Nouveau Monde Graphite ambitionne d’exploiter une première mine 100 % électrique et carboneutre à Saint-Michel-des-Saints, mais de l’aveu même de l’entreprise, ce n’est pas pour demain. Et de telles prétentions s’apparentent à de l’écoblanchiment, selon les opposants au projet.

Depuis 2021, Nouveau Monde Graphite (NMG) présente son projet de matériaux d’anodes pour les batteries comme une solution carboneutre pour les constructeurs de véhicules électriques. À la clé de cette ambition, l’accès à l’équipement minier électrifié qui lui permettrait de respecter son engagement n’existe pas encore.

L’entreprise envisage de commencer ses activités avec la machinerie au diesel existante, le temps que le géant Caterpillar, avec qui elle a des ententes, conçoive et mette en marché l’équipement électrique, explique la porte-parole de NMG, Julie Paquette.

« Nous utiliserons de l’équipement conventionnel (au diesel) pendant les cinq premières années d’opération, qui sera remplacé à mesure que les machineries électriques seront disponibles », explique-t-elle dans un entretien avec La Presse.

Si tout se passe comme prévu, NMG veut commencer ses activités minières en 2028, ce qui repousse à 2033, au mieux, le début de son utilisation de l’équipement électrique. L’entreprise ne parle plus d’équipement électrique dans ses communications, mais de « machines zéro gaz d’échappement ». « Parce que ça pourrait être à l’hydrogène », précise la porte-parole.

Elle ajoute que l’engagement de l’entreprise est d’avoir un site 100 % électrique, mais que son fournisseur éventuel Caterpillar explore aussi d’autres possibilités, dont l’hydrogène.

Une mine est une mine

Les engagements de NMG envers l’électrification et la carboneutralité, réitérés lors de l’assemblée annuelle de l’entreprise à la fin du mois de juin, sont dénoncés par la Coalition Québec Meilleure Mine, le pendant québécois de Canada Mining Watch.

« La prétention remontant à plusieurs années du promoteur de faire une mine 100 % électrique est une affirmation au mieux douteuse », estime la coalition, qui relève que l’équipement électrique sur lequel s’appuie cette prétention n’existe pas encore.

Au-delà de la question de l’équipement, tout le discours vert de NMG s’apparente à de l’écoblanchiment, estime Rodrigue Turgeon, porte-parole de la coalition.

« On présente ce projet comme une solution pour l’environnement, alors qu’une mine a des impacts sur l’environnement qui contribuent à aggraver la crise environnementale », dit-il. La mine de graphite à ciel ouvert de Saint-Michel-des-Saints ouvrira un cratère de presque trois kilomètres de long dans une région habitée et réputée pour ses attraits naturels, en plus d’accumuler des résidus acides, rappelle Rodrigue Turgeon.

Il dénonce le discours de NMG, mais aussi celui qui entoure toute la filière batterie présentée comme une solution verte. On s’attarde aux émissions de gaz à effet de serre, mais on oublie toutes les autres externalités environnementales des mines et des usines de cette filière. « La société se fait berner », estime-t-il.

Un projet de loi fédéral permettra, s’il est adopté, d’empêcher les entreprises de se vanter de respecter les valeurs ESG et d’être carboneutres sans présenter de preuves pour appuyer leurs prétentions. Cette éventuelle réglementation a d’ailleurs conduit les sociétés pétrolières canadiennes à retirer par précaution de leur site internet toutes leurs affirmations concernant leur lutte contre les changements climatiques, parce qu’elles craignent d’être accusées d’écoblanchiment⁠1.

Pour les opposants au projet de mine de graphite de Saint-Michel-des-Saints, NMG se vante à tort d’intégrer les valeurs ESG (pour environnementales, sociales et de gouvernance) auprès du marché et de ses actionnaires.

« Des mines qui ne détruisent pas l’environnement, ça n’existe pas », dit Daniel Tokatéloff, membre de l’Association pour la protection du lac Taureau et opposant de la première heure au projet de mine de graphite.

Selon lui, le projet ne respecte pas non plus les valeurs sociales, puisqu’il divise profondément la communauté locale. Enfin, l’opposant relève que NMG ne peut pas parler de bonne gouvernance quand un de ses principaux actionnaires, le groupe Pallinghurst, est établi dans un paradis fiscal, l’île britannique de Guernesey.

Une version précédente de ce texte indiquait que Pallinghurst était également actionnaire de Nemaska Lithium. Ce n'est plus le cas. Nos excuses.

1. Lisez l’article « Un groupe pétrolier retire du contenu à cause de C-59 »

Deux projets

1. Projet de mine et de concentrateur de graphite à Saint-Michel-des-Saints

Production prévue de 103 000 tonnes par année pendant 25 ans

2. Usine de matériaux de batterie à Bécancour

Production prévue de 46 000 tonnes par année