Un homme âgé en lourde perte d’autonomie habitant au CHSLD Saint-Alexandre à Thetford Mines est mort après avoir été violemment battu par un autre résident à la fin du mois de juin, a appris La Presse. Deux syndicats de travailleurs de la santé de la région affirment qu’ils demandaient depuis un an des changements dans l’unité où s’est produit le drame, qui compte selon eux trop de résidents et de cas complexes.

« La tragédie aurait pu être évitée si on avait écouté les salariés », affirme la présidente du Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches (SPSCA-FIQ), Carole Mercier.

En effectuant sa tournée le 18 juin peu avant 23 h dans l’unité prothétique du CHSLD Saint-Alexandre, un préposé aux bénéficiaires aurait réalisé qu’un résident ne se trouvait pas dans sa chambre. L’employé l’aurait retrouvé dans la chambre d’un autre résident de l’unité. En arrivant sur place, le préposé aurait aperçu ce résident qui battait sauvagement le premier homme. « Il y avait du sang partout sur les murs », affirme Mme Mercier.

L’unité prothétique du CHSLD Saint-Alexandre accueille 27 patients atteints de démence et de troubles cognitifs.

C’est très gros. Normalement, ce genre d’unité compte une douzaine de patients.

Carole Mercier, présidente du SPSCA-FIQ

Au moment du drame, un seul préposé aux bénéficiaires et un agent d’intervention se trouvaient dans l’unité, selon Karine Hudon, présidente locale du Syndicat québécois des employées et employés de service (SQEES-FTQ). Ce qui n’est « vraiment pas beaucoup », selon elle.

Trop de patients et de cas complexes

Mmes Hudon et Mercier affirment que depuis un an, des travailleurs du CHSLD Saint-Alexandre dénonçaient la trop grande taille de l’unité prothétique et le fait que des cas trop lourds s’y retrouvent parfois.

Mme Hudon ajoute que dans tout le territoire de Chaudière-Appalaches, deux « unités des troubles perturbateurs » sont destinées à accueillir les patients plus imprévisibles. Ces unités sont souvent pleines, si bien que certains résidents se retrouvent ailleurs, par exemple dans l’unité prothétique du CHSLD Saint-Alexandre. « On dénonce cette situation depuis un an », dit Mme Hudon.

Une enquête du coroner est en cours pour faire la lumière sur les évènements. Porte-parole de la Sûreté du Québec, Marithé Bolduc confirme qu’une enquête est aussi en cours du côté policier pour « déterminer les causes et les circonstances du décès d’un homme » au CHSLD Saint-Alexandre.

Le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Chaudière-Appalaches n’a pas voulu commenter en détail la situation pour des raisons de confidentialité des dossiers. La porte-parole, Jessica Poiré, confirme toutefois par courriel que l’établissement est bien au fait « des enjeux d’espaces » dans l’unité prothétique du CHSLD Saint-Alexandre et que celle-ci « doit effectivement être revue afin de diminuer le nombre de résidents à un nombre plus petit ».

Des démarches de « réaménagement physique » sont en cours depuis janvier 2024 et « devraient prendre encore quelques mois ». « L’objectif de ces travaux est de créer deux unités de 12 lits dans des espaces séparés », indique Mme Poiré. Des travaux ont également été réalisés dans « l’unité des troubles perturbateurs » du CHSLD Saint-Alexandre.

Avec le vieillissement de la population et le nombre insuffisant de places en CHSLD, les résidents errants représentent une partie de plus en plus significative de nos résidents, ce qui fait en sorte que nous devons réévaluer le nombre de lits disponibles pour cette clientèle.

Jessica Poiré, porte-parole du CISSS de Chaudière-Appalaches

« Aussi, avance Mme Poiré, il faut réfléchir à nos unités de façon à séparer, par exemple, les résidents qui font de l’errance invasive de ceux qui présentent des comportements plus territoriaux. »

« D’une tristesse infinie »

Mme Mercier regrette pour sa part qu’on ait pris trop de temps avant de procéder à des changements dans l’unité prothétique. « Mourir d’une pneumonie, c’est une chose. Mais mourir tabassé sans pouvoir appeler à l’aide, c’est d’une tristesse infinie », dit-elle.

Par ailleurs, un autre résident de CHSLD, âgé de 88 ans, est mort après avoir été poussé par un voisin de chambre dans la dernière année, a révélé le journal Le Quotidien, vendredi. Les évènements se sont produits en février au CHSLD de Bagotville.

Dans un rapport publié le 6 juin, la coroner Monique Tremblay écrit que le résident agresseur « était bien bâti, solide sur ses jambes et rapide dans ses mouvements. Le personnel notait que ce résident était imprévisible, son attitude et son humeur pouvaient changer rapidement. Il semble même que les employés du CHSLD avaient peur de ce résident et avaient dénoncé ses comportements violents ».

La coroner a recommandé au CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean de « mettre en place des mesures additionnelles d’intervention afin d’assurer la sécurité des personnes vulnérables qui vivent avec des personnes en situation de perte cognitive et présentant des antécédents de violence et d’agressivité ».