La plateforme de placements alternatifs Sagard, du conglomérat montréalais Power Corporation, souhaite démocratiser davantage le placement non traditionnel en proposant aux investisseurs individuels un accès à des produits habituellement offerts aux investisseurs institutionnels comme les caisses de retraite, les fonds souverains et les familles fortunées.

Sagard, dont l’actif sous gestion est supérieur à 25 milliards US, se prépare à lancer deux nouveaux fonds d’investissement dans les prochains mois. L’un d’eux est un fonds de crédit privé (du prêt direct aux entreprises) et il sera lancé en septembre.

L’autre est un produit de placement privé permettant aux particuliers d’investir dans un fonds composé de participations directes en équité dans des entreprises, du private equity dans le jargon financier. Le lancement de ce fonds, dont les détails seront éventuellement précisés, est prévu à l’automne.

« Il y a une tendance très forte de démocratisation des produits alternatifs, c’est-à-dire qu’on prend des produits qui essentiellement étaient réservés à des investisseurs institutionnels pour les rendre accessibles à des investisseurs individuels », explique en entrevue Jonathan Tétrault, associé directeur chez Sagard.

« Sagard essaie de se positionner comme un leader dans ce secteur », ajoute-t-il.

Les placements alternatifs ou non traditionnels permettent de diversifier un portefeuille au-delà des placements traditionnels dans des actions et des titres à revenu fixe. Les avantages mis de l’avant par les promoteurs des produits d’investissement alternatifs sont la diversification complémentaire pour un portefeuille et la volatilité réduite.

PHOTO FOURNIE PAR SAGARD

Jonathan Tétrault, associé directeur chez Sagard

Le fonds de crédit privé de Sagard sera admissible aux régimes enregistrés comme les REER, REEE et CELI. Le fonds visera un rendement annuel indicatif initial de 9 % à 10 % net de frais. « Ce n’est pas un rendement garanti », insiste Jonathan Tétrault, mais bien un rendement « cible ».

Le fonds doit se lancer avec un actif de départ de 50 à 100 millions de dollars. L’objectif des dirigeants est de faire passer l’actif à 1 milliard en trois ans.

Le fonds se concentrera sur le financement de sociétés rentables – bénéfice d’exploitation (BAIIA) de 5 à 500 millions – et accordera des prêts à des entreprises privées de taille moyenne. Il devrait y avoir entre 50 et 75 positions dans le portefeuille de prêts.

« Essentiellement, il s’agira à 80 % d’entreprises nord-américaines et à 20 % d’entreprises en provenance d’Europe et d’Australie », précise Jonathan Tétrault.

« Chacun des prêts comptera pour 0,5 % à 2 % du portefeuille avec une limite de 10 %. »

Seuls les investisseurs individuels accrédités auront accès à ce produit d’investissement en contactant leur conseiller financier ou leur courtier.

Parce qu’il s’agit d’un produit moins liquide et jugé plus risqué, pour se qualifier, un investisseur doit avoir un revenu annuel d’au moins 200 000 $ ou détenir un actif financier net de 1 million, en excluant les biens immobiliers, ou d’au moins 5 millions en incluant les biens immobiliers.

Le montant d’investissement minimum initial exigé est fixé à 10 000 $.

Des souscriptions sur une base mensuelle seront possibles et le fonds offrira des fenêtres de liquidité sur une base trimestrielle.

L’année dernière, Sagard avait lancé un fonds de crédit privé pour la clientèle du robot-conseiller Wealthsimple, autre plateforme de Power Corporation.

Tendance et risque

Plus tôt cette semaine, l’agence Bloomberg a annoncé la création par la firme d’investissement indienne Vivriti Asset Management d’un fonds de crédit privé de 240 millions US pour investir dans des petites et moyennes entreprises en Inde.

Bloomberg soulignait que le crédit privé prend rapidement de l’importance en Inde, malgré les avertissements lancés au niveau mondial sur la montée des risques associés au marché du prêt direct qui a connu une croissance explosive au fil des années.

Le grand patron de la banque américaine JPMorgan, Jamie Dimon, a été cité dans les médias à la fin de mai pour avoir dit à l’occasion d’une conférence organisée à New York qu’il s’attend à ce « qu’il y ait des problèmes » en faisant référence à l’essor du crédit privé.

« Il pourrait y avoir un enfer à payer », a-t-il dit, si les petits investisseurs dans ces fonds subissaient de lourdes pertes.

Jamie Dimon soutient que la hausse des prêts accordés par les sociétés de capital-investissement, les gestionnaires de fonds et les fonds spéculatifs multiplie les possibilités de laisser échapper à la surveillance les risques qui ne relèvent pas du système bancaire réglementé.

Si Sagard est contrôlée par Power Corporation, la Banque de Montréal, l’assureur Great-West, le fonds souverain ADQ des Émirats arabes unis et l’équipe de direction sont aussi actionnaires.