Une nouvelle filière alimente la forte croissance des demandeurs d’asile au Canada. Après le passage du chemin Roxham et les demandes à l’aéroport au sortir de l’avion, ce sont maintenant des demandes d’asile faites une fois sur le sol canadien, par des gens détenant des visas de visiteur, qui augmentent en flèche.

Le nombre mensuel de personnes entrées au pays avec un visa de touriste et qui demandent ensuite l’asile a quintuplé entre avril 2023 et avril 2024, passant de 1815 à 10 170, selon des données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) obtenues par La Presse.

Cette voie de passage représente maintenant 66 % des demandes d’asile au pays.

« Les deux tiers des demandes sont faites par des gens qui viennent comme touristes ! C’est fascinant ! », lance Michael Barutciski, avocat et professeur à l’Université York, à Toronto. « Pourtant, en avril, ça faisait déjà des mois qu’on soulevait ce problème : l’octroi des visas de façon un peu trop laxiste par le gouvernement fédéral. Ça veut dire que ça continue. »

M. Barutciski rappelle que le premier ministre Justin Trudeau avait parlé de resserrer les visas pour les personnes qui viennent au Québec, le 15 mars, dans le cadre d’un tête-à-tête avec François Legault sur l’immigration.

Déjà, en janvier, le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, reconnaissait qu’un « tour de vis » s’imposait pour freiner la hausse du nombre de demandes d’asile.

Cet objectif a été atteint dans le cas des ressortissants mexicains.

Le nombre de demandeurs d’asile entrés au Canada avec une autorisation de voyage électronique (AVE) – document exigé aux étrangers dispensés de l’obligation de visa – a chuté de façon draconienne, passant de 2145 en avril 2023 à 785 en avril de cette année. Cela semble indiquer que la réimposition d’un visa aux visiteurs du Mexique, qui n’avaient besoin que d’une AVE avant le 29 février, a freiné cette porte d’entrée.

Mettre le pied au pays

Mais si le Canada a réussi à fermer une porte, d’autres se sont ouvertes, comme le montre l’augmentation des demandeurs d’asile chez les détenteurs d’un visa de visiteur. Cette hausse suggère que les mécanismes de contrôle de l’attribution des visas de touriste établis par le gouvernement canadien sont insuffisants ou mal adaptés, puisque le système parvient mal à identifier les demandeurs d’un visa de visiteur qui ne sont pas vraiment des touristes, et donc à freiner les demandes d’asile.

Ces données d’IRCC permettent de faire la lumière sur les moyens utilisés par les demandeurs d’asile pour mettre le pied au pays. La Presse en a fait la demande après avoir constaté la présence d’un nombre important de demandeurs d’asile indiens venus au Québec en tant que visiteurs. Plusieurs d’entre eux ont confié avoir dû payer des sommes colossales en Inde pour obtenir ce visa de touriste.

Les chiffres permettent de déceler une autre tendance, celle des étudiants étrangers qui font une demande d’asile après avoir obtenu un permis d’études.

Leur augmentation, sans être aussi spectaculaire que celle des détenteurs d’un visa de touriste, est néanmoins importante. Par exemple, leur nombre a doublé entre avril 2023 et avril dernier, passant de 635 à 1365.

Sur l’ensemble de 2023, 11 154 étudiants étrangers ont ainsi demandé l’asile, dont 2595 au Québec.

Des mesures ont été annoncées en janvier par le ministre Marc Miller pour contenir l’explosion du nombre d’étudiants étrangers qui viennent au pays, dont l’établissement d’un plafond de 360 000 permis d’études en 2024, ce qui représente une baisse de 35 % par rapport à 2023. Le seuil pour 2025 sera réévalué à la fin de l’année.

Ces contraintes pourraient permettre de réduire le nombre de demandeurs d’asile détenant un permis d’études dont l’objectif premier en venant au Canada n’est pas la poursuite de leur parcours scolaire.

En savoir plus
  • 62 180
    Nombre de demandes d’asile reçues au Canada de janvier à avril 2024
    Source : Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada