En 20 ans, l’Université de Sherbrooke a réussi à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 77 %, malgré une croissance importante de son parc immobilier et de sa population étudiante. Gros plan sur la recette verte de cet établissement universitaire de l’Estrie.

(Sherbrooke) L’Université de Sherbrooke, c’est l’équivalent d’une ville d’environ 40 000 habitants, lance Denyse Rémillard, vice-rectrice à l’administration et au développement durable de l’établissement. Une ville avec des rues, des bâtiments, des espaces de stationnement et un va-et-vient constant pendant une bonne partie de l’année.

Même si une université n’est pas exactement une ville, l’Université de Sherbrooke (UdeS) a dû faire face à certains défis qui font l’objet de vifs débats dans plusieurs municipalités au Québec. C’est le cas notamment pour les enjeux touchant les transports et les espaces de stationnement sur le campus.

En 20 ans, l’UdeS a vu sa population étudiante augmenter de 59 % tandis que le parc immobilier a connu une hausse de 52 %. Pendant la même période, l’établissement a réussi à conserver le même parc de stationnement sans ajouter de nouvelles cases, malgré la hausse appréciable de la communauté universitaire. Une stratégie qui n’a pas fait que des heureux, du moins au départ, reconnaît Patrice Cordeau, vice-recteur adjoint au développement durable.

« On a décidé d’augmenter les tarifs de stationnement, mais tout en offrant un rabais à nos employés pour le transport en commun et un accès presque gratuit pour les étudiants. On arrive bon an, mal an à conserver le même nombre de places de stationnement », précise M. Cordeau.

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Un espace vert avec un étang a été aménagé là où se trouvait un espace de stationnement devant le pavillon abritant le rectorat de l’université.

Devant le pavillon où se trouve le rectorat, Patrice Cordeau nous montre d’ailleurs un étang qui a été aménagé là où se trouvait auparavant un stationnement. « Ça nous a aussi permis d’améliorer la biodiversité sur le campus et les gens peuvent profiter de ces espaces », ajoute-t-il.

Chauffage et climatisation

Avec aujourd’hui 80 bâtiments répartis sur trois sites, l’Université de Sherbrooke doit également jongler avec plusieurs défis pour chauffer et climatiser son parc immobilier. Si les nouvelles constructions sont conçues pour être carboneutres, entre autres grâce à la géothermie, le défi est différent pour les édifices moins récents.

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Le centre opérationnel où l’on gère le chauffage et la climatisation des bâtiments situés sur le campus principal

Au campus principal, le chauffage et la climatisation sont gérés à partir d’un centre opérationnel. « Ici, rien ne se perd, rien ne se crée », lance l’opérateur Martin Côté, qui souligne que le système fonctionne notamment grâce à des boucles de chaleur. On récupère ainsi la chaleur excédentaire d’un endroit pour l’envoyer dans un autre bâtiment, tout ça grâce à un réseau de conduits qui fait en tout 3,5 km sous le campus.

En 2003, les émissions liées à la consommation d’énergie totalisaient 15 594 tonnes en équivalent de CO2. Ces émissions ont fondu à 3583 tonnes pour l’année 2022-2023. Denyse Rémillard et Patrice Cordeau signalent qu’il est encore possible de réduire les émissions d’environ 10 %, mais guère plus. Les émissions restantes sont compensées grâce à des achats de titres servant à financer des projets de réduction de GES.

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Le réseau de conduits qui permet de chauffer et de climatiser les bâtiments du campus principal fait en tout 3,5 km.

Éliminer toutes les émissions sans les compenser nécessiterait de les capter, avance Mme Rémillard. « Dans notre comité carboneutralité, on a une équipe qui essaie d’imaginer des solutions pour la captation du carbone avec nos chercheurs. »

Selon Patrice Cordeau, l’Université de Sherbrooke est l’un des rares établissements universitaires dans le monde à être carboneutre. « On est fiers de nos résultats. Les gens sont engagés, tant les étudiants que le personnel », ajoute Denyse Rémillard.

En janvier dernier, l’UdeS a d’ailleurs décroché la première place, dans la catégorie des établissements universitaires, au réputé classement international STARS, une norme qui évalue la performance des organisations en matière de développement durable.

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Patrice Cordeau, vice-recteur adjoint au développement durable de l’Université de Sherbrooke

Avec cette première position, on a des demandes de partout dans le monde. On veut connaître notre recette.

Patrice Cordeau, vice-recteur adjoint au développement durable de l’Université de Sherbrooke

Et quels sont les ingrédients de cette recette ? Mme Rémillard estime que la création d’un poste de vice-recteur au développement durable « est un élément clé, ça place ces considérations-là à l’agenda ». C’est aussi toute la direction de l’université qui porte le développement durable, dont les objectifs font partie du plan stratégique, précise-t-elle.

« Le fait qu’on a commencé il y a 20 ans nous donne une longueur d’avance », reconnaît-elle, ce qui a permis de mieux gérer l’intégration des différents projets et leur acceptabilité sociale auprès de la communauté universitaire.

La direction de l’Université de Sherbrooke n’a pas pour autant l’intention de dormir sur ses lauriers. Pour la vice-rectrice et son adjoint, des améliorations peuvent encore être apportées pour réduire le bilan carbone. On envisage déjà d’évaluer les pratiques du côté du numérique, gros consommateur d’énergie.

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En chiffres

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L’Université de Sherbrooke possède le plus important parc solaire consacré à la recherche au Canada.

  • 4055 tonnes de GES en 2022-2023 (émissions totales)
  • Réduction de la consommation d’eau de 78 % sur le campus principal depuis l’an 2000
  • Le parc solaire de l’université assure approximativement 15 % de l’électricité consommée au campus principal à Sherbrooke.