Le risque d’agression envers le personnel d’une succursale Consignaction+ a conduit la CNESST à y ordonner la suspension du transport et de la manipulation d’argent. Par ailleurs, aucun contrat n’a encore été accordé pour la reprise du verre qui y sera récupéré à compter du 1er mars 2025, et les conditionneurs ayant manifesté leur intérêt s’impatientent.

Le lieu de retour de contenants consignés Consignaction+ de Granby a dû suspendre le transport et la manipulation d’argent comptant sur ordre de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), en avril, en raison du « risque d’agression » que courait le personnel.

« Je juge qu’il y a danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique des travailleurs et du personnel cadre », écrit une inspectrice dépêchée sur place le 24 avril dans son rapport d’intervention, que La Presse a obtenu.

La présence de la CNESST faisait suite à une plainte reçue deux jours plus tôt, ainsi qu’à l’article de La Presse, paru le matin même, rapportant cette situation.

Lisez l’article « Contenants consignés : les employés “à risque” lors du transport de l’argent »

« Le transport et la manipulation de l’argent comptant destiné au remplissage du guichet à argent comptant [sont] non sécuritaire[s] », conclut l’inspectrice, pointant le recours aux véhicules personnels des employés, l’utilisation d’un sac à dos et l’absence de formation spécifique pour le transport d’argent.

Une telle situation contrevient à la Loi sur la santé et la sécurité du travail, indique-t-elle.

L’employeur n’a pas pris les moyens nécessaires pour prévenir les risques d’agression et pour assurer la protection du personnel pendant les transports et la manipulation de l’argent comptant.

Extrait du rapport d’intervention de la CNESST

La parution de l’article de La Presse a également « eu l’effet d’augmenter la pression et les risques » auxquels le personnel était déjà exposé, ajoute le rapport.

La CNESST a ordonné le matin même du 24 avril la suspension du transport et de la manipulation d’argent, enjoignant à l’établissement d’« établir et appliquer des mesures de prévention sécuritaires » et de former son personnel.

Une problématique connue avant l’ouverture

Les risques découlant du transport et de la manipulation d’argent comptant avaient pourtant été décrits par l’Association québécoise de récupération des contenants de boissons (AQRCB), l’organisme créé par les embouteilleurs pour gérer le système de consigne et qui s’affaire à mettre sur pied le réseau de lieux de retour Consignaction, souligne le rapport de la CNESST.

« Tous les représentants de l’employeur rencontrés mentionnent que préalablement à l’ouverture officielle de l’établissement de Granby [le 11 avril], les risques d’agression pouvant occasionner des blessures pour les travailleurs lors d’une tentative de vol avaient été identifiés », écrit l’inspectrice.

L’AQRCB avait entrepris des discussions avec une entreprise de transport de fonds, mais aucun contrat n’avait été signé.

« La date d’ouverture officielle a tout de même été maintenue », écrit l’inspectrice, précisant que le guichet avait été rempli au moins à cinq reprises entre le 11 et le 24 avril.

L’AQRCB s’est défendue en affirmant que le transport de fonds n’était pas effectué par des salariés de la succursale de Granby, un argument rejeté catégoriquement par la CNESST.

Le fait que le transport de l’argent comptant ait été fait par un membre du personnel cadre plutôt qu’un travailleur dans certains cas n’a pas d’incidence sur les obligations de l’employeur en matière de santé et sécurité du travail.

Extrait du rapport d’intervention de la CNESST

Ce n’est que deux jours après la parution de l’article dans La Presse et l’intervention de la CNESST, le 26 avril, qu’un contrat a été signé avec le convoyeur de fonds Brinks Canada, ce qui a mené à la levée de la suspension du transport et de la manipulation de fonds.

« L’employeur ne connaîtra pas les jours, les heures des remplissages ainsi que les montants transportés », indique l’inspectrice, ajoutant que l’AQRCB a élaboré une procédure de travail sécuritaire pour le déblocage du guichet par ses employés.

Appelée à réagir, l’AQRCB a laconiquement indiqué à La Presse avoir « retenu les services d’une firme de transfert de fonds pour tous les lieux de retour », a déclaré sa porte-parole, Annie Jolicœur.

Le verre toujours orphelin

Le traitement des contenants de verre qui seront consignés à partir du 1er mars 2025, comme les bouteilles de vin, n’est pas encore déterminé, puisqu’aucun contrat n’a encore été attribué par l’AQRCB, contrairement à la plupart des autres matières.

Les conditionneurs de verre du Québec s’impatientent face à ces délais, même s’ils se disent tous prêts à recevoir des volumes supplémentaires.

« Nous désirons investir dans de nouvelles installations » pour répondre adéquatement à la demande, a déclaré Robert Julien, premier vice-président de 2M Ressources, ce qui nécessite un certain préavis. « Il reste encore du temps, mais ça va vite », a indiqué de son côté le porte-parole du groupe Bellemare, Robert Pilote.

« Des investissements importants restent à faire à l’échelle du Québec et l’industrie a besoin de visibilité sur les gisements futurs pour les planifier », a ajouté Raphaël Groulx, directeur des finances et des services partagés du Groupe Vision Environnement. « Il est minuit moins une si l’objectif est que ce modèle d’économie circulaire soit prêt dès début 2025 », estime-t-il.

La capacité de traitement du verre ne peut servir d’excuse pour repousser la consigne de nouveau, avait d’ailleurs déclaré Robert Julien en mai, lors d’un sommet réunissant la grappe des technologies propres. L’AQRCB affirme que le dossier suit son cours. « Nous évaluons présentement les offres reçues pour le conditionnement du verre en fonction de leur valeur financière et environnementale », a indiqué sa porte-parole, Annie Jolicœur.