Limitée à la demi-finale, Audrey Leduc réussit son deuxième temps en carrière au 100 m. Elle est fin prête pour les Essais olympiques.

Audrey Leduc n’a pas été dépaysée par le changement de piste in extremis de la Classique d’athlétisme de Montréal, vendredi soir. En raison de dommages au revêtement de l’anneau du complexe sportif Claude-Robillard découvert la veille, les épreuves de course ont été déplacées d’urgence à la piste Ben Leduc de Saint-Laurent.

Un cauchemar et un casse-tête logistique pour les organisateurs, mais rien pour déstabiliser la nouvelle reine de la vitesse au Canada. Elle n’a pas de lien de parenté avec Ben Leduc, entraîneur d’athlétisme de renom qui a aussi été le mentor du défenseur Raymond Bourque, mais elle a déjà joué au soccer dans ce parc et y a compétitionné souvent comme sprinteuse.

Comme aime le répéter son entraîneur Fabrice Akué, tout ce qui importe à Audrey Leduc est d’avoir son bloc de départ et son couloir. À tout seigneur, tout honneur, elle avait hérité du 4 central pour la première des deux vagues préliminaires du 100 m sur le coup de 18 h 25.

Paf ! La jeune femme à la camisole rouge ne s’est pas éternisée dans le bloc, prenant les commandes tandis qu’un léger vent lui soufflait (juste assez) dans le dos. Elle est passée comme une flèche devant les quelques dizaines de spectateurs accoudés à la clôture.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Audrey Leduc et son entraîneur Fabrice Akué

Première par une marge. Son chrono : 11,00 secondes (+1,2), son deuxième en carrière, à quatre centièmes de son record national réussi en Louisiane le 20 avril. Troisième performance canadienne de l’histoire et record de la compétition ; la marque de 11,11 appartenait à la triple olympienne Crystal Emmanuel, la même à qui elle a dérobé la référence canadienne au 200 m le 31 mai. La finale promettait.

Quelques secondes plus tard, Leduc s’est cependant rendue à la tente de l’as-chronométreur Sylvain Richard, qui s’était arraché les cheveux pendant la journée pour déplacer et réinstaller tout son équipement à Saint-Laurent. « Je ne ferai pas la finale, vous pouvez donner ma place à quelqu’un d’autre », a annoncé la sprinteuse de Gatineau.

Elle s’est ensuite expliquée avec le directeur de rencontre Laurent Godbout, qui avait raté sa course. « J’étais trop vite ! », a-t-elle lancé avec un clin d’œil.

Leduc et Akué ont jugé que cette ligne droite canon était suffisante, à une semaine des Essais olympiques canadiens qui, cette fois, doivent bel et bien être disputés à Claude-Robillard, dont la piste a été réparée plus tôt vendredi.

« Je suis vraiment contente, la course était super bien », a souligné l’athlète de 25 ans en faisant ses exercices de récupération sur la pelouse centrale.

« On était venus pour exécuter et c’est ce que j’ai fait. J’ai seulement un petit quelque chose quelque part. On a donc décidé qu’on ne faisait pas la finale par précaution. Les Essais sont la semaine prochaine et on est en année olympique, après tout. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Audrey Leduc

Leduc a senti un léger inconfort à l’entraînement mercredi : « Juste une petite sensation, je ne sais pas où, je ne peux même pas le dire. Rien de grave. Ça va vraiment mieux, on a pu le voir sur la piste. »

Avec ce qu’elle vient de réussir, elle est persuadée de pouvoir améliorer son record de 10,96 s la semaine prochaine.

Ben oui ! On a fait 11,00, là. C’était une première course et ça va généralement mieux quand on en a une deuxième.

Audrey Leduc

Akué était aussi satisfait que sa protégée. « Elle a prouvé qu’elle était en forme et elle comprend les éléments techniques qu’elle doit mettre en place, a noté l’entraîneur. Elle ne gagnerait rien à faire une course de plus aujourd’hui. »

La constance affichée par Leduc à l’entraînement se transpose en course, « peu importe le niveau de compétition ». « C’est vraiment ça, l’enjeu, a souligné Akué. Elle démontre qu’elle est en train de stabiliser le 11 bas. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne tombe dans les 10,9, 10,8. »

À ses yeux, un nouveau record canadien la semaine prochaine « ne serait pas une surprise »...

La finale a été remportée par la Portoricaine Gladymar Torres en 11,31 s. La Québécoise Marie-Éloïse Leclair a fini deuxième en 11,38 s.

Petites déceptions

Les autres têtes d’affiche québécoises n’ont pas connu une soirée aussi fructueuse. Le spécialiste de steeple Jean-Simon Desgagnés faisait une rare incursion au 1500 m. La dynamique échevelée du peloton derrière les deux lièvres l’a obligé à boucher un trou et à prendre les commandes dans les deux derniers tours. L’Ontarien Jude Wheeler-Dee l’a coiffé de deux centièmes au sprint final.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Jean-Simon Desgagnés

En 3 min 39,90 s, l’étudiant en médecine de 25 ans a raté son record personnel d’un peu plus d’une seconde et demie (3 min 38,50 s). « J’avais la forme pour y arriver, c’est juste décevant que le résultat n’ait pas été mis sur la piste », a-t-il dit, regrettant de ne pas avoir pu profiter de conditions météo « parfaites ». « C’était plus la gestion tactique de la chose. […] C’est amer. »

Son coéquipier Charles Philibert-Thiboutot a évité la catastrophe en restant sur ses pieds après un accrochage à mi-chemin du 1000 m « premium ». « J’ai failli tomber en pleine face, a-t-il raconté. Je me suis tout de suite dit : relève-toi et mets-toi droit, parce que dans un peloton, ça arrive. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Charles Philibert-Thiboutot

Je ne voudrais pas que ça me joue dans la tête si je me fais accrocher comme ça aux Olympiques. Mais ça a passé proche.

Charles Philibert-Thiboutot

Le spécialiste de 1500 m a dû composer lui aussi avec une course « bizarre », forcé de faire le « yo-yo » et de relancer. Meneur durant tout le dernier tour, il s’est fait souffler la victoire par l’Ontarien Stephen Evans dans le sprint final, ce qu’il n’a pas aimé. Il a traversé la ligne à 2 min 20,22 s, à un peu moins de deux secondes de son sommet personnel réussi sur la même piste en 2021.

« Dans les 100 derniers mètres, il me reste encore de l’énergie, mais je ne la canalise pas de la bonne manière parce qu’au lieu de gagner en fréquence, j’en perds », a noté celui qui détient son standard olympique. « À l’entraînement, je devrai penser à ça : qu’est-ce qui se passe dans mes jambes quand je me dis d’accélérer ? Présentement, ma commande ne marche pas ! »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Simone Plourde

En fin de soirée, Simone Plourde a vécu une petite déception à sa première compétition en cinq semaines, se classant deuxième du 1500 m après avoir dû mener la presque entièreté de la course au côté d’un lièvre qui semblait plus lui nuire qu’autre chose. Son temps de 4 min 09,37 s était loin de son record personnel de 4 min 05,9 s réalisé en début de saison. C’est la gagnante Kate Current (4 min 06,91 s) qui a profité de ses efforts.

« J’ai fait plus de travail que j’aurais voulu », a constaté la demi-fondeuse de 23 ans. « Mais ça faisait un mois que je n’avais pas compétitionné et les sensations sont bonnes malgré tout. Ça me met en confiance pour les Essais canadiens la semaine prochaine. »

Plourde tentera alors d’améliorer son sort dans la course aux derniers billets disponibles pour les JO de Paris.