À Montréal seulement, 17 enfants québécois âgés de 1 mois à 5 ans sont en attente de personnes prêtes à les adopter. L’un d’eux est en attente depuis trois ans, un autre, depuis deux ans.

Ce qu’il faut savoir

  • À Montréal seulement, 17 enfants québécois âgés de 1 mois à 5 ans sont en attente de personnes prêtes à les adopter.
  • Actuellement sous la protection de la DPJ, ces enfants ont des besoins très particuliers.
  • À la grandeur du Québec, le gouvernement ignore combien d’enfants sont en attente d’être adoptés.

C’est ce que la DPJ du CIUSSS du Centre-Sud de Montréal a confirmé à La Presse.

Idéalement, « aucun enfant ne devrait être en attente », reconnaît sans détour Josée Lemieux, cheffe de service à l’adoption.

Combien d’enfants à l’échelle du Québec sont aussi dans ce cas ? Interpellé à ce sujet, le ministère de la Santé et des Services sociaux – duquel relève la DPJ – a répondu par écrit qu’« après vérification », il ne « possède pas cette donnée, puisqu’elle relève de la gestion interne de chaque établissement ».

Pour ce qui est des 17 enfants de Montréal, ils se trouvent présentement dans des familles d’accueil de façon temporaire, « mais tant qu’un enfant n’est pas dans son milieu et qu’il devra être déplacé, on lui crée un traumatisme », fait observer Mme Lemieux.

Dans les faits, ajoute-t-elle, « 38 familles sont en attente d’être évaluées », mais aucune d’entre elles « ne l’est présentement parce qu’aucune n’est intéressée par le profil de nos 17 enfants ».

Mme Lemieux évoque des problèmes d’alcoolisme fœtal, de parents schizophrènes, d’enfants ayant subi de multiples fractures. Celui qui est en attente depuis trois ans est atteint d’un trouble de l’autisme sévère.

Ces enfants sont destinés à être adoptés, suivant le processus de la « banque mixte » où sont dirigés des petits du Québec dont les parents biologiques, selon toute vraisemblance, ne seront jamais en mesure d’assurer leur rôle. (Pendant un certain temps, avant l’adoption, des contacts entre les parents biologiques et l’enfant sont généralement maintenus et favorisés.)

À l’heure actuelle, les adultes postulants veulent « des bébés roses », selon l’expression de Mme Lemieux. Des bébés sans maladie ni risque d’en développer ou sans stigmate psychologique malgré leur arrivée au monde dans des conditions extrêmement difficiles.

« Il y a de très belles histoires », insiste Mme Lemieux, faisant observer que certains enfants pour lesquels la DPJ a eu des craintes se sont finalement bien développés.

Mais il reste que ces enfants proposés pour adoption « sont issus de la protection de la jeunesse », avec ce que cela suppose.

Ce sont donc de grandes âmes très solides qui sont recherchées. Des postulants disposés à adopter en sachant que les enfants risquent fortement d’avoir besoin de plus de soins que d’autres, « qu’ils auront davantage de rendez-vous médicaux et qu’il est possible que ce soit plus difficile à l’école » pour eux, explique Mme Lemieux.

Baisse d’intérêt

Elle a observé que depuis quelque temps, les séances d’information sont beaucoup moins courues. Au cours des derniers mois, certaines ont dû être annulées, faute de participants en nombre suffisant, et celles qui ont eu lieu ont attiré moins d’adultes qu’auparavant.

Comme cela survient alors que la procréation assistée est maintenant en partie remboursée, Mme Lemieux pose l’hypothèse que cela puisse contribuer à une baisse d’intérêt pour la banque mixte.

Geneviève Pagé, professeure de travail social et directrice scientifique spécialisée dans les questions d’adoption et de protection de la jeunesse à l’Université du Québec en Outaouais, note qu’« historiquement, on voyait plutôt l’inverse, soit beaucoup de parents prêts à adopter et peu d’enfants en attente ».

« Il semble que le profil des enfants a tendance à changer », fait-elle valoir.

Avec les besoins très particuliers de ces enfants, la DPJ est peut-être « particulièrement sélective », dit-elle.

La situation actuelle est donc de nature à créer une instabilité qui « peut notamment provoquer des difficultés d’attachement et entraîner des réactions comportementales […], explique Mme Pagé. C’est la raison pour laquelle la banque mixte a été mise sur pied, pour éviter de déplacer un enfant vers une autre famille lorsqu’il devient admissible à l’adoption. »

Les pénuries de services, un enjeu

Catherine Voyer-Léger, qui a adopté en solo une fille il y a huit ans par l’entremise de la banque mixte, insiste pour sa part sur l’importance, pour ceux qui se lancent, d’être non seulement très solides, mais aussi parfaitement réalistes. « Les gens vivent trop souvent encore dans le mythe que l’amour guérit tout », un discours, se désole-t-elle, qu’elle dit aussi avoir entendu dans des bureaux de médecin.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES LA PRESSE

Catherine Voyer-Léger

Au surplus, ces années-ci, « la question du manque de services est centrale », dit Mme Voyer-Léger.

Cela l’a tellement touchée qu’elle a déménagé de l’Outaouais, une région très frappée par les pénuries, vers Montréal, justement pour avoir un meilleur accès aux services.

« Mais il reste qu’il y a très peu de spécialistes », dit-elle, aptes à aider les parents avec ces enfants aux défis très pointus.

Par ailleurs, deux personnes ont évoqué à La Presse le fait que des adoptions qui auraient dû avoir d’excellentes chances d’aller de l’avant ont été bloquées devant un juge.

Une des personnes estime que l’inexpérience d’employés de la DPJ – qui auraient été insuffisamment préparés – peut être en cause ; une autre source a plutôt évoqué un juge problématique.

Ces situations demeurent cependant exceptionnelles. Au total, dans l’ensemble du Québec, 216 adoptions d’enfants québécois ont été menées à terme l’année dernière.

Les personnes qui pensent avoir le profil recherché pour devenir parents d’un des 17 enfants peuvent contacter le 514 896-3150 ou envoyer un courriel à adoption.ccsmtl@ssss.gouv.qc.ca