Un VP d’Investissement Québec a été congédié sans solde parce qu’il aurait camouflé des dépenses d’alcool

L’ex-numéro trois d’Investissement Québec, renvoyé en novembre dernier, aurait participé à un « stratagème » pour faire en sorte que la société d’État « paye à son insu des consommations alcoolisées » à 340 de ses employés invités à une fête.

C’est ce qu’affirme le bras financier de Québec dans sa riposte à la poursuite de 2,7 millions qu’a déposée son ancien premier vice-président du réseau régional Jocelyn Beauchesne, en février.

L’ancien dirigeant avait convié les membres de sa division à l’hôtel Hilton Double Tree du Complexe Desjardins, le 21 novembre 2023, explique la société d’État dans sa défense. Au cours de la soirée, il se serait adressé aux 340 invités pour leur dire qu’il s’était « arrangé » pour avoir « de l’alcool aux frais d’Investissement Québec, en violation de la politique applicable ».

Il aurait ajouté avoir fait en sorte « que la facture n’indique pas que l’hôtel servait des boissons alcoolisées » et « qu’il fallait que ceci reste entre les employés présents », selon la défense de la société d’État, consultée par La Presse.

340 « complices »

« En d’autres termes, un membre du comité de direction d’Investissement Québec, qui a le devoir d’être le gardien des valeurs et de l’intégrité de l’organisme, a affirmé publiquement à ses 340 employés qu’il agissait de manière à tromper Investissement Québec afin de violer sciemment une politique et le code de déontologie de cette dernière, tout en leur demandant d’être complices de cette conduite », mentionne le bras financier de l’État dans sa défense.

Investissement Québec précise qu’une collaboratrice de Beauchesne avait d’abord demandé la permission de payer de l’alcool aux employés.

« Nous ne pouvons pas prendre de forfait incluant l’alcool. Si les employés désirent prendre de l’alcool, cela se fait à leurs frais », aurait répondu le département des ressources humaines.

Malgré ce refus, elle se serait arrangée avec l’hôtel pour que le service des finances d’Investissement Québec « ignore que la prestation facturée incluait le service d’alcool ». Le geste était donc « prémédité », souligne la société d’État.

Après une demande d’accès à l’information, Le Journal de Montréal avait révélé en février que la réception avait coûté 115 186 $ au total, dont seulement 8716 $ pour des coupons donnant droit à des boissons, alcoolisées ou non.

Dénonciation

Aucun autre membre de la direction n’était présent à la soirée. « L’incident a fait l’objet d’une dénonciation le lendemain de l’évènement », indique Investissement Québec.

Deux jours plus tard, Beauchesne et sa collaboratrice auraient admis les faits lors d’une rencontre.

La semaine suivante, la société d’État congédiait Beauchesne pour avoir « enfreint une règle de gouvernance », sans donner plus de détails, comme le rapportait La Presse à l’époque.

L’ancien vice-président a ensuite déposé une poursuite de 2,7 millions contre elle, dénonçant « son évincement des lieux de travail, sans préavis ou indemnité ».

Dans sa défense, Investissement Québec juge que Beauchesne a « trompé » son employeur dans un « geste prémédité ».

Son « insubordination face aux instructions reçues » démontre « un grave manque de jugement », affirme la société d’État. « Il s’agissait d’une violation délibérée, publique et inexcusable des obligations du demandeur à titre de membre du Comité de direction et de son devoir de loyauté. »

« Mauvaise foi », dit Beauchesne

Dans sa poursuite, l’ex-VP juge au contraire la conduite de son ex-employeur « offensante, négligente, précipitée, fermée, aveuglée, entêtée ».

Il dénonce dans sa poursuite « son évincement des lieux de travail, sans préavis ou indemnité », jugeant qu’Investissement Québec fait preuve d’une attitude « déréglée » et de « mauvaise foi ».

Selon Jocelyn Beauchesne, la société d’État aurait aggravé son « inconduite déjà grossièrement abusive et très sérieusement dommageable » en communiquant avec les médias au sujet de son renvoi.

Beauchesne compte interroger dans les prochaines semaines Guy Leblanc, PDG d’Investissement Québec jusqu’en février, Marie Zakaïb, première vice-présidente aux ressources humaines, et Julie Bouchard, cheffe de l’audit interne, notamment.

Sa rémunération globale s’élevait à 674 303 $, ce qui inclut bonis et avantages sociaux. Il n’a eu droit à aucune indemnité lorsqu’il a été congédié.

Contacté par La Presse, Jocelyn Beauchesne a refusé de commenter la défense d’Investissement Québec. Son avocat, Bernard Moreau, a réitéré simplement que son client « conteste les allégations de malversations qui sont portées à son endroit ».

Jocelyn Beauchesne, employé par Investissement Québec depuis 2017, souligne dans sa poursuite qu’il a réalisé « la fusion des opérations des bureaux régionaux » de la société d’État avec celles du ministère de l’Économie.

Il raconte s’être hissé « aux toutes premières loges » en 2022, à titre de premier vice-président du réseau régional. Il a aussi accédé aux comités de direction, du crédit et de l’investissement, avant sa chute.

La réclamation de 2,7 millions de Beauchesne inclut 1,55 million en gains pour deux ans de service et 1,12 million en dommages, notamment pour atteinte à sa réputation.