Quelque 150 nouveaux mots feront leur apparition dans le vénérable dictionnaire. État des lieux avec deux linguistes.

Une vision centrée sur la France

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Désignant le télétravail, TT se trouve maintenant dans le dictionnaire.

« C’est un peu comme une vitrine sur la France », souligne d’emblée Nadine Vincent, professeure du département de communication de l’Université de Sherbrooke. Outre l’abondance d’anglicismes (stalker, urbex), on peut remarquer des termes rarement, voire jamais utilisés au Québec (pédibus pour un service de ramassage scolaire à pied, TT pour le télétravail) ou d’autres qui, au contraire, le sont depuis bon nombre d’années (décolonialisme). Parmi la richesse des expressions québécoises, Le Petit Robert a également choisi d’en ajouter trois à son dictionnaire en 2025 : sociofinancement, déguédiner et… boss des bécosses. « Tout cela finit par être très folklorisant », déplore la chercheuse.

L’actualité donne le ton

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Des termes comme aridifier et climaticide font leur entrée dans Le Petit Robert.

Des termes utilisés habituellement en informatique font leur entrée dans le langage courant : on rédige un prompt pour s’adresser à ChatGPT, on veut d’une intelligence artificielle qu’elle utilise peu de ressources (qu’elle soit frugale), on cherche à prédire les mots dans une phrase avec un modèle de langage… L’actualité climatique est également très présente : on parle d’espèces exotiques envahissantes, de neutralité carbone, de bombe climatique, mais aussi d’aridifier (rendre aride), de climaticide (qui contribue au réchauffement climatique) et de potabiliser (rendre potable). « Ça reflète les inquiétudes actuelles », explique Julie Auger, professeure du département de linguistique et de traduction de l’Université de Montréal.

Rendre la langue plus inclusive

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La linguiste Julie Auger

Les troubles neuroatypiques (comme le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité, ou TDAH) et la bigorexie (recherche de l’augmentation de masse musculaire) côtoient également le décolonialisme (où les peuples historiquement colonisés cherchent à s’affranchir politiquement et culturellement) et les afrodescendants (d’ascendance africaine). Utilisés depuis plus d’une décennie au Québec, ces termes témoignent de grandes tendances d’évolution de la société. « On crée de nouvelles terminologies, pour essayer que la langue suive les mouvements sociaux, ou qu’elle favorise l’évolution des mentalités », précise Julie Auger.

La gastronomie mise à l’honneur

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Préparation de kimchi, dont le nom fait son entrée dans Le Petit Robert

Entre le kimchi, l’edamame et le chimichurri, « la cuisine exotique commence à s’inviter dans les assiettes françaises ! », plaisante Nadine Vincent. Le premier est emprunté à la cuisine coréenne, le deuxième, au Japon, et le troisième, à l’Amérique latine. « Les sociétés deviennent plus cosmopolites, on découvre des plats qu’on ne connaissait pas auparavant », souligne Julie Auger. On peut également s’étonner que le mot portobello ne soit ajouté que maintenant : ce grand champignon charnu est pourtant assez commun en Europe et en Amérique du Nord.

Un avant-goût des Jeux olympiques

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Le bloc a maintenant sa place dans le dictionnaire du Petit Robert.

L’escalade de bloc (ou plus simplement le bloc) a fait ses débuts comme épreuve olympique à Tokyo en 2021 ; il était donc grand temps qu’elle ait sa place dans le dictionnaire du Petit Robert. Elle y est rejointe par les trampolinistes et autres taekwondoïstes, mais aussi par les rideurs (qui pratiquent le vélocross) et les skeletoneurs (qui pratiquent le skeleton, un sport de glisse consistant à s’allonger sur une luge très basse). « On voit que les Jeux olympiques s’en viennent en France en 2024, il y a beaucoup plus de mots qui font référence aux sports que d’habitude », remarque Nadine Vincent.