Le passé et le présent d’Amsterdam se superposent dans Occupied City, long métrage documentaire de Steve McQueen en hommage à la population juive de la capitale néerlandaise pendant l’occupation nazie.

Steve McQueen nous a habitués à des œuvres de fiction fortes, abordant des thèmes durs comme l’esclavage (Twelve Years a Slave), le racisme (Small Axe), les conditions de détention des prisonniers politiques (Hunger) ou la dépendance au sexe (Shame). Dans Occupied City (Une ville occupée en version française), le cinéaste britannique installé aux Pays-Bas depuis plus de 20 ans s’intéresse aux victimes amstellodamoises de la Shoah.

Amsterdam est la ville européenne dont la population juive a été le plus décimée pendant la Seconde Guerre mondiale. Quelque 80 % des citoyens juifs qui ont été déportés vers les camps de la mort n’y ont pas survécu. Des quartiers entiers ont été vidés de leurs habitants.

Adaptation par McQueen, en collaboration avec sa femme Bianca Stigter, de son livre Atlas of an Occupied City, Une ville occupée relate le destin tragique de plusieurs d’entre eux dans un portrait croisé entre le passé et le présent pandémique, marqué par des mouvements sociaux tels Black Lives Matter ou le combat contre le réchauffement climatique. Au tournant de la présente décennie, Amsterdam a connu son premier couvre-feu depuis la Seconde Guerre mondiale.

Documentaire brillant, poignant et prégnant, aux airs d’installation d’art contemporain, c’est une œuvre contemplative et exigeante, ne serait-ce que par sa longueur (4 h 22). Une ville occupée ne compte aucunes archives ni entrevue, contrairement à un autre documentaire marquant (de 9 h 26) sur l’Holocauste, Shoah de Claude Lanzmann.

Steve McQueen a privilégié la superposition de faits du passé et d’images du présent, avec parfois une interaction de gens en filigrane (une vieille dame qui danse dans sa cuisine, le roi des Pays-Bas qui prend part à une commémoration de la Shoah, un enfant qui se prépare à sa bar-mitsvah, etc.).

Le montage fluide fait parfois écho, avec des images d’Amsterdam aujourd’hui, à la narration des horreurs s’étant déroulées hier aux mêmes endroits (une place publique, un édifice, un appartement). La comédienne Melanie Hyams livre sur un ton volontairement monocorde et détaché une litanie de drames subis par des dizaines de membres de la communauté juive. « Démolie », répète souvent la narratrice à la fin d’un récit, s’agissant d’une maison ou d’une personne qui y habitait.

Steve McQueen a filmé une cartographie de l’horreur, en revisitant 130 adresses. Il ne semble pas y avoir beaucoup de rues à Amsterdam où il n’y a pas eu de rafle ou de cache comme celle d’Anne Frank, de collabos (juifs et autres) qui ont dénoncé leurs voisins ou, a contrario, des femmes et des hommes courageux qui ont tout risqué pour tenter de sauver leur prochain. C’est surtout à eux que McQueen rend hommage.

L’aspect répétitif, monotone et austère de son film peut certainement rebuter le spectateur d’entrée de jeu. Mais c’est précisément la longueur du documentaire et l’effet de bombardement continu d’informations sordides qui créent un envoûtement morbide, hypnotique, jusqu’au trop-plein d’horreur. McQueen et Bianca Stigter rappellent l’ampleur de la tragédie humaine, comme s’ils se faisaient un devoir de raconter l’histoire des gens dont les noms ont été gravés sur des monuments à la mémoire des morts. Afin qu’ils ne soient pas oubliés.

Une ville occupée est présenté en version originale anglaise avec sous-titres français au Cinéma du Musée le samedi 4 mai à 17 h, le dimanche 5 mai à 11 h 30 et le mercredi 8 mai à 11 h 45.

Consultez l’horaire du film
Occupied City 
(V. F. : Une ville occupée)

Documentaire

Occupied City
(V. F. : Une ville occupée)

Steve McQueen

Melanie Hyams

4 h 22

7,5/10