(Ottawa) Il n’existe pas de règles pour déterminer la proximité d’un centre de consommation supervisé par rapport à une école ou un centre de la petite enfance. C’est ce qu’a indiqué la directrice régionale de santé publique de Montréal, Mylène Drouin, devant des élus fédéraux jeudi. Et il est impossible de les éloigner dans la métropole. Il faut plutôt penser à des moyens pour atténuer les inconvénients.

« L’enjeu, c’est que des garderies et des écoles, si on met 200-500 mètres, il y en a partout à Montréal », a-t-elle expliqué lors d’une étude sur la crise des opioïdes en comité parlementaire.

« Il faudrait mettre nos sites de consommation supervisée [...] dans des champs ou le long des voies ferrées. Donc, c’est assez impossible si on veut rejoindre la clientèle et avoir une stratégie de réduction des méfaits qui fonctionne bien. »

Le cas de la Maison Benoît-Labre a fait la manchette cette semaine. Le refuge pour sans-abri a ouvert le mois dernier un centre de jour et un lieu de consommation supervisée.

« Mon gars a peur ! », avait confié Jessica Normandeau, en attendant son fils de 5 ans devant l’école Victor-Rousselot, située à moins de 200 mètres.

La Presse a révélé mercredi que la cohabitation entre enfance et itinérance se complique dans les quartiers centraux de Montréal, au moment où la crise sociale s’étale au grand jour. Les conservateurs se sont emparés de l’histoire pour critiquer l’approche du gouvernement Trudeau face à la crise des opioïdes.

Lisez le texte « Ma fille ne veut même plus venir à l’école »

La députée albertaine Laila Goodridge a demandé à la Dre Drouin si elle trouvait le cas de la Maison Benoît-Labre acceptable.

« La Maison Benoît-Labre, c’est avant tout un lieu d’hébergement et un centre de jour pour itinérants, a indiqué la directrice régionale de santé publique. On y a intégré deux salles d’inhalation, des services de consommation supervisée pour une minorité d’utilisateurs, donc c’est à peu près dix consommateurs par jour qui utilisent la salle pour des centaines de personnes qui fréquentent le centre tous les jours. »

PHOTO SPENCER COLBY, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La députée albertaine Laila Goodridge

Elle a précisé faire partie du comité de bon voisinage qui tente de trouver des mesures d’atténuation pour éviter les attroupements, « faire en sorte que les jeunes soient accompagnés, que l’école soit accompagnée pour réduire ces méfaits-là ou du moins, les enjeux de cohabitation qui sont vécus ».

Elle a rappelé que la crise du logement et le manque de ressources en itinérance font partie des facteurs qui alimentent ce problème.

Bien que le nombre de morts dues à la crise des opioïdes à Montréal ne soit pas « comparable à ce qui se passe dans l’Ouest canadien », la métropole voit une tendance à la hausse depuis quelques années. La Dre Drouin a indiqué que leur nombre est passé de 12 à 17 par mois en trois ans. La Santé publique a plus que doublé la distribution de trousses de naloxone.

« Attention avec les termes »

Soutient-elle une « légalisation des drogues dures comme cela a été fait en Colombie-Britannique ? », lui a demandé la députée. « Pour l’instant, on juge que les conditions ne sont pas en place en ce qui a trait aux services pour aller vers une demande de décriminalisation et non pas de légalisation, a précisé la Dre Drouin. Je pense qu’il faut faire attention avec les termes. »

Elle a dit être consciente de l’enjeu que pose la judiciarisation pour une personne aux prises avec un problème de toxicomanie lorsqu’elle a besoin de trouver un logement et un emploi pour refaire sa vie.

Les conservateurs accusent régulièrement le gouvernement d’avoir « légalisé » les drogues dures dans la province de l’Ouest canadien alors qu’il s’agit plutôt de décriminalisation. L’exemption de trois ans accordée par Santé Canada dans le cadre d’un projet-pilote « autorise la possession de petites quantités de certaines substances illégales pour usage personnel dans certains lieux précis ».

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a demandé à Ottawa le mois dernier d’annuler cette exemption dans les lieux publics.

Le député Pierre Paul-Hus a affirmé durant la période des questions jeudi que Mme Drouin voulait « reproduire le modèle de la Colombie‑Britannique, qui est pourtant un échec flagrant ».

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, s’est prononcée à plusieurs reprises pour la décriminalisation de la possession simple de drogues après l’adoption d’une motion en ce sens par le conseil municipal en 2021. Le gouvernement fédéral n’a toutefois reçu aucune demande de la Ville.

La ministre de la Santé mentale et des Dépendances, Ya’ara Saks, a rejeté récemment celle qui avait été soumise par Toronto.

Avec Philippe Teisceira-Lessard et Fanny Lévesque, La Presse, et La Presse Canadienne