Ces jours-ci, les médias ont révélé les taux d’échec très élevés des candidats au TECFEE (Test de certification en français écrit pour l’enseignement), exigé pour pouvoir légalement enseigner au primaire et au secondaire (formation générale et professionnelle).

On s’en est alarmé et on a même prétendu que la pandémie en était la cause. La pandémie a vraiment le dos large ! Depuis le début de la passation de ce test, en 2008, les échecs se succèdent. En 2020, seuls 47 % des candidats de l’UQAM ont réussi le test ; en 2017, la moyenne nationale était de 53 %. Ça ne date donc pas d’hier. Mais, oui, c’est pire que jamais. Pourquoi ? Je vais essayer de répondre à cette question.

Un test rigoureux

Une des explications, donnée par nombre d’étudiants et reprise par des médias, serait que la partie portant sur les connaissances sur la langue (qui correspond à 50 % des points) est trop difficile et « déconnectée de la réalité ».

On se souviendra de la levée de boucliers de la part d’étudiantes et d’étudiants arguant qu’on demandait la définition de mots aussi rares et difficiles que conjoncture !

Ce qu’on ne dit pas, c’est que ces mots ne sont pas choisis arbitrairement. Le TECFEE est conçu par des spécialistes de l’enseignement et de l’apprentissage de langue et des docimologues, spécialistes des mesures et évaluations. Il s’agit de mots qui sont connus par une partie significative d’une population équivalente à celle qui passera le test. On critique aussi le fait qu’en orthographe grammaticale, on privilégie des exceptions ! Comme si notre orthographe n’était faite que de régularités ! Rappelons que ceux et celles qui doivent réussir le TECFEE ont déjà quinze ans de scolarisation, généralement en français (six au primaire, cinq au secondaire, deux au cégep et une ou deux à l’université en éducation), généralement en français.

Antidote : un cadeau empoisonné

Pour ce qui est de la partie du test consacrée à la rédaction (texte de 350 mots écrit en deux heures et demie), on est même allé jusqu’à proposer que les candidats aient accès au correcteur Antidote ! Antidote est un excellent correcteur pour la typographie, la ponctuation, le lexique, l’orthographe lexicale, assez bon pour la syntaxe, mais on ne peut accepter d’emblée toutes ses propositions de corrections en orthographe grammaticale. Les accepter sans réflexion et connaissances peut nous amener à produire de nombreuses erreurs orthographiques. Donc, ce n’est pas la panacée si les utilisateurs n’ont pas de solides compétences en français écrit et n’ont pas l’expérience de ce correcteur.

Les activités d’écriture : une partie congrue de l’horaire de la classe de français

Bien que les programmes d’études affirment que la qualité du français est une responsabilité partagée par tous les enseignants, il n’en est rien. Seuls les titulaires de classe au primaire et les enseignants de français au secondaire et au collégial en sont responsables.

De plus, depuis 1984, en classe de français au secondaire, on n’est autorisé à pénaliser les élèves en français écrit que dans les seuls examens de français écrit, soit plus ou moins quatre fois l’an. Comment développer des compétences solides en français écrit si cela ne compte que quatre fois l’an ?

Le reste du temps, on écrit comme on peut, comme on veut, même dans les examens de compréhension de textes. D’ailleurs, les jeunes écrivent nettement plus en dehors de la classe de français (textos, messages sur les réseaux sociaux, etc.) sans se préoccuper de la qualité de la langue. Pourvu qu’on se comprenne !

L’irresponsabilité du ministère de l’Éducation depuis des décennies

On ne répétera jamais trop que la responsabilité première de ce déplorable état de fait revient aux ministres de l’Éducation qui, depuis 30 ans, n’ont que le mot « réussite » à la bouche, ce dernier associé à des résultats chiffrés. Or, pour faire réussir le plus grand nombre, la recette est simple : baisser les exigences. Il y a fort à parier que les futurs programmes de français et la nouvelle mouture du TECFEE iront dans ce sens. Voulons-nous d’un test qui récompense le manque de culture, dont le manque d’appétence pour la langue française ?

Baisser les exigences n’est pas la solution. Il faut plutôt s’unir pour faire aimer la langue française et la culture québécoise par les jeunes d’aujourd’hui. Cela implique de l’apprivoiser, de la connaître en l’étudiant et en la pratiquant. Oui, cela demande un travail constant, des efforts, mais aussi un réel plaisir devant les progrès accomplis et les découvertes réalisées. Il est minuit moins dix.

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue