(Bordeaux, France) La phrase suivante, on vous invite à vous la répéter à haute voix pour être bien certain de l’assimiler comme il se doit : le Québécois Ismaël Koné a été le meilleur joueur sur le terrain lors du match amical France-Canada, dimanche soir, à Bordeaux.

Vous avez bien lu. Sur la pelouse du stade Matmut Atlantique, lors de ce 0-0, avec comme égaux les joueurs élites de l’élite Antoine Griezmann, Olivier Giroud, Eduardo Camavinga, Jules Koundé ou N’Golo Kanté, c’est le jeune Québécois de 21 ans qui a le mieux paru.

Ne lisez pas cela comme du chauvinisme. Parce que ce n’est pas seulement que notre affirmation.

« Est-ce normal que dans ce milieu de terrain, celui que tu vois le plus ce soir, c’est Ismaël Koné ? », s’est interrogé Daniel Riolo au micro de L’After-RMC, l’une des balados les plus écoutées en France. Une question qui témoigne autant du brio du Canadien que de la réaction générale dans l’Hexagone vis-à-vis de cette performance des Bleus.

« Je pense qu’il a été le meilleur joueur sur le terrain, honnêtement », a confirmé son compatriote Alistair Johnston après le match.

Koné a réussi 41 de ses 44 passes en 84 minutes de jeu. Il a remporté 8 de ses 14 duels. Au simple test de l’œil, il n’a pas paru le moindrement intimidé, dimanche, malgré l’opposition de taille devant lui.

« Il a été une machine à faire progresser le ballon, a analysé Johnston. Il a eu la balle et l’a portée vers l’avant, en passant ou en driblant. […] Il n’y a pas de limite pour lui [the sky is the limit]. »

« On a eu un petit moment »

Difficile de croire qu’il y a à peine trois ans, Ismaël Koné évoluait dans le semi-pro québécois avec le CS Saint-Laurent, sa « famille », avant d’être recruté par Olivier Renard au CF Montréal.

« Pour moi, c’était le début de quelque chose », a raconté à La Presse à la veille du match celui qui évolue maintenant à Watford, en deuxième division anglaise.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Ismaël Koné avec le CF Montréal en 2022

Il nous rejoint dans le hall de l’hôtel des Canadiens à Bordeaux. Assis des deux côtés d’une table surélevée, nous discutons pendant une dizaine de minutes avant d’amener le sujet de son club formateur, qui a eu un beau parcours en Championnat canadien jusqu’à affronter le Toronto FC, ce printemps. C’est à ce moment qu’il parlera avec le plus de candeur.

« J’ai toujours dit qu’à Montréal, il y a tellement, tellement, tellement de talent ! lance le milieu de terrain, baissant la tête vers l’arrière avec énergie en prononçant ces mots. C’est dommage que nous, les jeunes, on ne prenne pas toujours l’opportunité, et on ne réalise pas à quel point on peut aller loin. Mais aussi, il manque un peu de cette aide pour prendre la main du jeune et l’amener au prochain niveau. »

Deux jours avant notre entretien, Koné avait également eu le départ contre les Pays-Bas. Une autre rencontre amicale, mais au résultat bien différent : le Canada s’est incliné 4-0, encaissant les 4 buts en deuxième période.

Au-delà du résultat et de la performance, ce match avait une connotation particulière pour Koné. Il nous apprend qu’il s’agissait de la première fois de sa vie qu’il était de la formation partante avec Moïse Bombito, un autre Québécois qui a évolué à St-Lo pendant la même période, mais qui a connu un parcours plus lent avant d’atteindre les pros. Bombito, à 24 ans, est en train d’éclore en défense avec les Rapids du Colorado, et aux remparts du Canada ; il a été partant pour les deux matchs, et a été louangé par Jesse Marsch.

« On est là ! réagit Koné. Franchement, j’ai parlé un peu à Moïse de notre parcours avant le match contre les Pays-Bas. C’est même lui qui m’a dit que c’était la première fois qu’on commençait un match ensemble. C’était important pour nous de se rappeler d’où on venait et de réaliser où on était. Ce n’est pas tous les jours que tu joues ces matchs-là. On a eu un petit moment. »

Une maison pour maman

Ce n’est pas tous les jours non plus qu’on peut parler de la sorte à cette vedette montante du soccer canadien. La dernière fois, en ce qui nous concerne, c’était à l’automne 2022, dans la cafétéria du Centre Nutrilait, à l’aube du match éliminatoire du CF Montréal contre Orlando City, rencontre au cours de laquelle il allait marquer le but vainqueur. Il n’avait pas, à ce moment, ses dreadlocks qu’il attache en queue de cheval derrière sa tête, et qu’il mêlera et démêlera tout au long de notre entretien.

PHOTO MAURICE VAN STEEN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Ismaël Koné (à droite) lutte pour la possession du ballon avec Micky van de Ven durant le match contre les Pays-Bas, jeudi dernier.

En 2022, c’était avant la Coupe du monde du Qatar. Avant son transfert à Watford.

À l’époque, si son transfert vers l’Angleterre se concrétisait, il nous avait révélé vouloir faire une surprise à sa mère, sa « grande amie », celle qui l’a amené avec lui de la Côte-d’Ivoire au Canada à 7 ans pour fuir la guerre civile. Il nous avait demandé d’en taire la teneur, pour garder le secret.

Aujourd’hui, Koné peut le dire : il lui a acheté une maison à Montréal, dans son quartier de Notre-Dame-de-Grâce. Elle y a emménagé en février dernier.

Il ne s’étend pas sur le sujet, mais souligne qu’elle a évidemment été « très contente ».

On passe donc aux raisons qui ont permis à Koné de lui offrir ce beau cadeau. Malgré une année et demie « challengeante » sur le plan sportif à Watford, il dit avoir eu « beaucoup de réflexion » sur lui-même, sur son « jeu », sur sa « manière de voir le foot ».

Une introspection carrément inévitable, alors que quatre entraîneurs sont passés au club – dont Elton John est le plus célèbre partisan – depuis l’arrivée de Koné. Et avec l’objectif toujours non résolu de passer en Premier League.

« Il y a eu des moments où c’était un peu plus compliqué », dit-il, notant un temps de jeu inégal.

L’international canadien a obtenu 3500 minutes au total depuis son arrivée en janvier 2023, sur une possibilité de près de 5900 en 65 matchs.

Le soccer anglais de la Championship est « beaucoup plus physique que tactique », explique Koné, lui qui a « une image du foot très ballon au sol, où il faut essayer de déjouer l’adversaire ».

« Encore beaucoup de travail »

Samuel Piette, ancien coéquipier à Montréal, a effectivement vu une évolution chez lui.

« Je trouve que c’est le même joueur qu’avant, avec un peu plus de confiance et de maturité, soumet le capitaine du CFM, rencontré à l’hôtel. Il s’impose physiquement un peu plus, il est plus difficile à faire bouger. Ça va très, très bien avec le style anglais. »

Mauro Biello parle quant à lui de sa « vision », de son « travail sans ballon ».

Il est plus alerte dans le jeu. Il commence à voir les situations autour de lui. Ce sont des choses qu’on voulait faire progresser dans son cas. Tu vois que techniquement, il est très fort.

Mauro Biello

Le nouveau sélectionneur du Canada est très satisfait des deux performances de son jeune milieu, mais il nuance.

« Son niveau de fitness, sa concentration tactique et sa capacité à sprinter encore et encore peuvent tous être améliorés, croit-il. S’ils le sont, alors son potentiel est gigantesque. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire pour lui permettre de l’exploiter. »

Pour ceux qui se le demandent : non, Ismaël Koné n’a « jamais entendu parler » de la rumeur sur l’internet l’envoyant à l’AS Roma en Italie cet été. Mais on serait surpris si son club ne recevait pas d’offre intéressante à son sujet dans l’entre-saison.

Parce que ce n’est pas n’importe quel joueur qui peut s’amener sur un terrain français devant les Bleus et en ressortir comme le meilleur de la soirée.