Le dernier campement propalestinien au Québec n’est plus. Soixante-quinze jours après l’apparition des premières tentes, le campement de l’Université McGill a été démantelé mercredi par une firme de sécurité privée.

Ici, des bâches entassées au sol. Là, une chaise de camping renversée et une glacière abandonnée.

Il ne restait déjà plus grand-chose du campement propalestinien lorsqu’il s’est mis à pleuvoir des cordes en début d’après-midi, mercredi.

Les derniers manifestants avaient été escortés à l’extérieur peu avant, laissant la voie libre aux travailleurs embauchés par l’Université pour nettoyer le terrain.

C’est une firme de sécurité privée qui a reçu la tâche de démanteler le campement érigé il y a plus de dix semaines.

Dans un communiqué, le recteur de l’Université McGill, Deep Saini, a justifié son démantèlement par la « menace de plus en plus importante pour la santé et la sécurité » qu’il posait.

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Le recteur de l’Université McGill, Deep Saini

Le démantèlement du campement marque une étape importante vers le retour à un climat sain sur le campus, un climat propice à l’enseignement, à l’apprentissage et à la recherche.

Deep Saini, recteur de l’Université McGill, dans un communiqué

L’Université semblait jusqu’alors avoir épuisé tous les moyens pour démanteler le campement. Encore la semaine dernière, elle avait demandé l’assistance de la police pour une énième fois, sans succès.

Les manifestants ont accusé mercredi l’administration d’avoir dépensé « des milliers de dollars » pour embaucher « leur propre service de sécurité pour agresser et expulser de force ses propres étudiants ».

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Un agent de la firme Sirco lors du démantèlement

« Ils ont fait tout ça à la place de se désinvestir de fonds qui participent activement au génocide », a déclaré un représentant du campement en point de presse, mercredi après-midi.

Une rentrée « calme »

C’est donc dire que le dernier campement palestinien au Québec n’est plus.

Les campements restants au square Victoria et à l’Université Sherbrooke avaient été démantelés au cours des derniers jours.

En mêlée de presse, la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, s’est réjouie du dénouement de l’opération.

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Un homme demeure assis parmi la machinerie.

Elle a mentionné que la situation s’était envenimée au cours des dernières semaines, évoquant « des actes de vandalisme, des actes antisémites » qui, à son avis, « ont largement dépassé la liberté d’expression ».

Appelant à une rentrée « calme », elle a déploré la détérioration de l’atmosphère sur les campus, qui serait devenue « toxique ».

Haute surveillance policière

La pluie qui s’abattait sur Montréal n’a pas empêché plus d’une cinquantaine de personnes de manifester contre le démantèlement.

Sur place, plusieurs scandaient des slogans propalestiniens et entonnaient des chansons militantes.

Ghassan Boubez, médecin au CHUM rencontré sur place, s’est dit « fâché » que le camp ait été démantelé. « C’est d’une très grande tristesse », se désolait-il.

Il y a une tuerie, un massacre. Qui va s’exprimer si les étudiants ne peuvent pas ?

Ghassan Boubez, médecin au CHUM

Zaina Karim se trouvait près du campement lorsque la trentaine de manifestants qui dormaient à l’intérieur ont été réveillés par des agents de sécurité.

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Plus d’une centaine d’agents du Service de police de la Ville de Montréal et de la Sûreté du Québec ont été dépêchés près du campement en cas de débordement.

« Il y en a qui ont refusé de quitter, il y en a qui ont été escortés de force », a raconté l’étudiante d’origine palestinienne.

« Le mouvement ne finit pas avec les campements », a-t-elle plaidé, ajoutant que plus l’Université tente de « faire taire les étudiants, plus elle les motive à continuer ».

Les manifestants regrettent-ils d’avoir refusé la dernière offre de l’Université d’examiner ses placements dans des fabricants d’armes maintenant qu’ils ont perdu leur principal levier ?

« Il n’y avait rien de [concret] dans cette offre, alors non, ce n’est pas une perte », a rétorqué l’étudiante.

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Le démantèlement s’est somme toute déroulé dans le calme.

Plus d’une centaine d’agents du Service de police de la Ville de Montréal et de la Sûreté du Québec avaient été dépêchés sur place en cas de débordement.

Un jeune homme de 21 ans a été arrêté pour voie de fait sur un agent de sécurité. Somme toute, le démantèlement s’est déroulé dans le calme.

Un démantèlement « urgent »

L’administration de McGill avait embauché au préalable une firme chargée d’enquêter sur les activités se déroulant à l’intérieur du campement.

« Devant les constats de cette firme, l’Université a estimé qu’il était urgent de procéder au démantèlement », a indiqué le recteur, Deep Saini.

La présence de seringues et la vente de narcotiques sur les lieux étaient notamment citées. « C’est absolument ridicule », a répondu Zeyad Abisaab, coordonnateur de la section de Concordia de Solidarité pour les droits de l’homme palestiniens.

L’étudiant a reproché à l’Université de « vouloir faire mal paraître ses étudiants » en diffusant ces « mensonges. »

« McGill a utilisé des photos de seringues de l’extérieur […] et a prétendu qu’elles étaient à l’intérieur du camp », a soutenu un autre représentant du mouvement étudiant.

Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes a salué le fait que l’Université McGill prenne des mesures pour « donner la priorité à la sécurité et au bien-être de sa communauté universitaire, et pour mettre fin à la toxicité, à la glorification haineuse du terrorisme et au ciblage des étudiants juifs sur le campus ».

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« Depuis des mois, nous dénonçons l’antisémitisme haineux et l’escalade des comportements au campement de McGill », a déploré l’organisation dans une déclaration commune avec la Fédération CJA.