« Je n’avais pas les moyens de donner de l’argent, alors j’ai décidé de donner de moi physiquement. »

Ce mercredi, Jean Bernier réalisera son 1600e don de produits sanguins, un record au Canada. Lucile Desjardins, elle, vient de rejoindre le club très sélect des femmes ayant atteint les 1000 dons au Québec.

« Je voulais aider ceux qui étaient dans le besoin », explique le super donneur. C’est à l’âge de 18 ans que Jean Bernier a fait son premier don. Depuis 53 ans, cet ancien enseignant en génie électrique est devenu un habitué des centres d’Héma-Québec.

La réglementation n’a pas toujours été la même. Au début, je n’avais le droit de donner qu’une fois tous les trois mois, mais depuis quelques années, j’y vais une fois toutes les deux semaines.

Jean Bernier

Mais pour atteindre un tel palier, le retraité de 71 ans ne s’est pas limité au sang. « Je fais trois types de dons. Des dons de sang total, des dons de plasma et des dons de plaquettes. »

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE DE LUCILE DESJARDINS

Lucile Desjardins, lors de son récent 1000e don, à Montréal

Une pratique semblable à celle de Lucile Desjardins, qui vient elle aussi de marquer l’histoire d’Héma-Québec.

La retraitée de 76 ans, maintenant deuxième femme du Québec à atteindre la barre des 1000 dons, se souvient encore très bien de la date de son premier. « C’était le 8 avril 1966. » Si cette ancienne éducatrice en garderie a décidé de commencer à donner à l’âge de 18 ans, c’est sans réellement se poser de questions. « Ma sœur le faisait déjà, et puis je suis une personne aidante de nature. Si je peux aider, c’est normal que je le fasse. »

Certaines règles à respecter

Selon la porte-parole d’Héma-Québec, Josée Larivée, la différence entre un don de sang total et un don de plasma ou de plaquettes – ceux-ci se trouvant dans le sang – est que, dans le cas de ces derniers, les globules rouges prélevés sont rendus au donneur. C’est ce qui explique que certaines personnes puissent faire des dons aussi fréquemment.

Si les femmes atteignent plus difficilement les paliers élevés, c’est parce que « dans le cas du sang total, les hommes peuvent donner tous les 56 jours, alors qu’elles, seulement tous les 84 jours. On peut donner tous les 6 jours dans le cas du plasma et tous les 14 jours dans le cas des plaquettes », précise-t-elle.

Il est également possible de réaliser plusieurs dons d’un seul coup en donnant par exemple des plaquettes et du plasma. « Il arrive même que certaines personnes puissent donner plusieurs plaquettes en une seule fois. » C’est le cas de Lucile Desjardins.

« C’est un choix personnel »

Malgré son palmarès, la retraitée se donne pour principe de ne pas juger les non-donneurs. « C’est un choix personnel. Tout le monde a sa raison de ne pas donner », affirme-t-elle.

De son côté, Jean Bernier s’efforce au contraire de convaincre ceux qu’il rencontre.

Un don de sang peut sauver trois personnes. Avec ça, je crois que tout le monde devrait donner. […] Moi, je vais continuer tant que je serai en santé.

Jean Bernier

Un investissement qui peut parfois demander quelques efforts : « Il faut se donner un bon horaire et se forcer à bien manger pour avoir un bon niveau de fer », explique-t-il.

Afin de le récompenser officiellement pour son geste, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a même remis une médaille de l’Assemblée nationale au retraité.

« Je n’ai jamais eu d’objectif. C’est avec un don à la fois qu’on réussit », affirme-t-il « Pour moi, avoir 100 dons, c’était déjà impensable. C’est seulement quand j’ai atteint les 900 que j’ai compris que c’était possible », ajoute son homologue féminine.

Les jeunes peu présents

Bien que Lucile Desjardins refuse de faire culpabiliser les non-donneurs, elle espère quand même que son record puisse permettre de « conscientiser les gens ».

Un message que Josée Larivée aimerait surtout adresser aux jeunes qui, depuis quelques années, semblent moins enclins à faire des dons.

On a besoin des 18-30 ans, des jeunes, parce que ce sont des donneurs de sang qui vont être là plus longtemps.

Josée Larivée, porte-parole d’Héma-Québec

Selon la porte-parole, la pandémie serait l’une des causes de cette réduction du nombre de nouveaux donneurs. « On essaie d’être présents auprès des jeunes dans leurs écoles, sur les campus, pour les habituer à notre présence. En général, ils deviennent bénévoles quand ils sont jeunes, puis ils viennent donner à 18 ans, détaille-t-elle. Mais avec la pandémie, on a été absents des campus pendant deux ou trois ans… »

Afin d’inciter ces nouveaux donneurs potentiels à faire leur premier don, l’organisme essaie de rendre le tout ludique. Des compétitions intercampus sont par exemple organisées pour motiver les étudiants. « Petit à petit, ils reviennent, mais c’est long et ardu. »

Une autre solution évoquée par la porte-parole serait de recommencer à échanger autour de ce sujet à la maison. « Si, par exemple, des parents ou grands-parents en ont fait, ils peuvent en parler avec leurs enfants. »

C’est pour cette raison que Lucile Desjardins et Jean Bernier ont commencé à donner. Un schéma que le nouveau détenteur de record s’efforce de reproduire avec ses propres enfants.

D’importants besoins quotidiens

Selon l’organisme, moins de 3 % des adultes en âge de donner au Québec sautent le pas, soit environ 200 000 personnes. Pourtant, la demande, elle, reste conséquente. « Notre réserve de sang doit toujours être optimale, c’est une situation à recommencer quotidiennement. Si, par exemple, on a besoin d’environ 1000 dons par jour, ça veut dire que si on n’en fait que 700, le lendemain, il faut en faire 1300 », précise la porte-parole.

Les besoins en plasma sont importants. « Juste pour une petite bouteille qui servira à soigner la maladie d’une seule personne, il faut des centaines de donneurs. »

Aussi, afin d’augmenter l’autosuffisance en plasma de l’organisme, un nouveau centre fixe verra le jour à Drummondville. Aujourd’hui, il en existe 11 au Québec, dont 5 dans la région de Montréal ; ils permettent de réaliser plusieurs types de dons. Un chiffre auquel s’ajoutent les 30 à 50 collectes mobiles qui se concentrent uniquement sur le sang.