La maison d’édition ERPI vient de rendre public Passeport citoyen⁠1, ses manuels scolaires du primaire pour le cours Culture et citoyenneté québécoise (CCQ).

Ayant activement participé au débat⁠2 qui a mené à la refonte du cours Éthique et culture religieuse (ECR), nous étions impatients de voir comment le programme du nouveau cours serait déployé.

De la reconnaissance absolue au dialogue critique

Le cours ECR accordait une place prépondérante aux croyances et pratiques religieuses, dans une posture de reconnaissance absolue. Les manuels regorgeaient d’images d’enfants arborant des signes religieux ostentatoires et de représentations des différentes religions en mettant l’accent sur les pratiques les plus intégristes.

Par bonheur, ce n’est plus le cas des manuels CCQ consultés. Fini le florilège de signes religieux. Nous n’en avons vu aucun. Les enfants ne sont plus identifiés par des appartenances religieuses.

Lorsque le thème des religions est abordé, il l’est dans sa dimension spirituelle, en faisant intervenir la réflexion philosophique.

Ainsi, comme annoncé dans le programme, le fil conducteur est bien celui de la réflexion, du jugement critique et de l’apprentissage du débat.

La principale critique contre ECR était qu’il mettait l’accent sur les « différences » plutôt que de rassembler autour d’une culture civique commune. Ce n’est plus le cas des manuels CCQ consultés. On n’insiste pas sur les différences religieuses ni sur les différences ethniques ou « raciales ». On comprend que tout le monde au Québec fait partie de la « diversité », et qu’un rapprochement entre les citoyens est nécessaire. Tout cela est très positif.

La laïcité et ses valeurs

Ce qui l’est moins en revanche est qu’il n’y ait aucune référence à la laïcité et à ses principes. Même si, selon le programme, ce ne sont des concepts obligatoires à aborder qu’en deuxième année du secondaire, on se serait attendu à ce qu’on les évoque, même minimalement. En effet, l’importance de promouvoir l’État de droit laïque fait partie de la finalité « poursuivre le bien commun » du programme, au primaire comme au secondaire.

Ce bémol est cependant compensé par le fait que les manuels CCQ sont, dans les faits, beaucoup plus respectueux de la liberté de conscience des élèves que l’étaient ceux d’ECR. Ils sont davantage conformes aux valeurs de la laïcité, puisqu’ils offrent un espace non saturé de croyances, propice à la pensée critique. Cela permettra aux élèves d’échapper aux assignations identitaires, et favorisera leur liberté de pensée.

Une nouvelle lubie idéologique

Malheureusement, de nouvelles dérives idéologiques ont fait leur apparition en lien avec le volet de l’éducation à la sexualité. Il s’agit des détournements de sens visant à nier la nature biologique immuable du sexe pour le ramener à un « ressenti » subjectif et fluide.

Ainsi, dans le manuel de 5e année, le sexe est défini comme une « catégorie sociale ». Vraiment ? Comme le dit François Chapleau, professeur émérite de biologie à l’Université d’Ottawa3, cette définition est carrément risible si on l’applique aux millions d’autres espèces sexuées sur Terre. Comment expliquer le sexe des orignaux ou des asperges en termes de « catégories sociales » ?

Un effort est déployé pour éviter le mot « sexe ». Par exemple, lorsque sont énumérés les motifs de discrimination, l’encadré « à retenir » parle d’orientation sexuelle et d’identité de genre… mais pas de sexe !

N’est-ce pas un manque de sensibilité flagrant envers les femmes qui, partout dans le monde, subissent la discrimination, le harcèlement et la violence sur la base de leur sexe ?

L’identité de genre est, quant à elle, définie comme une « catégorie qui peut être différente de celle attribuée à la naissance » et qui « se rapporte à ce qu’on ressent à l’intérieur de soi ». Comment peut-on faire croire aux enfants qu’une identité de genre leur a été attribuée à la naissance ?

La définition se poursuit en mentionnant qu’on peut « se sentir comme : fille, garçon, les deux, aucun des deux, parfois l’un et parfois l’autre ». Pourtant, dans la partie consacrée à la lutte contre les stéréotypes sexuels, on explique que les jeunes devraient pouvoir librement exprimer ce qu’ils sont (trait de caractère, apparence, tempérament) et choisir ce qu’ils préfèrent (activités, métiers, habillement, etc.) sans égard au fait qu’ils soient des filles ou des garçons. Comment les enseignants vont-ils surfer sur ce paradoxe qui consiste, d’une part, à lutter contre les stéréotypes sexuels et, d’autre part, à intégrer une définition de l’identité de genre qui s’appuie, en grande partie, sur l’acceptation de ces stéréotypes ?

Pour résumer, le programme et les manuels CCQ sont plus aptes à favoriser le vivre-ensemble que ne l’étaient ceux du cours ECR. Mais pourquoi risquer de se discréditer en y reconduisant un vocabulaire idéologique, non scientifique, sur le sexe et le genre ? Les enseignants vont-ils être formés à de tels détournements de sens ? Le risque est grand que des organismes externes, potentiellement militants, se proposent pour offrir des formations, clés en main, sur l’identité de genre dans les classes.

Le gouvernement doit se rattraper en supprimant du programme la définition idéologique du mot « sexe » comme catégorie sociale, et ne pas approuver des manuels scolaires reconduisant un tel vocabulaire. Nos enfants méritent mieux !

1. Consultez des exemplaires numériques de Passeport citoyen 2. Lisez « Cours de culture et citoyenneté québécoise – Un constat en deux temps » 3. Regardez la vidéo « Le sexe est réel et binaire : 1. Importance, définition et controverses » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue