Vous les avez peut-être vues circuler sur vos réseaux sociaux : des collectes de fonds qui sollicitent votre argent pour aider des familles palestiniennes à sortir de la bande de Gaza. En quelques clics, La Presse en a recensé plus de 1000 sur la plateforme de sociofinancement GoFundMe. Ces campagnes demandent des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars. À quoi servent ces sommes ?

Combien de dons ont été récoltés jusqu’à présent ?

La plateforme GoFundMe recense plus de 4 millions de dons effectués et plus de 260 millions versés aux collectes de fonds liées à la crise au Moyen-Orient depuis le 7 octobre 2023, rapporte la porte-parole de l’entreprise, Aisha Vernon. Les dons proviennent de 181 pays dispersés sur les sept continents.

Comment ces sommes permettent-elles aux Palestiniens de quitter la bande de Gaza ?

Avant qu’Israël ne ferme le poste frontalier entre l’Égypte et Gaza le 7 mai, c’était la seule façon qu’avaient les Palestiniens de quitter leur pays en guerre, explique Olivier Arvisais, professeur à l’UQAM en didactique et expert des crises humanitaires. « Pour qu’une personne traverse en Égypte, il faut que son nom soit inscrit sur la liste égyptienne des évacués », explique-t-il. C’est à cette étape-ci qu’intervient la compagnie égyptienne privée Hala Consulting and Tourism.

Qu’est-ce que Hala Consulting and Tourism ?

Si Hala Consulting and Tourism se présente comme une agence de voyages sur Facebook et Instagram, elle agit comme une « agence de passeurs » depuis le début du conflit au Moyen-Orient, explique M. Arvisais. En échange d’environ 5000 $ US par personne, remis en espèces au bureau de l’agence au Caire, celle-ci ajoute à la liste des évacués le nom des Palestiniens désirant fuir la guerre. Cela est possible grâce aux liens étroits qu’entretient le propriétaire de Hala, Ibrahim El-Organi, avec les autorités égyptiennes. En plus d’être un magnat de la construction, M. El-Organi est un puissant allié du président égyptien Al-Sissi.

Est-ce qu’il y a des enjeux éthiques ?

Avant le début de la guerre, le coût d’un passage en Égypte assuré par Hala était de 350 $ US. Aujourd’hui, il en coûte 14 fois plus cher. « Quand il y a du désespoir, il y a toujours quelqu’un qui cherche à en profiter », lance M. Arvisais, en expliquant que seuls les Palestiniens les plus fortunés peuvent s’offrir les services de Hala. « C’est ce qui explique le nombre important de campagnes GoFundMe que l’on voit circuler sur le web. » S’il remet en question les motivations financières de l’agence, M. Arvisais admet toutefois que « Hala a probablement réussi à évacuer plus de Gazaouis depuis le début de la guerre que bien des États ».

Peut-on faire confiance à ses campagnes ?

Il est dur d’établir hors de tout doute que l’argent se rendra toujours à bon port. Pour éviter que des gens mal intentionnés profitent de la bienveillance des donateurs, GoFundMe a instauré un protocole lors de crises humanitaires pour surveiller les collectes de fonds et s’assurer que les « communautés puissent recevoir un soutien fiable ». Notamment, la plateforme vérifie l’identité de l’organisateur de la campagne de financement et des bénéficiaires. Par exemple, Nora Loreto, qui a amassé de l’argent via GoFundMe pour permettre à une famille palestinienne de fuir vers le Québec, affirme qu’elle a dû transmettre des photos des passeports de la famille qu’elle a parrainée avant que sa collecte de fonds soit approuvée par la plateforme. Le site demande également qu’un plan clair et précis de l’utilisation de l’argent soit fourni.