Moins de 500 Québécois ont été pris en charge par des infirmières praticiennes spécialisées (IPS) depuis qu’elles ont obtenu le droit d’inscrire des patients à leur nom, à la mi-avril. Un nombre qui apparaît bien peu élevé sachant que 640 000 personnes figurent au guichet d’accès à un médecin de famille.

Ce qu’il faut savoir

  • Les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) peuvent, depuis le 15 avril, inscrire des patients à leur nom, comme le font les médecins de famille.
  • Au 11 juin, 13 IPS avaient pris en charge un total de 482 patients, selon la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).
  • Ce faible nombre s’explique notamment par le fait que ce nouveau type d’inscription n’est permis, pour le moment, que dans les cliniques d’IPS du réseau et non dans les GMF.

En date du 11 juin, 13 IPS avaient inscrit un total de 482 patients, selon la Régie de l’assurance maladie du Québec.

Des chiffres qui n’étonnent pas l’Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec (AIPSQ). Pour le moment, ce nouveau type d’inscription n’est possible que dans les 12 cliniques et points de services d’IPS du réseau. Une trentaine d’IPS y travaillent à temps complet, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

« On attend avec impatience la phase 2 [du projet] pour que les IPS puissent inscrire directement en GMF », dit la présidente de l’AIPSQ, Maude Raymond. Au Québec, 1060 IPS offrent des services de première ligne, d’après le MSSS. « Plus de 80 % sont en GMF », estime-t-elle.

Selon Maude Raymond, un « frein administratif » empêche aussi la prise en charge d’un plus grand nombre de patients : les IPS doivent voir le patient avant de pouvoir l’inscrire.

Les médecins de famille, eux, peuvent recevoir une liste de patients du guichet d’accès et disposent d’un délai maximal d’un an pour offrir une première consultation à une personne jugée vulnérable et de trois ans dans le cas d’un patient non vulnérable.

« Pour les IPS, il n’y a pas ce mécanisme-là, déplore Maude Raymond. Est-ce que le patient a vraiment besoin d’être vu le 14 juin [par exemple] pour son inscription ? On est moins dans la pertinence dans ce temps-là. »

Autre « grosse roche dans le soulier » des IPS de première ligne : elles n’ont pas le pouvoir de faire l’évaluation et le diagnostic de troubles de santé mentale, rappelle Maude Raymond. Si un patient fait une dépression, ces professionnelles doivent se tourner vers un médecin ou une IPS en santé mentale. « Une fois que le plan de traitement est fait, l’IPS peut ajuster la molécule, faire le suivi et renouveler les arrêts de travail », précise-t-elle.

Réactions du ministère de la Santé

Le MSSS indique que le nombre d’inscriptions par des IPS augmentera au fur et à mesure que des cliniques ouvriront – une treizième sera lancée à l’automne dans la Capitale-Nationale – et que les postes y seront pourvus. Selon le MSSS, une « IPS expérimentée qui pratique à temps complet dans une clinique » peut prendre en charge jusqu’à 1000 patients.

Le Ministère dit travailler « en collaboration avec la RAMQ » pour permettre aux IPS de prendre en charge des lots de patients sans visite préalable. « Toutefois, plusieurs étapes demeurent à venir et les échéanciers ne sont pas connus du MSSS à ce moment », écrit-on dans un courriel.

Et l’inscription par des IPS dans les GMF ? Cela deviendra possible « au cours des prochaines phases de déploiement » du projet, répond le Ministère. « Les négociations nécessaires à ce sujet se poursuivent. »

Invitée à réagir, notamment en ce qui a trait à l’inscription de patients par des IPS en GMF, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) n’a pas souhaité commenter « alors que s’amorceront prochainement les négociations avec le gouvernement du Québec sur le renouvellement de l’accord-cadre ». Le syndicat souligne toutefois que l’inscription collective demeure une « avenue essentielle » puisqu’« il manque 1500 médecins de famille au Québec ».

Des enjeux « d’imputabilité », selon la FIQ

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) estime que l’inscription de patients par des IPS est une « bonne reconnaissance » de leur autonomie. Mais cela soulève des questions « d’imputabilité et de responsabilité », selon son vice-président, Jérôme Rousseau. Les IPS sont des salariées et non des travailleuses autonomes comme les médecins, rappelle-t-il.

« Si une IPS, par exemple, doit s’absenter pour une raison de maladie, un congé de maternité ou simplement un changement de poste, comment assure-t-on le suivi des patients qui étaient à son nom ? demande-t-il. Est-ce que c’est la professionnelle qui doit elle-même assurer le suivi ou est-ce l’établissement dans lequel elle travaille ? »

Plus de 31 000 consultations

Les IPS ont offert au moins 31 600 consultations à des patients dans les 12 points de services d’IPS du réseau depuis le lancement des premières cliniques, en décembre 2022, selon des données colligées par La Presse et obtenues auprès des établissements de santé.

Un « ajout bienvenu », mais qui demeure « minime », selon Régis Blais, professeur au département de gestion, d’évaluation et de politique de santé à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. « Toute initiative qui permet de donner un peu d’air au réseau, c’est une bonne chose, dit-il. Mais ce n’est pas la tente à oxygène. »

Des IPS pratiquent à temps complet dans les cliniques. Mais d’autres y travaillent sur une « base volontaire » à raison, par exemple, d’une journée par mois, indiquent des établissements de santé. De nouveaux postes seront ouverts prochainement.