Jano Vincent n’avait pas l’intention de se suicider quand il a fait un face-à-face mortel sur l’autoroute 50. Il a plutôt dévié de sa voie en tentant d’attraper son éthylomètre tombé à ses pieds. C’est du moins l’hypothèse présentée au jury par la défense mardi.

« Notre thèse, c’est que c’est accidentel, il n’a pas voulu se tuer », a plaidé l’avocat de la défense MRobert Bellefeuille, mardi, au palais de justice de Saint-Jérôme. Après cinq semaines, le procès est en fin de parcours. Les jurés devraient délibérer dans les prochains jours.

Jano Vincent, un homme de 37 ans de Saint-Polycarpe, est accusé du meurtre au second degré de Robert Campion. Le 6 octobre 2019, vers 12 h 30, sa camionnette Ford F-150 a percuté de plein fouet le véhicule récréatif de la victime sur l’autoroute 50 à la hauteur de Grenville-sur-la-Rouge. Robert Campion est mort sur le coup, alors que Jano Vincent a été gravement blessé.

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Robert Campion

Selon la théorie de la Couronne, Jano Vincent a tenté de se suicider en provoquant ce face-à-face. La vie de l’accusé tombait en ruines à l’époque. Il venait d’apprendre que son ex-conjointe avait un nouveau chum. De plus, il était poursuivi par ses parents depuis des années pour des sommes importantes en lien avec la vente d’une maison.

Pour sa défense, Jano Vincent a nié avoir tenté de s’enlever la vie. Ce jour-là, au contraire, sa vie allait « bien ». Il était sur le point de « régler » la poursuite avec ses parents, il avait un nouveau camion et un « bel appartement », a-t-il indiqué.

« J’avais des plans d’avenir, là. Je n’avais aucunement le goût de me suicider le 6 octobre 2019. Plein de belles choses qui s’en venaient », a-t-il témoigné à la fin juin.

Jano Vincent ne garde aucun souvenir de la collision. Il avance toutefois une « hypothèse ». Selon lui, il a probablement dévié de sa voie « involontairement » en raison d’une « distraction ». Il suppose que son éthylomètre pourrait avoir sonné. Il aurait pu l’échapper, puis dévier de sa voie en tentant de le ramasser.

Même si rien dans la preuve n’appuie cette hypothèse, MBellefeuille a mis l’accent sur celle-ci. « Il a échappé [l’appareil]. C’est comme ça qu’il a pu dévier. Il avait pris l’habitude de souffler en roulant. L’accident est accidentel », a plaidé l’avocat de la défense mardi matin.

Également, selon MBellefeuille, il n’est pas « plausible » que Jano Vincent ait voulu se tuer ce jour-là, puisqu’il avait « hâte de voir sa fille ».

Selon la Couronne, Jano Vincent a tenté de se suicider à Grenville, puisqu’il savait que le nouveau chum de son ex-conjointe était un pompier qui pouvait intervenir sur les lieux de la collision.

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À gauche, on peut voir le véhicule récréatif conduit par la victime, Robert Campion. À droite, le Ford F-150 conduit par Jano Vincent.

Au procès, l’ex-conjointe de Jano Vincent a raconté avoir reçu les confidences de l’accusé après sa sortie du coma. « Il m’a dit qu’il voulait s’enlever la vie sur la 50. Qu’il voulait mourir. Qu’il n’en pouvait plus. Il me l’a dit là », a témoigné Julie Léveillé le mois dernier.

Quelques mois après la collision, Jano Vincent a tenté de se suicider en avalant des comprimés. Il avait laissé une lettre de 15 pages dans laquelle il déversait son fiel sur ses parents. « Maintenant, je suis handicapé à cause de vous, parce que je voulais en finir avec ma vie de marde que vous me faisiez vivre », écrit-il.

Cette lettre n’a pas la portée que la Couronne prétend, selon l’accusé. S’il a écrit tout ça, c’est seulement pour « faire plaisir » à son ex-conjointe et pour la « rendre fière ».

« J’ai écrit des choses qu’elle voulait… ce qu’elle me répétait tous les jours. J’ai fait en sorte d’écrire ça pour qu’elle soit contente », a témoigné Jano Vincent dans un contre-interrogatoire serré du procureur de la Couronne MSteve Baribeau, à la fin juin.

La Couronne va plaider mercredi matin.