La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a déployé des policiers sur le terrain à Montréal et à Brossard, mercredi, pour aller à la rencontre des Québécois d’origine chinoise, après avoir reçu plusieurs plaintes ces dernières semaines au sujet du harcèlement, de l’intimidation ou de menaces qui pourraient être l’œuvre du Parti communiste chinois.

« Au cours des dernières semaines, nous avons eu un peu plus d’une demi-douzaine de gens de la communauté au Canada qui auraient été victimes ou témoins de menaces, de harcèlement ou d’intimidation », explique le sergent Charles Poirier, porte-parole du corps policier. Ces cas récents concernent spécifiquement le Québec.

« On voit qu’il est question du Parti communiste chinois, ou du moins on se sert du nom du Parti communiste chinois », poursuit-il. À titre d’exemple, il est question de gens qui reçoivent un appel anonyme après avoir publié un commentaire critique du régime chinois sur les réseaux sociaux, et qui se font recommander de le retirer, parfois avec une référence à leurs proches restés en Chine. D’autres cas concerneraient des visites en personne faites à certains résidants du Québec pour leur suggérer de rentrer en Chine pour régler leurs problèmes avec le Parti.

« On ne peut pas tolérer ça », affirme le sergent Poirier.

Ces gens sont venus s’installer ici, ils font partie de la communauté canadienne, ils ont le droit d’être protégés. On veut leur faire savoir qu’on est là pour les aider au besoin.

Le sergent Charles Poirier

La GRC sur le terrain
  • La GRC a mené une activité de sensibilisation dans le Quartier chinois pour inciter les gens à dénoncer l’intimidation du Parti communiste chinois, et pour solliciter des informations pour aider les enquêtes en cours à ce sujet.

    PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

    La GRC a mené une activité de sensibilisation dans le Quartier chinois pour inciter les gens à dénoncer l’intimidation du Parti communiste chinois, et pour solliciter des informations pour aider les enquêtes en cours à ce sujet.

  • Des commerçants et des travailleurs ont reçu une carte avec des indications sur la façon de dénoncer l’ingérence étrangère.

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    Des commerçants et des travailleurs ont reçu une carte avec des indications sur la façon de dénoncer l’ingérence étrangère.

  • Les policiers demandaient aux citoyens de les contacter s’ils étaient témoins ou victimes d’intimidation.

    PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

    Les policiers demandaient aux citoyens de les contacter s’ils étaient témoins ou victimes d’intimidation.

  • Des agents du SPVM et de la police de Longueuil ont participé à la campagne de sensibilisation à Montréal et à Brossard.

    PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

    Des agents du SPVM et de la police de Longueuil ont participé à la campagne de sensibilisation à Montréal et à Brossard.

  • Une vidéo en mandarin a aussi été diffusée par le corps policier dans le cadre de sa campagne de sensibilisation.

    PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

    Une vidéo en mandarin a aussi été diffusée par le corps policier dans le cadre de sa campagne de sensibilisation.

  • Plusieurs plaintes ont été déposées à la GRC ces dernières semaines en lien avec de l’intimidation, du harcèlement ou des menaces.

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    Plusieurs plaintes ont été déposées à la GRC ces dernières semaines en lien avec de l’intimidation, du harcèlement ou des menaces.

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Des policiers de la GRC ont visité plusieurs établissements à Brossard et dans le Quartier chinois de Montréal pour sensibiliser la population et inciter les gens à dénoncer tout geste d’ingérence étrangère dont ils sont témoins. Plusieurs commerçants et passants se montraient peu loquaces, mais tous prenaient la petite carte distribuée par les agents, avec un numéro de téléphone et un lien web facilitant les dénonciations.

Lors du passage de La Presse dans le Quartier chinois, mercredi, trois femmes membres du mouvement religieux Falun Gong, dont les adhérents sont persécutés en Chine, étaient en grande conversation avec les policiers.

« Au moins, votre présence montre que le Canada se soucie de ça ! Nous avons tous des histoires. Nous savons que nous sommes surveillés. Il y a des espions ici ! Plusieurs personnes d’origine chinoise ont peur de parler de leur expérience », leur expliquait Lili Ling, qui traduisait pour les autres membres du groupe.

En entrevue avec La Presse, elle affirme que plusieurs expatriés autour d’elle craignent les représailles contre les membres de leur famille. « Par exemple, le gouvernement a contacté mon frère, en Chine, et lui a demandé de passer prendre un café pour discuter de ce que je fais ici », affirme-t-elle.

Pendant la conversation, un homme s’approche et tend l’oreille. Puis il s’approche encore. Et encore, tout en regardant ailleurs. « Éloignons-nous. Qu’est-ce qu’il fait, lui ? Il écoute ce qu’on dit. Sûrement un espion », lance Mme Ling. Impossible de dire si elle s’inquiète pour rien. Mais elle affirme avoir été souvent suivie et filmée par des gens proches du consulat de Chine lorsqu’elle affiche publiquement son opposition au régime. Elle est méfiante.

La GRC avait déjà reçu « entre 15 et 20 signalements » ces derniers mois après avoir confirmé publiquement qu’elle enquêtait sur le Service à la Famille chinoise du Grand Montréal et le Centre Sino-Québec de la Rive-Sud, soupçonnés de camoufler des postes de police chinois clandestins destinés à surveiller et intimider la diaspora sur le sol québécois. Les deux organismes ont annoncé publiquement qu’ils poursuivaient la police fédérale en diffamation au mois de mars dernier, mais récemment, ils ont accepté de suspendre leur poursuite pour neuf mois, le temps que l’enquête criminelle se poursuive.

Dans le cadre de sa nouvelle campagne de sensibilisations, la GRC a par ailleurs diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo en mandarin, mardi. La police fédérale dit avoir reçu quatre signalements jugés crédibles sur d’autres actes d’ingérence étrangère après sa publication.

Des cas de membres de la diaspora intimidés ont fait la manchette ailleurs au pays ces dernières années. En 2020, des documents judiciaires déposés aux États-Unis dans le cadre du procès d’un suspect arrêté au cours d’une opération de contre-espionnage révélaient que l’accusé avait admis être venu au Canada pour rencontrer un diplomate chinois chargé de coordonner une campagne d’intimidation visant des fugitifs qui avaient quitté la Chine et s’étaient réfugiés en Amérique du Nord.

L’histoire jusqu’ici

Mars 2023 : La GRC confirme enquêter sur deux postes de police chinois clandestins sur le sol québécois, après la publication d’un rapport de l’ONG Safeguard Defenders qui détaillait la présence de telles installations dans plusieurs pays.

Avril 2024 : Un document du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) déposé à la Commission sur l’ingérence étrangère affirme que les agents chinois sont capables d’opérer sur le sol canadien, car il y a « peu de conséquences juridiques ou politiques » pour eux.

Mai 2024 : Dans son rapport intermédiaire, la Commission d’enquête sur l’ingérence étrangère confirme que les élections fédérales de 2019 et de 2021 ont bel et bien fait l’objet d’ingérence étrangère. La Chine est la plus active en la matière et pratique la « répression transnationale », selon le rapport.

Juillet 2024 : La GRC reçoit plusieurs plaintes de membres de la diaspora chinoise qui se disent intimidés, harcelés ou menacés par des représentants du Parti communiste chinois.