Je ne me souviens pas de la dernière fois où je suis sortie danser. Un peu parce que je me trouve trop vieille pour ça, beaucoup parce que j’adore être dans mon lit avant 22 h. Or, je ne peux résister à l’appel de l’Information. J’attends donc mes amis devant le Café Campus (!) pour tester une soirée pour couche-tôt…

En novembre 2021, alors que les bars s’apprêtaient à rouvrir, j’avais pondu une chronique au sujet de la danse. Je m’y demandais si les boîtes de nuit étaient aussi faites pour nous, celles et ceux qui n’ont plus 20 ans. Vous aviez été très nombreux à m’écrire pour témoigner de votre soif de danser, mais du manque d’espaces où vous vous sentiez à l’aise de le faire. Je n’avais pas trop su quoi vous répondre… Quand j’ai entendu parler de deux soirées montréalaises tenues dès 18 h pour gens de tout âge, j’ai donc sauté sur l’occasion. Je pourrais enfin vous donner des conseils !

Lisez l’article « Sortir danser quand on n’a plus 20 ans »

C’est pour qui ? C’est comment ? Du grand journalisme de terrain, quoi…

Premier arrêt : Café Campus, pour la soirée La boom (« musique de party » de 18 h à 21 h). En attendant les copains, je sonde le portier. Le sympathique gaillard m’explique que ces évènements mensuels sont populaires auprès de quadragénaires amateurs de « hits pour les X », mais qu’il voit aussi défiler des groupes de jeunes comme des hommes seuls de 65 ans.

Mes amis arrivent et, avec eux, un peu de ma confiance. On monte vers le bar pour découvrir une piste de danse étonnamment occupée, considérant qu’il est 20 h. J’estime qu’une quarantaine de personnes s’y dandinent. Ce qui laisse beaucoup de place pour les adeptes de mouvements amples, mais qui demeure suffisant pour s’abandonner sans trop de gêne.

D’ailleurs, un constat s’impose rapidement : les gens sont ici parce qu’ils aiment danser. Je gagerais un petit 10 qu’au moins 30 % de la salle suit des cours de danse. Les pas libérés sont au rendez-vous.

Mon amie Amélie me crie à l’oreille qu’elle apprécie l’absence de code vestimentaire. Il y a deux femmes en chemise de chasse, un trio en tenue de bal et un homme en jeans qui danse seul avec un plaisir évident. « Les gens veulent juste être bien », affirme Amélie, aussi bienveillante qu’observatrice.

Bien, notre copain François-Olivier l’est assurément : « Ça sent comme au Laser Quest, j’aime ça. » C’est sans doute grâce à la machine à boucane qui carbure à fond de train, générant une ambiance étonnante.

À 20 h 30 jaillissent des cris euphoriques : une pluie de bulles tombe du plafond. Je me dandine en riant au son de Sexy Bitch, de David Guetta. Mon ami Louis-Philippe m’ordonne de l’écrire dans ma chronique, appréciant ma défaite féministe.

En toute honnêteté, on a du plaisir. Louis-Philippe reconnaît les chansons qui jouaient au mariage de son cousin en Beauce… Et qui n’aime pas danser dans les mariages ? Son amoureuse Émilie, elle, est replongée dans les soirées dansantes de ses 12 ans, tenues au centre communautaire du coin. Elle savoure cette « belle nostalgie ».

Les succès oscillent des années 1980 au début 2000. Je danse sur du Sean Paul et du Shakira à mon corps défendant avant de prendre une pause-toilette. J’y croise une vingtenaire en train de dire à ses amies, horrifiée : « J’ai vu une femme de 50 ans ! »

Sa fleur de l’âge et elle sont en minorité, ce soir, au Café Campus (lieu que j’avais visité pour la dernière fois à 19 ans). Je comprends que ce soit déstabilisant.

On quitte l’endroit après 90 minutes de danse et une deuxième pluie de bulles pour aller voir ce qui se passe du côté du bar La Rockette, qui offre une soirée 40 ans et plus, de 18 h à 22 h, chaque dernier vendredi du mois (et à l’occasion deux fois par mois ; il faut suivre leurs réseaux sociaux pour tout savoir).

Ici, The Cure, Bruce Springsteen et Toni Basil rencontrent parfaitement nos goûts.

Je suis subjuguée par une femme aux cheveux argentés qui habite la piste comme nulle autre. La seule personne qui lui vole la vedette, c’est le gars qui danse en patins à roues alignées. Impressionnant.

La foule est encore plus hétéroclite qu’au Café Campus. Il y a des gens de 20 à 60 ans à parts égales, selon mes observations. Mais il faut dire qu’on arrive à l’heure où les soirées dansantes habituelles (attirant un public plus jeune) débutent. Je crois être témoin de la rencontre des deux faunes. Chose certaine, c’est une réunion harmonieuse. Je ne sens aucun jugement, que du plaisir.

Je trouve mes amis beaux. Ils me rendent heureuse. Je réalise que c’est ridicule d’avoir attendu si longtemps pour danser avec eux. Ou juste pour passer quelques heures ensemble, de manière peu organisée, dans le feu de l’action et du « êtes-vous game » ?

On aimera tant notre soirée qu’on remettra ça, deux semaines plus tard. On se retrouvera à La Rockette alors qu’il fait toujours clair dehors. Ces soirées pour couche-tôt m’auront rappelé la possibilité d’être ensemble. De vivre un peu comme dans la série Friends. J’avais oublié que ça se pouvait quelque part en 2020, je pense. Cinq ans après la pandémie, je remercie la vie pas si nocturne de Montréal pour cette petite résurrection.

Bref : danser tôt, à pas d’âge ? Cent pour cent recommandé.