Le transport en commun a connu son heure de gloire au cours du XIXsiècle et de la première moitié du XXsiècle. Devant la concurrence de l’automobile qui s’est accentuée rapidement au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les entrepreneurs ont abandonné la partie au profit des gouvernements locaux.

Ces derniers ont même contribué avec enthousiasme à cette transformation en abattant des arbres ou en démolissant des habitations pour faciliter la circulation sans exiger de contribution des automobilistes. C’est beaucoup plus tard que les municipalités ont timidement demandé aux automobilistes de contribuer au financement du réseau routier.

Aujourd’hui, alors qu’on discute sur la place publique du financement du transport en commun, il est pertinent de se demander à quel point les automobilistes contribuent au financement du réseau routier de leur municipalité.

Ressources consacrées à la circulation automobile

Pour répondre à cette question, nous avons, dans un premier temps, estimé à 1,2 milliard les ressources que la Ville de Montréal consacre à la circulation automobile pour l’année en cours. Cette somme est composée de la totalité des budgets du réseau routier et de l’enlèvement de la neige⁠1, auxquels nous avons ajouté 26,7 %⁠2 des budgets du service de la dette et des immobilisations payées comptant.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La Ville de Montréal consacre 1,2 milliard à la circulation automobile, ce qui comprend le déneigement, selon l’auteur.

Finalement, nous avons augmenté ces coûts directs de 13,4 % pour tenir compte des frais généraux⁠3. Comme il y a environ 675 000 véhicules immatriculés à Montréal, la Ville dépense annuellement 1800 $ pour chaque automobiliste montréalais.

Ressources fournies par les automobilistes

Estimons maintenant les revenus que la métropole obtient de chaque automobiliste.

Il y a tout d’abord la contribution pour le transport collectif qui s’élève à 75 $. Viennent ensuite les revenus des parcomètres qui sont de l’ordre de 45 à 50 millions, soit environ 75 $ par véhicule.

Finalement, la municipalité perçoit une somme chaque année pour le stationnement d’une voiture à la maison ou dans la rue tout près du lieu de résidence.

Pour ceux qui ont la chance de garer leur voiture chez eux, nous estimons que 5 % de l’évaluation totale de leur propriété résulte de l’espace réservé à leur véhicule. Leur contribution s’élève donc à 245 $ par année puisque le propriétaire de l’immeuble résidentiel moyen paie 4892 $ de taxes foncières en 2024.

Dans le cas des automobilistes qui recourent à la vignette de stationnement, il n’y a que les résidants du Plateau-Mont-Royal qui paient en moyenne plus de 245 $ par année pour garer leur voiture. Tous les autres paient de zéro à moins de 200 $ par année, à l’exception des propriétaires de grosses cylindrées dans trois arrondissements du centre-ville.

Selon nos calculs, la contribution moyenne des automobilistes aux finances de la Ville de Montréal représente environ 20 % du coût des services rendus aux propriétaires de voiture – 360 $ pour 1800 $, est-ce croyable ?

En ce qui a trait aux adeptes du transport en commun, leur participation au financement s’élève à 30 %, selon le dernier rapport annuel de l’ARTM, soit une participation au financement 50 % plus importante que celle des automobilistes au financement de la voirie municipale. C’est une situation qui apparaît injuste sur le plan social.

Amener progressivement les automobilistes à financer entièrement le réseau routier réduirait le nombre de voitures dans les rues de la ville, rendrait la circulation des autobus plus fluide et plus attrayante tout en fournissant à la Ville de Montréal les moyens financiers pour soutenir le transport en commun.

On ne peut proclamer sa volonté de réduire la place de l’automobile dans la ville tout en continuant d’en subventionner grassement l’usage. Ce constat surprend, car il est camouflé dans des pratiques héritées du XXsiècle. En prendre conscience et redresser la situation nous rapprocherait des objectifs reliés à la vie urbaine du XXIsiècle et empêcherait qu’un biais inconscient nous détourne de nos objectifs de mobilité urbaine.

1. J’ai inclus tout le budget pour l’enlèvement de la neige, mais rien pour le SPVM qui consacre souvent des ressources à la gestion de la circulation.

2. La Ville de Montréal prévoit consacrer 26,7 % des ressources de son programme décennal d’immobilisations aux infrastructures routières.

3. La Ville de Montréal a consacré 13,4 % de ses dépenses en 2022 à ce qu’elle a appelé l’« administration générale ».

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