Il faudra activer « pronto » votre abonnement à la plateforme Crave pour suivre la série québécoise la plus originale et la plus captivante du printemps, le thriller psychologique In Memoriam, qui loge à l’intersection de Succession et The Hunger Games, avec un soupçon d’influence téléréelle.

Dotée d’une distribution cinq étoiles réunissant notamment Evelyne Brochu et Éric Bruneau, c’est le genre d’émission audacieuse qui cartonnerait – avec des sous-titres – sur Netflix ou HBO. Car l’idée à la base d’In Memoriam nous attrape immédiatement dans ses filets : un homme d’affaires ultrariche de l’Estrie, Paul-Émile de Léry (Bruno Marcil), 72 ans, meurt en laissant des instructions aussi précises que machiavéliques dans son testament.

Pour toucher sa fortune de 84 millions, les héritiers de Paul-Émile de Léry devront s’affronter dans un tournoi cruel, une compétition de torture mentale et physique, qui se déclinera en six étapes. La personne qui traversera les six phases raflera la cagnotte. Les autres repartiront bredouilles.

Crave mettra en ligne les deux premiers épisodes (sur un total de huit) d’In Memoriam jeudi et diffusera les autres au rythme d’une heure par semaine.

C’est hyper accrocheur et tordu comme proposition. On aurait le goût de tout engloutir d’une traite. Mais non. Faudra patienter.

Vous vous doutez ici que la famille de Léry, ancrée au cœur du récit, cache des secrets épouvantables et un passé chargé, qui ressortiront dans les épreuves imaginées par le papa, un homme autoritaire et sadique, limite psychopathe.

D’abord, il faut savoir que les quatre enfants ne parlaient plus à leur père depuis 15 ans. Ils le jugeaient responsable du suicide de leur mère Mathilde (Catherine Bérubé), qui s’est tiré une balle dans la tête.

Aînée de la fratrie, l’avocate Lucile de Léry (Evelyne Brochu) défend les victimes d’agression sexuelle. Son frère Mathieu de Léry (Éric Bruneau) est un cardiologue réputé. Étoile montante de la finance, Julien de Léry (Jean-Simon Leduc) travaille à la Bourse de Zurich. Sa sœur jumelle Judith (Catherine Brunet), le mouton noir du clan, en arrache et sort d’une (autre) cure de désintox de cocaïne.

Grâce à plusieurs retours en arrière, on comprend que les quatre enfants de Paul-Émile de Léry ont vécu une enfance perturbante, remplie de violence et de manipulation psychologique.

PHOTO FOURNIE PAR CRAVE

Jean-Simon Leduc, Catherine Brunet, Éric Bruneau, Thomas Antony Olajide et Nour Belkhiria dans une scène d’In Memoriam

Pour la lecture du testament, les quatre frères et sœurs de Léry convergent au manoir familial, un château de style néo-normand qui les replonge dans des souvenirs pénibles. Le cardiologue Mathieu s’y pointe avec son conjoint des dernières années, l’entraîneur Andrew (Thomas Antony Olajide), qui a d’abord fréquenté son frère Julien. Bonjour l’ambiance.

En plus d’Andrew, une sixième personne a été invitée à ces Hunger Games des Cantons-de-l’Est : la travailleuse sociale Farah (Nour Belkhiria), enceinte de sept mois. Enceinte de qui ? Personne ne le sait. Personne ne la connaît.

Le bras droit des 40 dernières années de Paul-Émile de Léry, le stoïque Léo (Martin Drainville), a été mandaté pour superviser ce concours barbare, qui durera deux semaines sur le domaine familial. La première étape ? Les six participants reçoivent une lettre manuscrite individuelle, qu’ils doivent lire, à voix haute, devant les autres. Ces missives, écrites par le défunt paternel, renferment des cachotteries inavouables, qui réactivent des traumatismes chez chacun des destinataires.

PHOTO FOURNIE PAR CRAVE

Catherine Brunet et Evelyne Brochu

C’est là que réside l’intelligence de l’auteur Pierre-Marc Drouin (Doute raisonnable) avec la complicité de la scénariste Pascale Renaud-Hébert (M’entends-tu ?). Même mort, Paul-Émile de Léry, qui n’apparaît qu’en « flashbacks » dans la minisérie, joue encore dans la tête de ses enfants. Il rouvre de vieilles blessures, révèle des infos confidentielles, les remonte les uns contre les autres et les force à s’entredéchirer pour sa fortune.

Lequel ou laquelle des enfants de Léry survivra à ce jeu douloureux valant 84 millions ? Le premier épisode d’In Memoriam campe l’intrigue de façon efficace et intense. Le deuxième, qui donne davantage de contexte, connaît un départ plus lent, mais culmine avec un punch à glacer le sang.

On devine que la finale ne sera pas heureuse pour tous les personnages d’In Memoriam. Certains chemineront vers la lumière. D’autres pas.

Plus la série progresse, plus la tension grimpe dans le manoir et plus les enfants de Léry exposent leur vraie nature en se soumettant, une fois de plus, aux désirs de leur père.

Le personnage de cardiologue défendu par Éric Bruneau révèle vite son côté contrôlant et perfide. Comme son géniteur, tiens, tiens. Et des détails troublants éclaireront d’une autre façon le suicide de la matriarche de Léry, autour duquel flotte un nuage de mystère.

Potin plateau, en terminant. Cette série de Crave a été tournée, l’automne dernier, dans l’ancien manoir ayant appartenu à Céline Dion, dans l’île Gagnon, à Laval.

Honnêtement, on aurait aussi pu y enregistrer la téléréalité Les traîtres tellement le décor fait Versailles, mais version Roche Bobois de Sainte-Rose. L’ancienne résidence de la star de Charlemagne, vendue en 2016 pour 10 millions (au lieu des 25,5 millions demandés), possède son propre ascenseur, imaginez.

Avec autant de voilages, de meubles antiques et d’escaliers majestueux, plissez les yeux et vous allez quasiment revivre l’expérience multisensorielle du vidéoclip It’s All Coming Back to Me Now. Manque juste les éclairs et la boucane !