Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a affirmé mercredi que le report de la mise en œuvre du système de Gestion des cotisations et des recettes (GCRA) aux frontières était bel et bien dû aux « inquiétudes » de l’industrie.

Cette version contredit celle de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), qui avait plutôt invoqué un risque de grève à l’Alliance de la fonction publique du Canada pour justifier un lancement en octobre prochain plutôt qu’en mai dernier. « La GCRA est prête à être déployée », a assuré l’agence dans un communiqué le 19 avril. La menace d’une grève s’est dissipée mardi lorsque le syndicat des douaniers a conclu une entente de principe avec le gouvernement fédéral.

La Presse a révélé mercredi que le développement du portail GCRA a été plombé par des dépassements de coûts, d’importants retards et des failles nombreuses rapportées par une quarantaine de partenaires commerciaux.

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L’initiative, dans les cartons depuis 2010, vise à moderniser la perception des droits et des taxes sur les marchandises commerciales. Tous les importateurs devront être enregistrés dans un portail client pour transmettre leurs déclarations et leurs paiements directement en ligne à l’ASFC.

L’outil numérique a déjà coûté plus d’un demi-milliard aux contribuables, alors que les dépenses autorisées atteignent 706,5 millions, contre un budget annoncé de 408 millions en 2019. Le logiciel devait être lancé au plus tard le 31 juillet 2021. Une nouvelle itération était prévue pour mai 2022, puis pour octobre 2023, et enfin pour mai 2024. La mise en œuvre de la phase ultime est maintenant fixée au 21 octobre.

« On comprend très bien l’inquiétude des exportateurs et d’autres entreprises canadiennes qui ont affaire avec l’Agence des services frontaliers, c’est pourquoi nous avons retardé un certain aspect de l’entrée en vigueur de l’application », a expliqué le ministre LeBlanc lors de la période des questions à Ottawa. Il est à noter que ce sont les importateurs et non les exportateurs qui sont concernés par le déploiement de la GCRA.

M. LeBlanc répondait au député du Bloc québécois Simon-Pierre Savard-Tremblay, qui lui a demandé ce qu’il faisait pour « remettre l’agence à l’ordre » ; celle-ci est aussi impliquée dans le scandale ArriveCAN. M. Savard-Tremblay, vice-président du Comité permanent du commerce international (CPCI), venait de qualifier le système de GCRA de « fiasco » et la gestion à l’ASFC de « Far West ».

« Je suis tout à fait conscient des inquiétudes et je vais m’assurer que l’Agence des services frontaliers procède de la bonne façon », a indiqué M. LeBlanc.

« C’est la totale »

« L’application GCRA, c’est comme ArriveCAN, un gouffre financier, mais en plus, c’est comme [le système de paie] Phénix, ça ne fonctionne pas, c’est la totale », a renchéri le député du Bloc québécois en référence aux deux logiciels fédéraux controversés.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Simon-Pierre Savard-Tremblay, député du Bloc québécois

En Chambre, M. Savard-Tremblay a ajouté que le CPCI attendait depuis mars des documents importants, comme un plan d’urgence si jamais le système GCRA ne tient pas ses promesses lors de son lancement intégral. « Imaginez le bordel si ça plante », a-t-il lancé.

« J’ai eu plusieurs discussions avec l’Agence afin de nous assurer que le scénario que notre collègue avance n’arrive pas et je vais continuer de faire ce travail-là, moi aussi, avec l’Agence », a indiqué le ministre de la Sécurité publique.

L’une des retombées espérées du système de GRCA est d’augmenter les recettes pour l’État canadien en réduisant « les occasions manquées d’appliquer les taxes et les droits » sur près de 800 milliards de biens importés chaque année, selon l’ASFC.