La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) recommande un tramway pour la capitale et doute de la nécessité d’un troisième lien autoroutier, dans un rapport commandé par le gouvernement Legault qui sera dévoilé ce mercredi.

(Québec) Le tramway de Labeaume

Le rapport sur la mobilité à Québec de CDPQ Infra sera dévoilé aux journalistes ce mercredi. Mais il a déjà été présenté au gouvernement et aux maires de Québec et de Lévis. Son contenu est déjà largement connu. La Caisse va recommander un tramway pour la capitale. Le tracé idéal selon elle est exactement celui qui avait été proposé par l’ancien maire Régis Labeaume en 2018 : du secteur Le Gendre à l’ouest à Charlesbourg au nord. Le terminus Charlesbourg avait depuis été remplacé par celui D’Estimauville après une intervention du gouvernement Legault. M. Labeaume, qui s’était fait forcer la main par Québec afin de modifier le tracé, n’a pas voulu réagir mardi au rapport de la Caisse, qui lui donne essentiellement raison. Le maire actuel, Bruno Marchand, va commenter le rapport ce mercredi.

IMAGE ARCHIVES FOURNIE PAR LA VILLE DE QUÉBEC

L’ancien maire Régis Labeaume avait proposé en 2018 un tracé (en jaune) entre Le Gendre et Charlesbourg.

Rames plus courtes, moins de fils

La Caisse propose de réduire de 45 à 35 mètres la longueur des rames du tramway. Cela permettrait de minimiser le rayon des virages, notamment dans le tunnel qui doit relier Haute-Ville et Basse-Ville. Cette solution permettrait de réduire la facture, qui était estimée à 8,4 milliards par M. Marchand. La Caisse propose d’augmenter la fréquence du tramway, pour compenser les rames plus courtes. Le réseau d’alimentation filaire serait également abandonné dans certains secteurs plus denses de la capitale. Les voitures seraient donc hybrides : alimentées par fils ou par batterie. La Caisse propose finalement deux services rapides par bus (SRB), l’un à Lévis, l’autre boulevard Charest, à Québec.

Projet repris par la Caisse ?

Selon nos informations, la Caisse serait prête « à aller plus loin » dans son mandat, notamment en devenant le maître d’œuvre du chantier du tramway. Cette avenue est vue d’un bon œil tant au gouvernement qu’à l’hôtel de ville de Québec. Jusqu’alors, la Ville espérait trouver un consortium prêt à mener le projet. Mais devant l’explosion des coûts, l’administration Marchand avait proposé au gouvernement de laisser la Ville devenir maître d’œuvre. La reprise du dossier par la Caisse permettrait au maire de prendre une saine distance politique par rapport au chantier, qui ne manquerait pas d’exaspérer nombre de citoyens s’il faut en croire l’expérience des nombreuses villes européennes qui ont récemment construit un tramway. Bruno Marchand veut solliciter un deuxième mandat aux élections de novembre 2025.

Pas de troisième lien

La Caisse a aussi analysé six tracés pour un éventuel troisième lien, mais n’en retient aucun. Elle note que le mandat d’analyse que lui a donné le gouvernement Legault portait sur la mobilité dans la grande région de Québec. Or une analyse basée sur la mobilité ne justifie pas les milliards que coûterait un tel ouvrage. Cette conclusion va certainement déplaire au maire de Lévis, Gilles Lehouillier, qui doit réagir ce mercredi. Elle ressemble à un désaveu pour le député de Lévis, Bernard Drainville. Il déclarait en mars dernier que la Caisse allait déposer un projet de lien interrives. « Ça, c’est acquis », affirmait M. Drainville. CDPQ Infra note toutefois que d’autres facteurs pourraient justifier un troisième lien, comme la sécurité économique de la région, puisque le transport par camion ne passe à l’heure actuelle que par le pont Pierre-Laporte.

Guilbault tient à l’autoroute

La ministre des Transports n’a pas hésité à s’engouffrer dans cette porte entrouverte, dans une déclaration mardi. « Le rapport de la CDPQ Infra souligne que la présence d’un seul lien autoroutier entre les deux rives pose un enjeu de sécurité économique », écrit Geneviève Guilbault. « Il est irresponsable de n’avoir qu’un seul lien permettant le transport de marchandises dans l’Est du Québec. Si un jour le pont Pierre-Laporte devait fermer quelques mois, voire quelques années, il n’y a aucune autre alternative à Québec que passer par Trois-Rivières ou par Montréal. Ce serait une véritable catastrophe », poursuit la ministre dans une déclaration qui laisse croire que la CAQ n’est pas prête à enterrer ce projet de nouvelle autoroute entre les deux rives. L’argument du transport de marchandises n’est pas nouveau. Cependant, les deux dernières moutures du troisième lien proposées par la CAQ étaient des tunnels interdits aux camions lourds.

La CAQ critiquée de toutes parts

Les conclusions de la Caisse ont été saluées tant par les partis de l’opposition à Québec que par le gouvernement Trudeau à Ottawa, lequel s’est déjà engagé à payer 40 % du projet de tramway. « C’est ce qu’on proposait il y a six ans. Le projet pourrait être en construction présentement et presque en opération si on n’avait pas perdu ces six années-là », a déclaré Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique. « Ce que le rapport de la Caisse de dépôt pour Québec va démontrer sans l’ombre d’un doute, c’est que le problème principal du transport collectif à Québec aura été la CAQ », a réagi le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, qui accuse le gouvernement d’avoir tergiversé pour des raisons politiques.

Avec la collaboration de Tommy Chouinard et de Mylène Crête, La Presse