Une nouvelle analyse montre que les équipes de soccer de l’Euro 2024 pourraient réduire de 60 % leurs émissions de gaz à effet de serre si elles évitaient de prendre l’avion. Un exemple dont pourraient aussi s’inspirer les équipes nord-américaines, malgré un contexte différent.

Les chiffres

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L’équipe de France

L’analyse, réalisée par l’organisme à but non lucratif Transport & Environment, montre que le transport représente à lui seul 80 % des émissions des équipes durant un tournoi. Pendant la phase de groupes, où chacune joue trois matchs – souvent dans différentes villes –, les équipes pourraient réduire en moyenne leurs émissions de 95 % en choisissant de se déplacer autrement qu’en avion. L’organisme s’est aussi intéressé aux équipes favorites, qui joueront probablement plus de matchs que les autres et qui, donc, effectueront plus de trajets. Par exemple, sur l’ensemble du tournoi, l’équipe de France pourrait réduire de 96 % ses émissions. Si elle choisit l’avion, cependant, chacun de ses joueurs émettra 3,23 tonnes d’équivalent CO2 juste en transport. C’est sept fois plus que ce qu’émet en moyenne un Européen pendant un mois.

Se rendre en Allemagne en train ?

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La mascotte de l’Euro 2024 devant un train allemand

« C’est particulièrement choquant, parce que l’on sait que le système de transport ferroviaire est plus avancé que le nôtre », rappelle Andréanne Brazeau, analyste principale des politiques à la Fondation David Suzuki. Selon l’étude, en effet, le gain serait particulièrement intéressant pour les pays limitrophes de l’Allemagne, où se déroulera le tournoi. Grâce aux nombreuses liaisons routières et ferroviaires, les équipes de France, d’Autriche, de Belgique et de Suisse pourraient envisager de se rendre en Allemagne en train ou en bus. Elles pourraient ainsi réduire leurs émissions de 94 à 98 %, pour un trajet qui durerait entre 3 h 40 et 8 h 30.

Une occasion manquée

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L’équipe du Portugal à l’entraînement

L’analyse mentionne que sur les 13 équipes contactées, seules trois ont manifesté leur intention d’éviter de prendre l’avion : l’Allemagne, la Suisse et le Portugal. Pour les autres, il est probable qu’elles privilégieront les vols. Pour Andréanne Brazeau, il s’agit d’une occasion manquée. « Les équipes de soccer ont une responsabilité. Elles doivent montrer qu’elles prennent au sérieux la lutte contre les changements climatiques », affirme-t-elle. Une opinion que partage Aaron Ettinger, professeur de sciences politiques de l’Université Carleton. Pour lui, même si certaines équipes disent envisager l’option du train, il reste dubitatif. « Les équipes sportives sont douées pour faire des gestes symboliques, mais pas vraiment pour poser des actions plus concrètes », affirme-t-il.

Et chez nous ?

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Samuel Ersson, des Flyers de Philadelphie, et Nick Suzuki, du Canadien de Montréal

« Ici, on a une réalité qui est un peu différente », souligne Andréanne Brazeau. Un territoire plus étendu, des trains moins fréquents, un réseau ferroviaire moins développé : la logistique serait difficile pour les équipes nord-américaines qui veulent se rendre à leurs matchs en évitant l’avion. « Mais c’est quand même le genre de réflexion qu’on doit avoir collectivement », ajoute-t-elle. Une étude de 2021 montrait par exemple que les déplacements des équipes des quatre plus grandes ligues d’Amérique du Nord avaient généré 122 000 tonnes d’équivalent CO2 en un an. En organisant différemment leurs calendriers, il leur serait possible de réduire ce nombre. Par exemple, pendant la pandémie, la Ligue nationale de hockey (LNH) a rapproché ses matchs géographiquement et temporellement, ce qui a eu pour effet de diviser par deux ses émissions.

Au-delà du symbole

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L’équipe de l’Albanie à son arrivée en Allemagne pour l’Euro 2024

De façon générale, « ces grands évènements sportifs sont des catastrophes d’un point de vue environnemental, car des gens voyagent en avion de partout dans le monde pour s’y rendre », soutient Aaron Ettinger. Andréanne Brazeau souligne que les équipes auraient d’autres façons de montrer leur engagement pour l’environnement : des campagnes d’éducation, ou même un lien vers diverses options de mobilité durables pour se rendre à un match à partir de différents pays lors de l’achat des billets. « Il faut montrer que c’est une priorité, encourager les gens à faire les bons gestes », soutient-elle. « Peut-être que les émissions des déplacements des fans sont plus élevées, en termes absolus, mais les joueurs devraient être exemplaires à cet égard. »