Une association de défense des droits des travailleurs se tourne vers les tribunaux pour tenter de mettre fin au système des permis fermés pour les travailleurs étrangers. Lors d’une audience visant à faire autoriser une action collective contre le gouvernement fédéral, mercredi, elle a réclamé des dédommagements pour tous les travailleurs étrangers temporaires qui n’ont pas eu le droit de changer d’employeur au Canada depuis 1982.

« Travailler au Canada avec un permis de travail fermé, c’était vivre dans une prison invisible », a affirmé Byron Acevedo, devant le palais de justice de Montréal. Cet ancien travailleur agricole guatémaltèque est le représentant du groupe dans la demande d’autorisation d’exercer une action collective entendue en Cour supérieure.

La demanderesse, l’Association pour les droits des travailleuses·rs de maison et de ferme (DTMF), dénonce le système de permis de travail temporaires mis en place par le gouvernement du Canada, qui contraint ceux-ci à travailler pour un « employeur spécifique ».

Cette réglementation ouvre la porte à des abus et laisse les travailleurs migrants vulnérables devant leur employeur, craignant d’être expulsés dans leur pays d’origine s’ils décident de porter plainte, affirme l’association.

D’après les documents remis au tribunal, la partie demanderesse juge que ces permis violent plusieurs dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, notamment le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.

L’association demande qu’Ottawa verse des dommages-intérêts à tous les travailleurs migrants ayant œuvré au Canada depuis 1982, soit depuis l’adoption de la Charte, ce qui représente plus de deux millions de personnes, selon Eugénie Depatie-Pelletier, présidente du Conseil d’administration de DTMF. Elle réclame aussi des dommages punitifs.

Le gouvernement du Canada soutient que le groupe déterminé par les demandeurs est « trop large », puisqu’il inclut tous les travailleurs ayant œuvré au Canada depuis 1982, peu importe le type d’emploi qu’ils ont occupé. Il est impossible de prouver que les membres du groupe ont subi un dommage commun, a plaidé Me Émilie Tremblay, qui représente le procureur général du Canada.

« Il n’y a pas d’allégations de points communs entre les expériences de travail de tous les travailleurs étrangers temporaires », a-t-elle affirmé lors de l’audience.

Menaces et harcèlement

Byron Acevedo a travaillé dans le secteur agricole de 2014 à 2022.

« Avant de venir [au Canada], je croyais que je travaillerais dans un pays où mes droits seraient respectés et où je serais traité de la même manière qu’un travailleur canadien, mais ma réalité a été totalement différente », a-t-il confié.

Lors de ses séjours, il raconte avoir subi du harcèlement psychologique et des menaces de déportation de la part de ses employeurs. Il s’est blessé au dos en 2015, alors qu’il tentait d’attraper une dinde. Après avoir attendu plusieurs heures que son employeur accepte de le transporter aux urgences, il a obtenu un congé maladie du médecin.

Le congé maladie de M. Acevedo a été renouvelé à plusieurs reprises et son employeur l’a « accusé de simuler, de mentir et de profiter de la situation pour ne pas travailler » et a même menacé de le faire expulser dès qu’il le pourrait.

Il a ensuite travaillé dans une ferme laitière où il se faisait « fréquemment [frapper] par les animaux ».

De 2020 à 2022, il a travaillé pour une autre entreprise laitière. M. Acevedo y décrit de mauvaises conditions de vie, notamment le surpeuplement et le manque d’intimité dans les logements fournis par l’employeur.