Westmount Un promoteur proche des Hells et une famille sans histoire ciblés par des tirs

Une famille de Westmount a eu toute une frousse quand des tirs ont visé sa demeure dans la nuit du 14 au 15 juin dernier, vraisemblablement par erreur. Dans les mêmes heures, des coups de feu ont aussi atteint la maison de son voisin d’en face, un promoteur proche du crime organisé qui a fait l’objet d’une perquisition l’an dernier lors d’une frappe contre des Hells Angels.

« Quand la police est venue en face aussi, des agents ont dit : “C’est bon signe pour vous, peut-être qu’ils vous ont ciblés par erreur” », dit la mère de famille, qui habite rue Surrey Gardens. Son conjoint et elle ont demandé à conserver l’anonymat « pour protéger leur vie privée ».

Le 15 juin, la police a trouvé des douilles et des débris de projectiles chez eux, mais aussi de l’autre côté de la rue, chez Rhéal Dallaire, un homme d’affaires qui traîne un lourd passé criminel et multiplie les liens avec la pègre.

Chez lui, « il y a eu au moins trois impacts de projectiles au niveau du garage », dit la porte-parole de la police de Montréal, Sabrina Gauthier. Des tirs ont également abouti dans un véhicule à l’intérieur.

« L’enquête va déterminer si les deux évènements sont liés l’un à l’autre », ajoute l’agente.

En face de chez Dallaire, les parents ont entendu des coups de feu en pleine nuit, vers 2 h 30 du matin. « C’était fort ! dit la mère. Mais on n’était pas certains de ce que c’était. Nous ne sommes pas habitués d’entendre ça, et j’étais à moitié endormie… »

« Elle a eu peur ! »

Ce n’est que le lendemain matin qu’ils ont réalisé que les tirs avaient atteint leur demeure en voyant les trous dans la porte, des douilles, et une balle ayant traversé un conduit de ventilation, dans le salon.

Les enfants ont vécu des émotions fortes. « Elle a eu peur ! », dit la mère en montrant l’une de ses filles, âgée de 13 ans.

Elle montre à La Presse les trois trous à travers le cadre de la porte-fenêtre avant de leur maison. L’une des balles s’est logée à l’intérieur, dans un conduit de ventilation au plafond de leur salon.

Arrivée au Québec en 2019 de Pékin, la famille semble inquiète.

« Nous avons ressenti la merveilleuse paix de Montréal pendant nos trois années à Kirkland. Nous n’avons même pas perdu une pelle, dit le père de famille. Mais depuis deux ans que nous sommes à Westmount, nous avons non seulement perdu des pelles et des vélos, mais nous nous sommes aussi fait tirer dessus de façon inexplicable. »

« Ridicule », dit Dallaire

La Presse a aussi rencontré Rhéal Dallaire en face, chez lui. Il a formellement nié que des tirs avaient eu lieu à son domicile. « C’est tellement pas vrai, c’est ridicule », a-t-il assuré le 27 juin.

Une voiture de patrouille est pourtant venue inspecter les lieux le 15 juin en soirée, après un appel d’urgence, selon les informations de la police.

Ce n’est pas la première fois qu’une propriété du promoteur est la cible d’un attentat. En mai 2019, un proche des gangs de rue a écopé de trois ans de prison pour avoir réduit en cendres le chalet de Dallaire à L’Estérel.

Jerry Domond avait admis avoir incendié la propriété à l’aide d’accélérants. Une commande d’un tiers, qu’il n’a jamais identifié.

Perquisitions à la maison et au bureau

En mars 2023, la Sûreté du Québec (SQ) a perquisitionné dans le domicile de Dallaire visé par les tirs à Westmount. L’opération antidrogue visait notamment des dirigeants des Hells Angels comme Martin Robert et Stéphane Plouffe, ainsi que Francesco Del Balso, un ex-membre de la mafia assassiné depuis.

La police s’est aussi rendue dans les bureaux des entreprises de sa conjointe, Isabelle Gagnon, rue Peel, dans le centre-ville de Montréal.

Les enquêteurs y ont saisi des documents fiscaux au nom de l’un des membres les plus influents des Hells Angels, Martin Robert, selon une liste annexée à un jugement autorisant la SQ à conserver les biens saisis.

Ils ont également trouvé dans son bureau des documents concernant des milliers de dollars en paiements à l’un des bras droits de Robert, John Fuoco, et une lettre indiquant qu’il travaille pour une entreprise d’Isabelle Gagnon.

Chez Dallaire à Westmount, la police a notamment saisi des liasses d’argent et une douzaine de montres de luxe, d’une valeur de plus de 250 000 $.

« C’est complètement normal pour nous d’avoir de la liquidité dans des enveloppes », assure le promoteur à La Presse. L’argent provient du loyer de locataires, explique-t-il.

Dallaire assure que la police lui a remis tous les objets saisis.

Aucune accusation n’a encore été déposée dans cette affaire.

En 2019, le promoteur a vendu quatre terrains vacants au cochef mafieux Leonardo Rizzuto. Son acolyte Stefano Sollecito habite une maison appartenant à l’entreprise de la conjointe de Dallaire, Isabelle Gagnon.

Dans les années 1990, le promoteur a enchaîné les peines de prison pour trafic de drogue, escroquerie, fraude, extorsion, vol et voies de fait, notamment.

Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse