Des propriétaires de résidences secondaires louées sur des plateformes de type Airbnb sont frappés de plein fouet par des hausses élevées d’impôt foncier, résultat d’un changement législatif récent.

Ce qu’il faut savoir

Les propriétaires de résidences secondaires offertes en location à court terme sont désormais assujettis à un taux commercial pour l’impôt foncier dans plusieurs municipalités du Québec.

Cette mesure a des conséquences importantes dans les municipalités où le taux commercial est plus élevé que le taux résidentiel.

De nombreux propriétaires envisagent de ne plus louer pour de courtes durées par l’intermédiaire de plateformes de type Airbnb, ou dans certains cas de le faire illégalement, afin d’éviter la hausse d’impôt foncier.

La facture de taxes municipales de ces propriétaires a doublé, triplé ou même quadruplé, ce qui suscite la grogne dans plusieurs municipalités et a même donné lieu à une action en justice aux Îles-de-la-Madeleine.

Untel a vu son impôt foncier bondir de 1200 $ à 5000 $ dans une municipalité des Laurentides. Un autre parle de « 8000 $ de taxes » pour une maison évaluée à 244 000 $ en Mauricie… Les témoignages se multiplient dans les groupes Facebook réunissant des propriétaires de résidences touristiques.

Comment est-ce possible ? Ces propriétaires vivent les contrecoups des changements législatifs mis en place par le gouvernement du Québec à la fin de 2022 pour mieux encadrer l’hébergement touristique.

Une des modifications, passée largement inaperçue, prévoit que les propriétés secondaires louées pour de courtes durées et enregistrées auprès de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ) sont désormais considérées comme commerciales aux fins des lois fiscales québécoises et municipales. Le changement concerne autant les gens qui louent leur chalet quelques jours par année que ceux qui ont plusieurs propriétés qu’ils offrent en permanence sur des plateformes.

Le cas de Gaspé

Puisque beaucoup de municipalités ont des taux de taxation supérieurs pour le commercial, la facture a explosé pour ces propriétaires aux quatre coins du Québec.

« Dans le cas de Gaspé, le taux commercial est 4,4 fois le taux résidentiel. Les comptes de taxes de certains chalets et de résidences touristiques ont carrément quadruplé », relève en entrevue le maire de Gaspé, Daniel Côté.

À Gaspé comme ailleurs, les propriétaires concernés ont pris connaissance des hausses en consultant leur avis d’imposition.

C’est passé sous notre écran radar […] On a compris l’impact en même temps que les premiers comptes de taxes sont sortis auprès de ceux qui font de l’hébergement de courte durée, autour de mars 2024.

Daniel Côté, maire de Gaspé

En tout, 74 propriétés seraient touchées à Gaspé, et le nombre pourrait encore grimper. À la grandeur du Québec, ce sont des centaines, sinon des milliers de propriétaires qui font de la location de courte durée qui sont concernés. Le chiffre est inconnu.

La situation ne semble pas avoir changé à Montréal et à Québec, où ces propriétés étaient soumises à un taux commercial depuis des années déjà.

À Gaspé, les propriétaires devront même payer la hausse de taxe rétroactive pour 2023, ce que déplore le maire Daniel Côté. Il s’agit de factures de plusieurs milliers de dollars.

« Si on avait eu la latitude chez nous, on aurait eu une approche très progressive dans la mise en place de cette nouvelle fiscalité […] Mais c’était strictement impossible de faire quoi que ce soit. La loi dit ça, les évaluateurs appliquent la loi et les élus ne peuvent intervenir dans le travail des évaluateurs. Donc on se retrouve les mains liées avec ces règles-là qu’on n’a pas vues venir. »

Vers une diminution du nombre d’Airbnb ?

Le changement a aussi fait des vagues aux Îles-de-la-Madeleine, où 112 propriétaires ont intenté un recours judiciaire contre la municipalité. Aux Îles, les taxes de ces propriétaires ont triplé. Ils cherchent à faire annuler la hausse.

Dans la requête introductive d’instance, l’avocat des propriétaires note que plusieurs « ont abandonné leur certificat [de la] CITQ pour éviter de payer un taux commercial pour l’année 2024 ».

« D’autres propriétaires, demandeurs en l’instance ou non, ont même préféré vendre leur résidence spécifiquement en raison de cette hausse majeure de leurs taxes foncières », ajoute l’avocat.

Cette hausse de taxes aux Îles a grugé « une très grande partie, voire la totalité » des profits générés par la location de courte durée. « Pour certains, la location de leur résidence les place dans une situation déficitaire », peut-on lire dans le document judiciaire.

L’effet qu’auront ces hausses d’impôt foncier sur les locations à court terme reste à voir. Pour les finances municipales, il s’agit d’un gain.

Lors de la présentation de son budget, la municipalité des Îles-de-la-Madeleine a estimé avoir engrangé 400 000 $ de plus en 2024 grâce au changement réglementaire.

Certains pensent que le prix des nuitées offertes sur des applications de type Airbnb va augmenter, les propriétaires refilant la facture aux clients. « Le prix de location va exploser pour ceux qui vont rester enregistrés ! », a récemment prédit un Madelinot lors d’une séance du conseil.

Certains, et notamment ceux qui ne louaient que quelques jours chaque année, ont déjà annoncé leur intention d’abandonner leur enregistrement auprès de la CITQ et d’arrêter l’hébergement, note le maire de Gaspé.

« D’autres ont évoqué qu’ils le feraient de façon illégale. Ça, je les en dissuade, n’allez pas dans l’illégalité », lance Daniel Côté.

Il espère que ceux qui choisiront d’arrêter l’hébergement de courte durée ne vont pas simplement laisser leurs propriétés secondaires à l’abandon, mais vont considérer la location à long terme à des locataires.

« On n’a jamais rien eu contre le court terme, l’industrie touristique est importante chez nous, dit-il. Mais on est en pénurie sévère de logements. »