui rappelant le chemin parcouru depuis sa fracture à la jambe en finale de la Coupe MLS, en 2022. Ses yeux s’embuent, sa voix se met à trembler.

« J’ai parlé avec Cristina, ma femme, avant le match, dit-il. On s’est [rappelé] tout le travail… j’étais un peu émotif, avec l’hymne national. Il y a eu tellement de travail. On revient de tellement, tellement, tellement loin. Ça n’a vraiment pas été facile, autant physiquement que mentalement, de revenir de cette blessure-là. Manquer la Coupe du monde m’a fait très, très mal. »

Maintenant, c’est une question de m’exprimer sur le terrain quand j’en ai la chance.

Maxime Crépeau

Cette chance, il l’a saisie à bras le corps. Voilà une « deuxième belle performance » d’affilée pour Crépeau, a souligné Marsch. Et celle-ci, malgré le résultat, avait une saveur spéciale. Ce n’est pas tous les jours qu’on parvient à stopper Lionel Messi, en échappée, dans un match compétitif d’un grand tournoi pour l’Argentine.

« J’ai été déçu de ne pas marquer, a indiqué Messi devant des dizaines de micro, en zone mixte. C’est important de marquer lors du premier match. »

PHOTO JEAN-FRANÇOIS TÉOTONIO, LA PRESSE

C’était serré en zone mixte devant Lionel Messi…

C’est l’essentiel de ce qu’on a pu comprendre de son allocution devant nous. Il ne parlait pas fort, en espagnol, et le branle-bas de combat qui avait lieu autour de la Pulga nous a empêchés de rapprocher notre enregistreur suffisamment près du joueur. Non, cher membre accrédité des médias portant un chandail de l’Argentine, ce n’est pas le moment de prendre un égoportrait.

Le stade rugit… souvent

Même si Crépeau a fait sentir sa présence, c’est quand même une défaite presque décevante pour le Canada. C’est dire combien les dernières semaines sont en train de changer le paradigme pour cette équipe, malgré trois matchs sans victoire contre les puissances que sont les Pays-Bas, la France, et l’Argentine, tous dans le top 10 mondial – le Canada est 48e.

Dès l’entame du match, il a été évident que les Canadiens voulaient montrer qu’ils n’allaient pas se laisser marcher sur les pieds. Mais leur volonté offensive a rapidement été supplantée par le grand talent des Argentins.

On pense bien connaître ces joueurs que l’on voit à la télé toutes les semaines, mais ils parviennent à faire l’action surprenante, le jeu excitant qui, chaque fois, est rehaussé par la clameur de la foule.

Il fallait entendre le rugissement émanant des gradins lors de la contre-attaque menée par Ángel Di María, à la 9minute… puis brillamment bloquée par Crépeau, dans la surface. Ça s’est répété, comme ça, pendant les 80 minutes suivantes, avec de belles percées canadiennes entre-temps, qui ont fait peur aux Argentins. Alphonso Davies s’est signalé à quelques reprises, remettant imprécisément à des collègues dans la surface. Comme cette occasion de la tête reprise par Stephen Eustáquio, à la 43e, bloquée à bout portant par l’as geôlier Emiliano Martínez. Rappelons que la marque était de 0-0 à ce moment.

  • Maxime Crépeau plonge pour gêner Lionel Messi.

    PHOTO AGUSTIN MARCARIAN, REUTERS

    Maxime Crépeau plonge pour gêner Lionel Messi.

  • Julián Álvarez

    PHOTO CHARLY TRIBALLEAU, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Julián Álvarez

  • Julián Álvarez et Moïse Bombito se disputent le contrôle du ballon.

    PHOTO JASON ALLEN, ASSOCIATED PRESS

    Julián Álvarez et Moïse Bombito se disputent le contrôle du ballon.

  • Alphonso Davies réagit après avoir raté une occasion de marquer en première demie.

    PHOTO DALE ZANINE, USA TODAY SPORTS

    Alphonso Davies réagit après avoir raté une occasion de marquer en première demie.

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« On sait qu’on entre dans ces matchs en tant que grands sous-estimés [underdogs], a concédé Alistair Johnston. Ce sont les champions du monde en titre ! Si tu gagnes ça, c’est probablement la plus belle victoire de l’histoire du Canada. On doit donc prendre ce résultat avec un grain de sel, parce qu’on était si près. »

Mais si le défenseur est content de voir que son équipe « joue d’égal à égal » avec ces nations, il estime que c’est le « prochain niveau » qui est difficile à atteindre. Celui qui implique de gagner ce genre de match.

« Cette étape est la plus difficile à franchir, évidemment. »

L’Argentine devrait être punie, selon Marsch

Jesse Marsch ne s’est pas fait prier pour faire savoir son mécontentement face à l’Argentine, pendant la conférence de presse. C’est que les hommes de Lionel Scaloni sont arrivés en retard d’au moins cinq minutes au retour des vestiaires pour la deuxième mi-temps. Selon Marsch, la fédération argentine « devrait payer une amende ». « Pendant qu’on attendait, je suis certain qu’ils étaient en train de regarder de la vidéo pour mieux analyser comment jouer contre nous, a lancé le sélectionneur du Canada. J’aimerais que les officiels gèrent mieux cela. Si nous étions cinq minutes en retard, on aurait une amende, et ce serait un gros problème. On va voir ce qui va se passer avec l’Argentine. » « Si nous aussi nous avions eu 20 minutes de pause, alors nous nous serions mieux préparés. »