Les magasins poussent les sportifs amateurs à consommer beaucoup de suppléments, parfois au mépris de leur santé. Les clients peinent, quant à eux, à repérer les produits de qualité et sûrs.

« C’est un peu comme jouer à la roulette russe avec sa santé », lâche Arthur Kaestli. Ce sportif amateur s’entraîne plusieurs fois par semaine depuis six ans. Il prend au quotidien de la créatine et des vitamines, mais aussi parfois des protéines en poudre, du collagène, ou encore du pre-workout.

« Je prends ça pour la liberté d’esprit, pour être sûr d’avoir tout ce qu’il me faut, explique-t-il. J’essaie de rester raisonnable par rapport à la quantité de choses que je prends. Mais souvent, il faut essayer et voir ce qu’il se passe. »

Au cours des dernières années, il a testé plusieurs marques, en vérifiant scrupuleusement chaque ingrédient et en s’appuyant sur les avis recueillis en ligne. « S’il y a beaucoup d’additifs que je ne trouve pas nécessaires, je ne vais pas le prendre », précise-t-il, avouant n’avoir qu’une confiance « limitée » dans les entreprises qui vendent des suppléments.

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Arthur Kaestli

J’essaie de me faire une idée comme ça. Mais s’il y avait un vrai système en place pour garantir la qualité des produits, ce serait vraiment mieux.

Arthur Kaestli

Des magasins qui poussent à la consommation

La Presse a visité cinq magasins de suppléments pour sportifs, à Montréal et à Longueuil. Nous avons expliqué que nous nous entraînions depuis six mois, plusieurs fois par semaine, que nous ne mangions pas de viande et que nous souhaitions obtenir plus de « résultats ».

Les cinq magasins nous ont recommandé de prendre des protéines en poudre. On nous a également conseillé d’intégrer à notre alimentation jusqu’à trois produits supplémentaires : créatine, multivitamines, magnésium, électrolytes, pre-workout, acides aminés à chaîne ramifiée (BCAA) ou carnitine.

Ces produits représentent un marché très lucratif et en pleine expansion, au Canada et dans le monde. Un seul pot de protéines en poudre coûte autour de 100 $ et dure environ un mois – mais cela peut varier selon le poids, le type d’entraînement ou encore le régime alimentaire de la personne.

Le marché mondial des boissons et suppléments pour sportifs en chiffres

  • 50 milliards US : valeur estimée en 2024
  • 75 milliards US : valeur projetée pour 2030

Source : Grand View Research

Juste une « demi-dose »

Chez Popeye’s Suppléments, un employé nous a recommandé un produit contenant de la caféine. Lorsque nous avons évoqué des problèmes de santé cardiovasculaires – fictifs –, il nous a conseillé de prendre « une demi-dose » par rapport à ce qui était indiqué sur l’étiquette. Il ne nous a pas recommandé d’en parler au préalable avec un médecin.

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Une succursale de Popeye’s Suppléments

Contacté à ce sujet, le propriétaire de Popeye’s Suppléments, Philippe-Antoine Defoy, a indiqué avoir envoyé un courriel à ses employés pour éviter que la situation ne se reproduise. « Nous ne faisons aucune concession sur notre approche axée sur des conseils professionnels plutôt que sur la vente », a-t-il ajouté.

Une provenance difficile à établir

Plusieurs des suppléments qui nous ont été proposés étaient importés des États-Unis ; d’autres comprenaient la mention « fait au Canada à partir de produits importés » ou « conçu au Canada », sans plus de spécifications.

Pour la plupart, après avoir recherché les produits en ligne, il ne nous a pas été possible d’établir la provenance exacte des ingrédients utilisés. « Nous utilisons plus de 500 ingrédients provenant de 20 pays différents », indique l’un des fabricants sur son site internet, sans préciser lesquels.

Arthur Kaestli admet quant à lui ne pas avoir beaucoup de recul sur sa prise de suppléments, même s’ils lui semblent pour le moment efficaces pour ses entraînements. « C’est juste sur une période de six ans. Je n’ai aucune idée de ce qu’il peut se passer dans l’avenir par rapport à ça », s’inquiète-t-il.

En savoir plus
  • 55 %
    Proportion des Canadiens âgés de 15 ans et plus qui pratiquent une activité sportive. Parmi eux, 11 % ont déclaré faire un sport de compétition.
    Source : Statistique Canada, 2023