Ce n’est pas sérieux. Encore cette année, Tim Hortons annonce à des clients qu’ils ont gagné un prix important dans le cadre du concours Déroule pour gagner, alors que c’est faux. Peu importe la cause de cette bévue, la crédibilité de la plus grande chaîne de restaurants du Canada écope.

Comme beaucoup d’autres clients de Tim Hortons, Alexandre Jean Petrucci a reçu un courriel lui laissant croire qu’il mettrait la main sur un bateau Tracker Targa de 200 chevaux et une remorque assortie. L’ensemble vaut 68 751 $.

CAPTURE D’ÉCRAN FOURNIE PAR ALEXANDRE JEAN PETRUCCI

Courriel erroné transmis par Tim Hortons

Après avoir attendu une heure au téléphone pour savoir comment récupérer son prix, on l’a informé qu’il s’agissait d’une erreur. « Je n’étais pas très content. Ce n’est pas 1 million, mais ça peut faire une différence dans une vie. Ça aurait fait du bien, un petit 68 000 $ de plus dans mon compte de banque. »

Tim Hortons ne m’a pas précisé le nombre de faux gagnants d’un bateau, mais il y en a dans plusieurs provinces. En milieu d’après-midi jeudi, le nouveau groupe Facebook Tim Hortons “You Won a Boat” comptait déjà 1200 membres de l’Alberta, de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse, entre autres.

Quand elle a reçu le fameux courriel, Nathalie Lefebvre s’est présentée au Tim Hortons de Saint-Jérôme pour en vérifier la crédibilité. Elle se demandait si c’était une arnaque, ce qui aurait pu être le cas. Le propriétaire du restaurant a jugé que le message était légitime, après quoi son mari a écrit au siège social. « Je ne sais pas si la lettre était écrite d’avance, mais il a reçu une réponse en 10 minutes. C’était impossible de rédiger ça en 10 minutes ! »

Tim Hortons y explique que des « erreurs techniques » ont pu entraîner « l’inclusion d’informations incorrectes » dans le courriel qui résumait la liste des prix gagnés par chaque client depuis le début du populaire concours. La chaîne de restaurants demande de ne pas « tenir compte du contenu » du message et s’excuse pour la « frustration que cette situation a pu causer ».

Depuis qu’elle a lu cette réponse, Nathalie Lefebvre se demande si ce concours est frauduleux, si les plus grands prix (voitures, voyages, sommes de 10 000 $) sont véritablement remis. « Comment fait-on pour savoir si c’est vrai ou pas ? Il faut se fier à leur parole ? » Elle ne doit pas être la seule à maintenant avoir un doute.

Les mêmes questions se posaient déjà l’an dernier, quand un certain nombre de clients ont été informés à tort qu’ils étaient les gagnants d’une somme de 10 000 $. Tim Hortons avait aussi plaidé l’erreur technique. Des témoignages de clients de l’Ontario et des Maritimes avaient circulé dans les médias.

Le rôle de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) était justement de veiller à ce que les prix annoncés dans ce genre de concours soient bel et bien remis.

Or, pour alléger le fardeau réglementaire et administratif des entreprises, la loi a été modifiée en octobre 2023 afin que la Régie n’encadre plus les concours publicitaires. La nouvelle est passée sous le radar.

Les entreprises qui organisaient des concours devaient, par exemple, soumettre un rapport à la RACJ dans les 60 jours suivant la désignation des gagnants si la valeur totale des prix excédait 2000 $.

À cause de ces règles particulières au Québec, certains concours pancanadiens n’étaient pas ouverts aux résidants de la province. C’est chose du passé. Tant mieux, diront les amateurs de concours et les entreprises irritées par la paperasse requise par la Régie. Mais désormais, il faut croire en la bonne foi des organisations qui promettent de donner des voitures ou des voyages à leurs clients.

L’an dernier, après les ratés du concours Déroule pour gagner, la Régie avait exercé un rôle de médiateur entre des clients qui se croyaient lésés et Tim Hortons. L’issue du dossier est toutefois confidentielle, indique sa porte-parole Joyce Tremblay.

Cette fois, les amateurs de cafés et de Timbits ont moins de recours. Pour gagner aux petites créances ou avec une action collective, il faudrait démontrer un préjudice qui n’existe pas vraiment, dans ce cas-ci.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Au départ, il fallait dérouler le rebord des gobelets pour savoir si on gagnait un prix. Aujourd’hui, tout se passe de manière électronique.

Tim Hortons doit quand même améliorer ses processus pour mettre fin aux erreurs qui lui donnent mauvaise presse. Le concours lancé en 1986 est au cœur de sa stratégie de marketing tous les printemps et suscite un engouement notable dans ses 3590 restaurants au pays, même si on a cessé de dérouler le rebord des gobelets avec ses pouces.

Un troisième impair en trois ans, en 2025, serait grotesque dans le contexte où l’entreprise génère un bénéfice d’exploitation de près d’un milliard de dollars avec ses restaurants aux quatre coins du monde. En d’autres mots, elle a les moyens de faire mieux et d’éviter d’être l’inspiration d’un sketch gênant au Bye bye.