En marge du Jour de la Terre, je me dois de vous parler de transports en commun, mais pas seulement pour des considérations environnementales. Comme vous le savez, il s’agit certes d’une façon de réduire nos gaz à effet de serre, mais aussi d’un mode de transport essentiel pour des familles moins nanties et d’une façon efficace de réduire la congestion sur nos routes pour tous. En outre, il ne se passe pas une semaine sans qu’un propriétaire d’entreprise me demande un meilleur accès aux transports en commun pour faciliter sa recherche de main-d’œuvre.

Toutefois, malgré les répercussions positives importantes des transports en commun pour notre société, notre réseau est près de l’effondrement. Je dirais même que le bateau est en train de couler. L’inflation a fait augmenter les coûts d’opération et d’entretien, le télétravail a diminué les revenus provenant de la vente de billets, et la venue du REM a accentué les problèmes, créant ainsi un immense déficit qu’aucun ajustement mineur ne saurait corriger. En fait, il s’agit d’un déficit si important qu’il faudrait renvoyer tous les chauffeurs d’autobus de la STM pour le combler. Cela vous donne une idée.

C’est pourquoi les maires et mairesses, les travailleurs de l’industrie ainsi que les experts du milieu académique sonnent l’alarme depuis plusieurs années.

Ces derniers veulent sauver le bateau et les centaines de milliers de passagers qui l’utilisent quotidiennement. Hélas, personne ne semble en mesure de répondre à l’appel de détresse.

Pourtant, des solutions, il en existe.

Premièrement, il est possible de diminuer les dépenses. L’ARTM a identifié une dizaine d’options pouvant réduire d’environ 125 millions par année la facture des transports en commun. Par exemple, en mutualisant certains services comme la sécurité, les plateformes technologiques ou le service à la clientèle. Il serait aussi possible de diminuer le nombre d’organismes gérant les transports en commun ou encore de revoir leur modèle d’affaires.

Deuxièmement, il est réaliste d’augmenter le nombre d’utilisateurs des transports en commun, et donc les revenus associés à la vente de billets. Par exemple, l’accélération de la construction de logements au-dessus des gares, des stations de métro et des stationnements incitatifs augmenterait le nombre d’utilisateurs, en plus d’apporter une solution à la crise du logement.

Il serait aussi souhaitable d’encourager les grandes entreprises et les organismes publics à adopter des plans d’action visant à encourager leurs travailleurs et travailleuses à prendre les transports en commun. De très beaux succès en ce sens existent aux États-Unis.

Finalement, après avoir réduit au maximum les dépenses et augmenté les revenus autonomes pour combler le manque à gagner, il faudra choisir entre augmenter le financement public des transports en commun (ce qui implique une hausse de taxe d’une manière ou d’une autre) ou réduire l’offre de transports en commun en diminuant la fréquence des passages ou en éliminant certaines lignes d’autobus ou de trains de banlieue moins performantes. Car non, à elles seules, les deux premières mesures ne seront pas suffisantes.

Parmi toutes les options sur le menu, il faudra bien choisir. Aucune des options ne sera facile ni rapide à mettre en œuvre. Certaines comportent des risques, et personne ne veut augmenter les taxes ou réduire le service. Le chemin à prendre pour le retour à l’équilibre financier des transports en commun ne sera donc pas aisé. Mais nous avons le devoir de relever le défi.

Pour y arriver, nous aurons besoin d’un capitaine. Quelqu’un qui a la vision d’ensemble, qui a l’autorité d’agir et le pouvoir de changer les choses. Présentement, c’est la panique à bord, et aucun espoir n’est à l’horizon. Ce capitaine, ce doit d’abord être la ministre des Transports et de la Mobilité durable. Car pour mettre en marche les solutions qui permettront de réduire les dépenses ou d’augmenter les revenus, il faudra modifier des lois, ouvrir des conventions, réformer des institutions, utiliser des terrains gouvernementaux, etc. L’équipage ne peut être laissé à lui-même en temps de crise.

D’autres réseaux de transports en commun se sont relevés de la crise ailleurs dans le monde. Je souhaite que nous demeurions optimistes ; il n’y a pas de raison pour que nous ne puissions réussir nous aussi. Plusieurs personnes souhaitent contribuer à régler la crise, mais ne savent pas dans quelle direction ramer. Les orientations doivent donc être claires, et le travail doit se faire en collaboration. À défaut de quoi, je crains que nous ne soyons contraints à embarquer sur nos radeaux de sauvetage, et ce, au détriment de nos collectivités et de notre planète.

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