Tous les jours, un nouveau drapeau canadien est hissé sur la tour de la Paix de la colline du Parlement. Les résidents canadiens qui désirent obtenir un unifolié qui y a flotté peuvent s’inscrire sur une liste d’attente… de plus de 100 ans.

En date du 25 juin, 58 000 demandes étaient actives pour obtenir un drapeau de la tour de la Paix.

« Pourquoi est-ce si populaire ? Je ne sais pas. Mais j’ai eu la chance d’en avoir un et je n’ai pas eu à attendre 100 ans », se réjouit le Manitobain Warren Otto, qui a tout de même dû patienter 14 ans avant de recevoir le sien à la suite d’une visite à Ottawa avec ses enfants à l’été 2005.

PHOTO FOURNIE PAR WARREN OTTO

Warren Otto et sa fille Ashleigh lors de leur visite à Ottawa en 2005. Ce jour-là, ils ont visité la colline du Parlement et ont appris, par la bouche du guide, qu’ils pouvaient faire une demande pour le drapeau de la tour de la Paix.

Depuis, le temps d’attente a explosé, notamment en raison de la popularité du programme sur les réseaux sociaux.

Le drapeau de Warren Otto a été hissé sur la tour de la Paix le 19 avril 2019. Le lendemain, comme à l’habitude, un officier du mât a monté les 141 marches vers le sommet de la tour pour remplacer le drapeau. « Les bonnes journées, l’ascenseur fonctionne encore », plaisante le responsable du changement de drapeau, Robert Labonté.

Les gens sont prêts à attendre tellement longtemps. Ça montre à quel point c’est important, pour ces gens-là, le drapeau, le symbole, ce que ça représente.

Robert Labonté, responsable du changement de drapeau

Une fois le drapeau changé sur le mât, l’officier du mât a transporté l’unifolié de Warren Otto jusqu’au sous-sol, sans jamais qu’il touche le sol, en signe de respect. Il a ensuite été suspendu sur une corde à linge, avant d’être plié, identifié et envoyé à Warren Otto par la poste la semaine suivante.

Cette routine se répète tous les jours ouvrables, lorsque les conditions météorologiques le permettent. Le drapeau de la tour de la Paix est fidèlement remplacé en début de matinée pour que chaque unifolié passe le même temps sur le mât.

Le rituel d’une vingtaine de minutes impressionne toujours Robert Labonté, même après 14 ans en poste. Le haut de la tour offre un point de vue privilégié pour admirer les levers de soleil et les volées d’outardes. « Chaque saison offre son petit spectacle, » dit M. Labonté.

PHOTO FOURNIE PAR ROBERT LABONTÉ

Robert Labonté lors du changement du drapeau de la tour de la Paix

Robert Labonté s’estime chanceux d’être la personne en coulisse qui permet aux citoyens de recevoir « leur petite partie de l’histoire ». « C’est vraiment un honneur. »

Une tradition qui vaut cher

Warren Otto a fièrement accroché son drapeau au plafond de la quincaillerie Home Hardware de la communauté francophone de Lorette, au Manitoba.

PHOTO FOURNIE PAR LE HOME HARDWARE DE LORETTE

Le drapeau de Warren Otto, qui mesure 2,3 m x 4,6 m, accroché au plafond du Home Hardware.

« Je voulais le partager avec d’autres personnes. Ça ne sert à rien de le mettre dans une boîte pour le mettre dans le placard. » Warren Otto a même créé un groupe Facebook pour que les propriétaires de drapeaux parlementaires puissent raconter l’histoire du leur et indiquer où il se trouve.

Outre le drapeau de la tour de la Paix, quatre autres drapeaux canadiens volent habituellement sur les édifices de l’Est et de l’Ouest de la colline du Parlement. Ceux-ci sont remplacés une fois par semaine. Au total, environ 450 drapeaux sont distribués à des résidents chaque année.

« Quand on fait flotter un drapeau, il faut toujours s’assurer qu’il est en bon état », explique Robert Labonté.

Lorsque le programme de distribution de drapeaux a été lancé, en 1994, tous les drapeaux de la colline étaient remplacés une fois par semaine. C’est au début des années 2000, en raison de la popularité croissante du programme, que le drapeau de la tour de la Paix a commencé à être changé quotidiennement pour tenter de répondre à la demande.

Environ 100 000 noms figurent toujours sur les listes d’attente pour tous les drapeaux. On honore actuellement les demandes de juin 2008 pour le drapeau de la tour de la Paix et de décembre 2011 pour ceux des autres édifices.

Les drapeaux parlementaires sont fabriqués dans la ville de Québec. Et ce n’est pas donné. Durant l’exercice financier 2023-2024, le ministère des Services publics et de l’Approvisionnement a dépensé quelque 43 000 $ pour les drapeaux de la tour de la Paix.

Attendre un siècle pour un drapeau en vaut peut-être le prix.

Le saviez-vous ?

Le site web de Patrimoine canadien détaille l’étiquette à suivre pour traiter l’unifolié avec « égard et respect ».

Lorsqu’un drapeau canadien est délavé, troué, déchiré ou effiloché, un bon citoyen se doit de le détruire « de manière digne et convenable ». Les drapeaux en fibres naturelles doivent être brûlés, sans cérémonie, tandis que ceux qui sont faits de fibres synthétiques doivent être coupés en bandes de même couleur, mis dans un sac et jetés.

De plus, le drapeau canadien devrait toujours être déployé de manière à refléter sa « qualité d’emblème national ». Il ne doit pas être utilisé comme une nappe ou un rideau, ni porté comme une cape. Il ne devrait même pas être signé ou cousu. Et ce, que le drapeau soit fait de papier, de tissu ou d’un autre matériau.