En décembre dernier, au micro de son émission balado Let’s go !, Tom Brady avait demandé à Christian McCaffrey quel élément de son jeu faisait de lui le meilleur porteur de ballon de la NFL. Sa réponse ? « Mes blocs. »

Personne ici n’ira comparer Walter Fletcher, le porteur de ballon des Alouettes de Montréal, au joueur offensif par excellence de la NFL. Toutefois, ils ont en commun leur capacité à s’illustrer sans avoir le ballon aimanté à leur poitrine.

Interrogé pour savoir comment expliquer la progression de Fletcher, le quart-arrière Cody Fajardo a attribué à son coéquipier les mêmes qualités mises de l’avant par McCaffrey.

« Ce qu’il fait de plus important, je trouve, c’est tout le travail lorsqu’il n’a pas le ballon entre les mains. C’est la protection de passe, c’est de bloquer dans le haut du terrain pour les receveurs. […] Ce sont des détails que les partisans ne voient probablement pas, mais ça nous aide à devenir une meilleure équipe », a-t-il énuméré à la veille du premier match des Als au stade Percival-Molson depuis leur conquête de la coupe Grey.

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Cody Fajardo

À l’ouverture du camp d’entraînement, en mai, on évoquait une lutte à trois entre Jeshrun Antwi, Sean Thomas-Erlington et Fletcher pour remplacer William Stanback dans le champ arrière.

En discutant avec le directeur général Danny Maciocia, on comprend entre les lignes que Fletcher bénéficiait d’une longueur d’avance. Cependant, un seul élément de son jeu était défaillant et suffisamment inquiétant pour le laisser se battre avec les deux autres candidats, a révélé Maciocia dans les couloirs du Stade olympique, mercredi.

La question était de savoir s’il allait être capable de s’améliorer dans sa protection de passe. Et pendant le camp, il l’a fait. On pense qu’on a un porteur complet qui a faim.

Danny Maciocia

Le principal intéressé n’a pas été déstabilisé outre mesure par cette commande. « J’en arrachais à l’université avec la protection de passe », admet Fletcher.

Il s’est donc fait un devoir, depuis son arrivée dans la LCF en 2021, de peaufiner cette phase du jeu. « À mon premier entraînement dans la ligue, des vétérans m’ont dit : si tu ne bloques pas, tu ne joues pas. Tu peux marquer un touché de 90 verges, mais si tu ne protèges pas ton quart-arrière, ça ne fonctionnera pas. »

Patience et travail

Le 14 juin 2022, Maciocia s’est départi d’un choix de sixième tour pour acquérir Fletcher des Elks d’Edmonton. Une transaction nécessaire, car Stanback venait de se blesser pour la énième fois.

« Il est capable de courir avec le ballon, de courir depuis le champ arrière et d’attraper le ballon », explique le directeur général.

A posteriori, « être échangé ici, ça a changé ma carrière », affirme l’Américain.

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Le directeur général des Alouettes de Montréal, Danny Maciocia

Il était impossible au moment de la transaction de prédire comment le natif de Columbia, dans le Maryland, et ancien étudiant de l’Université Ball State allait se développer et surtout, comment il allait parvenir à se démarquer.

Pendant deux saisons, le joueur de 27 ans a rongé son frein en attendant le départ de Stanback. Il a toutefois été utilisé lors de situations bien précises la saison dernière. « Will est un gars très puissant, il voulait passer à travers les joueurs. Et là, Fletcher court autour des joueurs et est capable d’exploser », explique le joueur de ligne offensive Kristian Matte.

C’est pourquoi, en agissant dorénavant comme porteur de ballon partant, Fletcher a changé un peu, à sa manière, la dynamique de l’attaque des Alouettes. Même si le coordonnateur offensif Anthony Calvillo confirme que rien n’a changé dans le cahier de jeux et dans le système offensif depuis la promotion de Fletcher, il offre tout de même des options différentes à Fajardo.

Conscient du rôle qui allait lui être confié dans cette saison motivée par la défense d’un championnat, le demi offensif a employé les grands moyens pour accentuer sa préparation. Il est retourné dans son État natal pour s’entraîner au quartier général du fabricant Under Armour, à Baltimore.

« Je voulais ajouter du poids à ma charpente pour être en mesure d’encaisser tous les coups d’une saison de 18 matchs et des séries. J’ai travaillé sur ma mobilité, ma stabilité, ma flexibilité pour réduire le risque de blessure. »

La saison n’est vieille que de deux matchs, mais cet investissement rapporte déjà des dividendes.

L’éclosion

Au bout des deux premières semaines d’activité, Fletcher se trouve au troisième rang des joueurs de la LCF pour le nombre de verges accumulées au sol avec 118.

Lors du premier match, il a été un peu timide. En revanche, il a été le fer de lance des Alouettes en attaque la semaine suivante.

Walter Fletcher a couru avec le ballon 12 fois à chacun de ses deux matchs. Au premier, il a amassé 36 verges. Au second, il a répondu avec 82 verges et un touché.

De là le soudain intérêt des médias et des partisans pour le joueur enregistré à 5 pi 7 po et 206 lb. « Je ne veux pas me mettre trop de pression sur les épaules. Ça reste du football », répond-il lorsqu’on lui demande comment il négocie avec cette nouvelle notoriété et ce nouveau rôle.

Même si Fletcher a éclos et montré toute l’étendue de ses capacités la semaine dernière à Edmonton, Maciocia s’attend tout de même à « un petit peu plus de lui ». Mais s’il joue à la hauteur des espérances de son patron, gare aux défenses adverses, avise le directeur général : « Quand il va sentir qu’il est à sa place, qu’il a son mot à dire sur le plan offensif, on va vraiment voir l’effet Fletcher sur les Alouettes. »

Le match entre le Rouge et Noir d’Ottawa et les Alouettes sera diffusé à RDS et TSN3 ce jeudi à 19 h 30.