Chaque année, pendant le Grand Prix de Formule 1, tout le Québec est exposé à une hystérie qui entraîne non seulement une vague de sentiments anti-travail du sexe, mais aussi une vague de répression et de surveillance policières accrues qui cause des torts aux travailleuses du sexe.

Le lancement des campagnes annuelles de la part des prohibitionnistes anti-travail du sexe crée une culture de peur et repose sur des allégations exagérées et infondées d’une augmentation de la traite des personnes et de l’« exploitation sexuelle » ou parfois juste de l’offre de services sexuels.

Ces allégations ont un impact énorme sur la santé et la sécurité des travailleuses du sexe, dont celui de causer de la violence et l’exploitation.

Les travailleuses du sexe qui exercent à l’extérieur et qui sont déjà sur-surveillées et sous-protégées par les forces de l’ordre sont victimes de harcèlement et de profilage dans le but de les faire disparaître de l’espace public.

Les travailleuses du sexe qui travaillent à l’intérieur subissent des descentes et des « visites » supplémentaires de la part de la police sous le prétexte d’assurer une « sécurité ». Dans les deux cas, les travailleuses du sexe doivent chercher des façons de travailler qui évitent la police et qui les mettent souvent plus à risque de violence ou de mauvaises conditions de travail. La répression policière est l’un des principaux facteurs de vulnérabilité à la violence et crée des barrières pour celles qui aimeraient dénoncer ces crimes.

Nombreuses études

Malgré la panique morale créée par des campagnes de ce type, il existe une longue série d’études ancrées dans des données probantes qui démontre que l’augmentation de l’exploitation pendant les évènements sportifs est un mythe.

En 2006, un rapport produit en Allemagne par les Nations unies pour leurs Objectifs de développement durable intitulé Trafficking in Human Beings and the 2006 World Cup in Germany⁠1 (La traite des personnes et la Coupe du monde 2006 en Allemagne) a démontré que, malgré les prévisions des militants idéologiques, la traite des personnes n’avait pas augmenté pendant la Coupe du monde – une information importante dont les gens devraient tenir compte alors que l’Allemagne se prépare cette semaine pour l’Euro 2024.

De même, lorsque Vancouver a accueilli les Jeux olympiques d’hiver de 2010, une publication financée par le gouvernement⁠2 a démontré que la crainte d’une augmentation de la traite était « incompatible avec les preuves contenues dans ce document de recherche, selon lesquelles la traite et les méga-évènements ne sont pas liés ».

En 2011, l’Alliance mondiale contre la traite des femmes (GAATW) a publié un rapport intitulé What’s the Cost of a Rumour ?3 (Quel est le coût d’une rumeur ?) afin de démontrer non seulement l’énorme gaspillage de fonds qui sert à propager les mythes sur les évènements sportifs et l’augmentation de l’exploitation sexuelle – soit du financement gaspillé en campagnes publicitaires, en « nettoyages » répressifs des rues et en présence policière constante – mais aussi les préjudices causés aux communautés les plus marginalisées de l’industrie du sexe qui sont déjà sur-surveillées et font l’objet d’un profilage social et racial. Leur blogue du 4 juin en prévision des Jeux olympiques en France en juillet réitère « la nécessité de mettre fin aux réactions de “sauvetage” déplacées ».

Plus récemment, et localement à Montréal, en réponse aux allégations alarmistes annuelles anti-travail du sexe sur l’augmentation de l’exploitation sexuelle pendant l’évènement sportif le plus célèbre de Montréal, le Grand Prix de Formule 1, le Conseil des Montréalaises a étudié la question et a publié en 2021 un rapport intitulé La sécurité des femmes pendant le Grand Prix de Formule 1 du Canada4, qui déclarait : « Les estimations souvent exagérées et alarmistes du nombre de victimes sont pour beaucoup une façon d’instrumentaliser le phénomène de la traite afin de justifier un renforcement des contrôles migratoires et des actions policières dirigées vers l’industrie du sexe et les populations marginalisées en général. »

Ce rapport cinglant expose l’agenda prohibitionniste et démantèle le mythe de l’augmentation de l’exploitation lors des évènements sportifs à Montréal.

Il dénonce également le rôle des médias dans la propagation d’informations non fondées sur le Grand Prix.

La prohibition se nourrit de la peur et des paniques morales. Le coût en est élevé : l’argent public de tous les ordres de gouvernement, les forces de l’ordre et les ressources qui sont nécessaires ailleurs sont détournés vers la recherche d’une exploitation qui n’existe pas. Et les personnes qui paient le prix par une répression accrue sont les travailleuses du sexe les plus marginalisées de nos communautés. Si on veut que la violence cesse, il faut respecter des droits. Cet objectif commence avec la décriminalisation du travail du sexe.

1. Lisez Trafficking in Human Beings and the 2006 World Cup in Germany (en anglais) 2. Consultez l’analyse Jeux d’hiver de 2010 et traite de personnes 3. Lisez What’s the Cost of a Rumour ? (en anglais) 4. Consultez l’Avis du Conseil des Montréalaises sur la traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle pendant le Grand Prix de Formule 1 du Canada Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue