Après 27 ans dans son logement du quartier Saint-Michel, à Montréal, Mario Lortie est victime d’une éviction et doit quitter les lieux pour le 1er juillet, alors qu’il n’a pas trouvé de nouveau toit.

Cette situation cause beaucoup d’anxiété à l’homme de 62 ans, même s’il est épaulé par le service d’aide d’urgence de la Ville de Montréal.

« Mon moral, ça ne va pas fort », dit-il, alors qu’il reçoit La Presse dans son appartement encombré de boîtes. « Des fois, je me tiens la tête entre les mains tellement je suis découragé. Ça m’empêche de dormir quand je pense à ce qui m’attend. »

Ce qui l’attend, dans l’immédiat, c’est une chambre dans un hôtel du centre-ville et un espace d’entreposage pour ses biens, offerts par le programme d’urgence de l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM).

Appel infructueux

Mais il y a quelques mois, M. Lortie craignait d’être laissé à lui-même et de devenir sans-abri : lors de son premier appel à l’OMHM, en mars dernier, on lui aurait répondu qu’on ne pouvait rien faire pour lui.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Mario Lortie devra quitter l’appartement qu’il habite depuis 27 ans le 1er juillet

Je me voyais à la rue, je me disais que j’allais dormir dans le métro. C’est une période très angoissante.

Mario Lortie

Mario Lortie vit de l’aide sociale depuis que des problèmes de santé l’ont obligé à quitter son emploi de travailleur social. Le loyer mensuel de son quatre et demie est de 535 $.

Éviction

Ses déboires ont commencé lorsque le duplex, dont il occupe le deuxième étage, a été vendu en 2022. Le nouveau propriétaire lui a signifié qu’il voulait transformer l’immeuble en maison unifamiliale. De telles transformations sont maintenant interdites dans certains arrondissements, mais dans Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, elles sont permises si la superficie totale du nouveau logement ne dépasse pas 200 mètres carrés.

En 2023, le propriétaire lui a envoyé un avis d’éviction, en affirmant vouloir faire des travaux d’agrandissement. Or, son projet ne prévoyait pas l’agrandissement de l’immeuble. M. Lortie a contesté l’avis devant le Tribunal administratif du logement (TAL) et a eu gain de cause.

Ça m’a permis de gagner un an. Le propriétaire m’a offert 10 000 $ pour que je déménage, mais j’ai refusé. Je voyais que, sur le marché, les loyers étaient le double de ce que je payais.

Mario Lortie

Son propriétaire est revenu à la charge cette année ; il lui a envoyé un avis de reprise de logement, en indiquant qu’il souhaitait l’habiter lui-même. Cette fois, le locataire a perdu devant le TAL, obtenant simplement un dédommagement de 2500 $ pour ses frais de déménagement.

Comité logement à la rescousse

Après son premier appel infructueux à l’OMHM, Mario Lortie s’est adressé à plusieurs comités logement pour tenter d’avoir de l’aide, puisqu’il ne trouvait pas de nouveau logement abordable malgré ses recherches. C’est le Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun (CACV) qui est intervenu pour qu’il ait accès à l’aide d’urgence de l’OMHM.

Après analyse de son dossier, on lui a même dit qu’il était admissible à une place en HLM.

La liste d’attente pour un logement en HLM est toutefois longue. « Mais comme je vis une éviction, mon cas devient plus urgent et j’ai peut-être des chances d’avoir une place plus rapidement, dit M. Lortie. Le comité logement est intervenu pour faire valoir ma situation, il m’a vraiment bien soutenu. Une chance que je connaissais un peu les organismes communautaires, une autre personne aurait peut-être baissé les bras et se serait retrouvée à la rue. »

Si un appartement en HLM lui est offert, le locataire n’a pas le choix de l’accepter, même si c’est à l’autre bout de la ville, même s’il s’agit d’un simple studio, ce qui l’inquiète aussi.

« Notre premier ministre, François Legault, ne semble pas conscient de la crise. Il ne vit pas sur la même planète que nous, conclut Mario Lortie. S’il était dans mes souliers, il verrait que ce n’est plus comme avant et que les prix des logements sont exorbitants. »

Près de 2700 ménages toujours sans toit

Dans l’ensemble du Québec, 2681 ménages, épaulés par une quarantaine de services d’aide à la recherche de logement (SARL), n’ont toujours pas trouvé de logement permanent. Les SARL ont traité 8975 requêtes de ménages depuis le 1er janvier 2024, indique la Société d’habitation du Québec (SHQ). On dénombre 98 ménages relogés à l’hôtel et 241 relogés chez un parent ou un ami. C’est pour ces ménages que l’accompagnement des SARL est le plus intense, « pour les aider à trouver une solution durable à leur situation, le plus tôt possible », indique le service des communications de la SHQ. En avril dernier, Québec a annoncé un financement de 7,8 millions pour aider les offices d’habitation et les municipalités à soutenir les ménages dans le besoin en raison de la crise du logement. Les locataires ayant besoin d’aide peuvent communiquer avec le Centre des relations avec la clientèle de la SHQ au 1 800 463-4315. Il sera ouvert 7 jours sur 7 du 15 juin au 14 juillet, y compris le 1er juillet.