Avec la canicule, la Société des alcools du Québec s’attend à ce que ses ventes de boissons prêtes à boire atteignent des sommets cette semaine. Et les sommets ne s’arrêteront pas là : la société d’État est en processus d’appel d’offres pour renouveler ses produits en canette.

« C’est une catégorie qui est en croissance à la SAQ, où il y a peu de catégories en croissance », précise d’entrée de jeu Nicolas Bériault, de la Distillerie 3 Lacs. L’entreprise de Salaberry-de-Valleyfield propose quelques produits dans cette catégorie, dont une limonade rose à base de gin.

« De plus en plus de gens délaissent le vin et la bière pour aller vers un prêt-à-boire une fois de temps en temps, dit l’entrepreneur. C’est une offre qui n’existait pas et qui est maintenant largement disponible. »

D’après Nicolas Bériault, un facteur joue grandement en faveur de ces produits : la canette, recyclable et pratique.

C’est rafraîchissant, c’est facile. C’est un cocktail sur le pouce. Pas besoin de traîner le gin, le tonic et les petits sirops.

Nicolas Bériault, de la Distillerie 3 Lacs

À voir la multiplication des prêts-à-boire à la SAQ et dans les épiceries, on peut se demander si les producteurs d’ici ne sont pas en train de refaire la même erreur qu’avec les gins : inonder le marché jusqu’à plus soif.

Impossible, répond Nicolas Bériault, qui est aussi membre du conseil d’administration de l’Union québécoise des microdistilleries. Car contrairement aux gins québécois qui avaient automatiquement tous une place sur les tablettes de la SAQ, ce qui a mené à cette surproduction, la société d’État fonctionne par appels d’offres pour les prêts-à-boire.

À venir en 2025

Le processus se tient en ce moment même pour les produits qui seront sur les tablettes l’année prochaine.

Les distillateurs d’ici, et d’ailleurs, ont jusqu’au 4 juillet pour répondre à cet appel d’offres : le monopole veut ajouter une quinzaine de boissons dans cette catégorie.

Les entreprises québécoises se frottent aux géants de l’alcool pour trouver une place sur les tablettes de la SAQ, mais plusieurs réussissent à le faire, puisque 62 % des prêts-à-boire offerts à la SAQ sont québécois – ce qui représente 54 % des ventes.

« Les produits du Québec tirent vers le haut, explique Stéphanie Taschereau, gestionnaire de catégories – spiritueux et prêts-à-boire pour la SAQ. Ils gagnent de plus en plus de parts de vente et ils amènent la croissance. »

Le procédé d’appel d’offres est simple : la SAQ décrit les produits souhaités selon les tendances, et les fabricants peuvent soumettre une boisson qui répond à ces critères. Ils peuvent aussi solliciter une rencontre pour faire une présentation de leur entreprise et de leurs produits.

Cet intérêt pour les prêts-à-boire tombe bien pour le milieu québécois de la distillerie, qui est saturé, de l’aveu même de l’Union québécoise des microdistilleries, qui évalue que la majorité des entreprises sont déficitaires.

Au mois d’avril, la SAQ a annoncé qu’elle allait changer son approche pour les gins et faire une sélection des produits qui trouveront désormais leur place sur les tablettes.

Selon le distillateur Nicolas Bériault, les boissons prêtes à boire ne peuvent quand même pas sauver une entreprise qui est déjà au bord de la faillite.

« Je ne crois pas que ça puisse être une bouée de sauvetage, dit-il. C’est un beau produit complémentaire pour accroître un portfolio. De là à sauver une entreprise, non. Il y a quelque chose d’extrêmement concurrentiel dans le marché de la canette de prêt-à-boire. C’est quand même rude. »

Nicolas Bériault croit qu’un petit acteur peut encore trouver une place dans ce marché bien rempli s’il propose une boisson innovante.

Bon à savoir : la SAQ a particulièrement l’œil sur des produits prêts à boire qui plairont aux hommes, qui en achètent moins, et à une clientèle plus âgée, également moins fervente d’alcool en canette.

Une compétition féroce

Les boissons qui sont faites à partir d’alcool neutre – distillé, donc, par les distillateurs – sont en vente à la SAQ au Québec. Celles qui sont faites à base de malt se retrouvent dans les dépanneurs et les épiceries, où l’offre a aussi bondi.

Et ce n’est pas près de s’essouffler, dit Samuel Gaudette, copropriétaire de la distillerie Comont, qui a fait des prêts-à-boire sa signature.

Durant les trois dernières années, le distillateur a vu les propositions se multiplier et note l’intérêt grandissant des consommateurs, même dans de nouveaux marchés.

« On revient de France et d’Allemagne et on commence à voir l’intérêt pour la canette », dit Samuel Gaudette, heureux de voir des marchés plus conservateurs – et où l’alcool en canette est synonyme de qualité moyenne – se réchauffer par rapport au concept.

« C’est certain que ça n’est pas à la veille de s’arrêter », dit-il.

Toutefois, selon lui, il y a déjà trop de produits semblables et le consommateur se retrouve confus devant trop de boîtes de canettes à la SAQ, alors qu’il attend pour payer à la caisse. Ce n’est rien de bon pour valoriser les produits, encore moins des produits régionaux qui passent parfois inaperçus, selon le distillateur de Bedford. Comont offre notamment des canettes de paloma et de margarita, des catégories où l’offre a explosé depuis deux ans.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Comont offre notamment des canettes de paloma et de margarita, des catégories où l’offre a explosé depuis deux ans.

Bonne nouvelle, ce sont des produits qui sont très populaires au Québec.

« La margarita a la cote cette année », confie Stéphanie Taschereau, qui précise que l’apparition de nouveaux produits en 2025 ne veut pas dire plus de quantité ou de variété, puisque les boissons qui performent moins risquent de perdre leur place sur les tablettes. Mais la SAQ a l’œil sur les goûts de ses clients.

Ce qui va bien, en ce moment : les coolers de rhum, de gin et de téquila.

Et particulièrement lorsqu’il fait beau : la gestionnaire de la catégorie des prêts-à-boire observe une corrélation directe entre les ventes et la météo.

Allez-vous avoir un record de vente cette semaine ?

« Je m’attends à ce que les ventes soient très en croissance, confie Stéphanie Taschereau. Avec cette chaleur-là ! »

Bière ou prêt-à-boire ?

Toutes ces nouvelles boissons prêtes à boire font-elles compétition aux bières locales ? « Une certaine clientèle est plus attirée par ces produits-là, comme les femmes et les jeunes, estime Marie-Ève Myrand, directrice générale de l’Association des microbrasseries du Québec. Mais le cœur des amateurs de bière, sur une terrasse, ne remplacera pas sa bière par autre chose. » Dans les commerces, l’arrivée d’une nouvelle vague de hard seltzers il y a trois ans a donné une frousse aux microbrasseurs, mais le raz-de-marée ne s’est pas produit. Oui, les grandes entreprises qui mettent en marché ces boissons ont une forte puissance de marketing, convient Marie-Ève Myrand. Selon elle, le fait que la plupart de ces boissons contiennent beaucoup de sucre et de saveurs artificielles n’a finalement pas tellement plu à l’amateur ou l’amatrice de bière qui préfère des produits « nets ». « Il y a aussi une saisonnalité autour de ça, précise Marie-Ève Myrand. Rendu au mois d’octobre, ç’a moins d’intérêt. »

En savoir plus
  • 11 %
    La catégorie des prêts-à-boire représente 11 % des ventes en volume et 4 % en valeur.
    source : SAQ
    190
    Il y a 190 produits prêts à boire avec alcool offerts à la SAQ et 12 sans alcool.
    source : SAQ
  • 70 %
    La majorité des ventes de prêts-à-boire (70 %) se font entre avril et septembre.
    source : SAQ
    14 %
    Si les boissons en canette sont populaires en été, la catégorie est aussi en croissance de 14 % le reste de l’année.
    source : SAQ