Un jeune homme de Terrebonne a utilisé une fraude « sophistiquée » et « d’envergure » pour arnaquer pas moins de 154 victimes un peu partout au Canada. Il utilisait des informations achetées sur le dark web et prenait possession des cartes SIM des victimes pour accéder à leurs boîtes courriel et leurs textos. Le montant des escroqueries s’élève à près de 700 000 $.

« Ces crimes ont eu des conséquences personnelles parfois catastrophiques pour plus d’une centaine de victimes identifiées », lit-on dans la décision rendue récemment par le juge Marc-André Dagenais, de la Cour du Québec. Le jeune homme de 24 ans a été condamné à quatre ans de prison. Il a notamment plaidé coupable à des chefs d’accusation de fraude et de vol de courrier.

Westerlin Jean-Pierre, qui est décrit dans le jugement comme le « pivot central du fonctionnement d’un groupe criminel composé de vingt personnes », menait « une opération frauduleuse d’envergure, sophistiquée et qui exploite à leur plein potentiel les faiblesses de la vie numérique moderne ».

Les fraudes faisant autant de victimes sont « peu fréquentes », souligne MGabriel Senécal, procureur de la Couronne.

Biens de luxe

Le type d’arnaque utilisé a permis à Westerlin Jean-Pierre de passer outre l’authentification à deux facteurs, une pratique courante de cybersécurité, et d’avoir accès aux comptes des victimes. Il utilisait ces comptes pour acheter des biens ou de la nourriture sur des plateformes comme Uber Eats.

M. Jean-Pierre appelait les fournisseurs de service téléphonique et se faisait passer pour la victime avec des informations achetées sur le dark web. Il demandait ensuite à ce que les informations de la carte SIM de la victime soient transférées sur une autre, ce qui lui donnait accès aux textos et à la téléphonie de l’accusé.

Selon le magistrat, l’homme menait un style de vie « axé uniquement sur la consommation de biens de luxe ». Il conduisait une Mercedes, s’affichait publiquement avec des liasses de billets et portait des chaussures valant des milliers de dollars. Il se décrivait à l’époque comme un « influenceur ».

S’il menait un tel train de vie, c’était plutôt grâce aux centaines d’informations qu’il a volées. Il profitait entre autres des numéros de cartes de crédit des victimes pour acheter des biens comme de petits électroménagers ou des téléphones cellulaires, pour ensuite les revendre sur l’internet.

C’est entre 2020 et 2021 que Westerlin Jean-Pierre a fait ses victimes, un peu partout au Canada. Il a été arrêté en flagrant délit en Ontario en 2021, puis sa résidence de Terrebonne a été perquisitionnée. Les policiers ont notamment retrouvé de fausses pièces d’identité et des iPhone. Il a aussi été pris à voler du courrier en 2022.

Conséquences sur les victimes

« ​​Une [victime] a vu ses comptes bancaires gelés après qu’ils eurent été vidés. » Ce n’est là qu’une des nombreuses conséquences évoquées dans le jugement. D’autres ont également mentionné avoir consacré de longues semaines à lutter contre les effets des fraudes.

Une autre victime, citée dans le jugement, considère quant à elle « que la fraude a mis en péril la sécurité financière qu’elle cherchait à offrir à ses trois enfants, les privant de nourriture et des autres biens de première nécessité qu’ils méritaient ».

Des entreprises ont aussi été touchées par la fraude ; elles ont indiqué avoir instauré des mesures préventives pour se protéger de tels crimes à l’avenir.

Facteurs aggravants

Pour arriver à une peine de 42 mois de pénitencier, le juge a notamment retenu comme facteur aggravant le caractère sophistiqué de la fraude, la quantité de personnes arnaquées et le caractère « intrusif » du stratagème dans la vie des victimes.

Le magistrat souligne aussi « les conséquences économiques et psychologiques majeures pour les victimes ». Il ajoute que les victimes ont eu des conséquences « parfois irréparables » sur leur identité numérique.

« Ce jugement met l’accent sur l’impact des crimes économiques sur les victimes », indique pour sa part MGabriel Senécal.

Le tribunal a toutefois accordé une importance limitée aux regrets exprimés par le délinquant à l’égard des victimes. « S’il reconnaît les gestes posés, le délinquant a tendance à les minimiser », souligne le juge.

Ce dernier a également tenu à rappeler que le fait qu’il s’agissait d’une première infraction était d’une « moindre importance », puisqu’il est question d’un dossier de fraude.