La police vient d’obtenir une ordonnance de blocage visant un centre de jardinage de Saint-Lin–Laurentides soupçonné de servir de plaque tournante à des producteurs illégaux de cannabis à grande échelle qui ont recours à un matériel sophistiqué, des portes dérobées, des trompe-l’œil et des certificats d’autorisation de Santé Canada pour confondre les autorités.

Il s’agit de la Jardinerie du Carrefour, située sur la route 335, à laquelle seraient reliés cinq des individus visés par une enquête de l’Unité des produits de la criminalité du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Outre le centre de jardinage, cinq autres propriétés situées à Saint-Lin–Laurentides, à Saint-Calixte et à Sainte-Marcelline-de-Kildare sont visées par des ordonnances de blocage, pour une valeur totale de près de 3 millions.

Les autorités voudraient confisquer ces propriétés à titre de biens infractionnels, c’est-à-dire qui auraient été utilisés pour commettre un crime.

Cinq fois plus de plants que le maximum autorisé

Selon des documents judiciaires obtenus par La Presse, sept suspects visés par cette enquête possédaient des certificats d’autorisation de production de cannabis à des fins personnelles et médicales délivrés par Santé Canada leur permettant de faire pousser, au total, 734 plants.

Or, durant des perquisitions effectuées par les enquêteurs dans les 6 propriétés visées par des ordonnances de blocage, on a mis la main, au total, sur 4132 plants de marijuana et 560 livres (environ 250 kilogrammes) de cannabis.

PHOTO TIRÉE D’UNE ORDONNANCE DE BLOCAGE

Une des nombreuses pièces remplies de plants de cannabis découvertes par les policiers

Sept certificats de production à des fins personnelles et médicales ont été délivrés par Santé Canada aux suspects dans ce dossier, les 31 janvier et 8 mai 2024, et ils ont tous été signés par le même infirmier ayant un permis de l’Ontario et utilisant un numéro de téléphone de Montréal correspondant à un site internet de cannabis médical sur lequel il est possible de faire une demande en ligne.

Cafétéria et fumoir

Plus de 2500 plants ont été découverts dans la même propriété, comprenant une résidence et deux anciennes écuries, rue du Rossignol à Saint-Lin–Laurentides.

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Ce qui attendait les policiers dans l’une des deux anciennes écuries de la propriété.

Les deux anciennes écuries ont été transformées pour la production de cannabis à une échelle industrielle, peut-on lire dans les documents.

« L’endroit comporte plus de douze pièces sur deux étages […]. Dix pièces servent uniquement à la production avec une pièce dédiée à la production de bébés plants et de plants mères. Toutes les pièces de production sont confectionnées de la même manière, avec un système de production par stades de croissance sophistiqué.

« La porte d’entrée pour ce bâtiment est sécurisée avec une poignée de porte à code. Sur le mur extérieur se trouve un cendrier en acier inoxydable pour les gens qui travaillent à l’endroit. En entrant dans ce bâtiment, on retrouve un petit coin de type cafétéria avec frigo contenant des repas et bouteilles de Gatorade, un four micro-ondes ainsi qu’une machine à café », décrit un enquêteur.

Trappe et trompe-l’œil

Une surprise attendait également les enquêteurs dans le garage d’une résidence de la rue Sansoucy à Saint-Lin–Laurentides.

PHOTOS TIRÉES D’UNE ORDONNANCE DE BLOCAGE

Cet escalier menant au sous-sol, dans lequel se trouvaient d’autres plants de cannabis, était accessible par une trappe cachée sous un tapis, dans une résidence de la rue Sansoucy à Saint-Lin–Laurentides.

« Un tapis cachait une trappe automatique qui se soulève pour se rendre au sous-sol. […] Un remonte-charge artisanal a été fait de façon à faciliter la remontée du cannabis cultivé. Une fois au sous-sol, on y retrouve plusieurs salles de croissance à différents stades de floraison. Le système d’éclairage sophistiqué est muni d’un mécanisme de poulies qui monte et descend de façon à ajuster la chaleur », poursuit l’enquêteur du SPVM.

Il fallait être attentif pour découvrir des plants de marijuana dans une résidence de la 3e rue du Lac-Faisan-Bleu, à Sainte-Marcelline-de-Kildare.

PHOTOS TIRÉES D’UNE ORDONNANCE DE BLOCAGE

Le panneau gris (photo de droite) cachait complètement la porte d’une salle de production (photo de gauche). Elle était maintenue en place avec des aimants.

« Le sous-sol possède deux accès aux salles de production de cannabis par des portes verrouillées avec des combinaisons dont une camouflée par une planche de contreplaqué aimantée. Cette planche fait la continuité du mur de manière à cacher la porte pour accéder au sous-sol et tromper l’œil. La clé de la porte du sous-sol à gauche se trouve cachée sous la première marche de l’escalier », peut-on lire dans les documents.

Factures d’électricité salées

Les coûts d’électricité des six propriétés visées par des ordonnances de blocage ont varié de 13 000 $ à 124 000 $ pour l’année 2022-2023 seulement.

Les suspects, notamment ceux reliés à la Jardinerie du Carrefour, n’ont pas encore été accusés ; ils pourraient devoir faire face à des chefs de production et d’exportation de cannabis, et de possession de cannabis dans un but de distribution et de vente.

La Jardinerie du Carrefour a déjà servi de lieu d’approvisionnement en produits destinés à la production de cannabis, selon une décision rendue par un juge en 2016.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.